BILAL d'AFRIQUE



Le pilier de la foi de Bilâl était si solidement fixé, que ces tempêtes ne purent l'ébranler. Son amour pour la liberté était trop forte pour renoncer à sa foi sous la pression, même difficilement supportable, de Omayyah. La seule chose qui le préoccupait et l'affectait vraiment, c'était de voir les gens persévérer dans la déviation, l'insouciance et l'adoration des idoles inertes, et dans la soumission à leur maître injuste et tyrannique, au lieu d'adorer Allah le Miséricordieux.

Bilâl oublia son triste sort et laissa libre cours à sa pensée. Comment les maîtres et les obscurantistes pouvaient-ils opprimer les dépossédés sans que personne n'ose protester ou venir au secours de ces misérables, traités comme du bétail! Les nantis et les gens puissants jouaient avec la vie, les biens et les croyances du peuple et commettaient de nombreux crimes pour satisfaire leurs désirs charnels et la vie de luxure qu'ils menaient! Jusqu'à quand le sang des innocents continuerait-il à couler? Jour après jour la position des chefs des tribus arabes, plongés dans la débauche et l'immoralité ne cessait de se renforcer, alors que le concept de moralité et de noblesse humaine s'effacait peu à peu.

Bilâl était devenu conscient que la société se dirigeait tout droit vers le précipice et la destruction, et que tout allait vers le déclin. Peu à peu la crainte qu'il avait pour lui-même commença à s'estomper pour laisser place à son désir de voir les gens mettre un terme à leur condition pitoyable. Ce noble désir redoubla sa détermination à supporter toutes les souffrances et à s'armer d'une patience sans limite.

Emprisonnement et Travaux Forcés

Quant à Omayyah, sa détermination à faire mourir Bilâl, pour sauver la face et assouvir sa haine envers le Prophète Mohammad et sa Foi, sembla céder la place, une fois l'accès de colère apaisé, à une réflexion perfide et à une pensée calculatrice, propres à tous les possédants vivant sur l'exploitation d'autrui. Car pour Omayyah, Bilâl était avant tout un bien, une propriété personnelle et un instrument de service. Le tuer, c'était subir une perte matérielle. Il fallait donc sévir autrement et d'une façon plus efficace et bien plus adéquate. Il commença par l'affamer, lui confier des tâches très dures et quasi insupportables, l'isoler en interdisant à quiconque de lui adresser la parole ou de s'approcher de lui. Il pensa que c'était là la voie la plus courte menant à son but: si Bilâl était affamé, écrasé par les tâches pénibles et totalement isolé, il regretterait sa conversion, se repentirait, renierait sa nouvelle foi, et serait obligé de respecter son maître et de lui demander pardon. De plus, Bilâl n'aurait pas, pensait-il, d'autre choix que d'exécuter les travaux durs qui lui seraient confiés, de crainte d'être puni. N'était-ce pas la plus grande persécution que l'on puisse faire subir à un "criminel" afin qu'il se repente? Et n'était-ce pas la meilleure façon de dissuader quiconque aurait la velléité de suivre son exemple?

Il semblerait que les nantis et les exploiteurs, qu'ils soient des individus, des entités sociales ou des nations et quelque soit l'époque, sont animés par les mêmes sentiments, les mêmes craintes, le même égoïsme, et qu'ils recourent aux mêmes méthodes pour sauvegarder leurs privilèges, poursuivre leur exploitation des plus faibles et les empêcher de se relever.

Hier, Omayyah et ses pairs qui maintenaient sous leurs jougs les masses des démunis, s'alarmèrent dès que l'Islam naissant proposa à l'humanité un système plus juste et plus susceptible de réduire l'écart entre les possédants et les possédés, et ils recoururent à toutes sortes de méthodes perfides pour étouffer la légitime aspiration des masses à l'émancipation. Et de nos jours, les Grandes Puissances se sont coalisées et ont tout mis en ouvre (embargo économique, boycottage politique et scientifique, dénigrement, diffamation, agressions armées, menaces) pour empêcher la nation musulmane et les pays pauvres d'accéder à la technologie et de se développer, dès que l'Islam renaissant a rappelé à l'humanité, inquiète devant la croissance des inégalités et des injustices, qu'il détient la solution et que le système islamique, s'il est correctement appliqué, peut sortir le monde du virage dangereux dans lequel il s'est engagé.

Mais contrairement à ses prévisions, Omayyah ne parvint pas à impressionner Bilâl par ses méthodes de dissuasion et de répression. En effet, Bilâl patienta et endura l'emprisonnement, l'isolement et les travaux forcés, et bien mieux, il se mit à exprimer sa foi en l'Islam d'une façon plus éloquente et avec une voix plus assurée. On aurait dit que les supplices et les persécutions étaient devenus les signes de l'affirmation de sa Foi, laquelle lui procurait un réconfort indicible et suscitait en lui des espoirs sans limites. Le monde éphémère d'ici-bas et ses épreuves lui paraissaient insignifiants face aux perspectives illimitées de la vie éternelle à laquelle il n'avait cessé de penser depuis qu'il avait épousé cette Foi.

Sérénité sous l'Emprise des Chaînes

Lorsque Bilâl l'Ethiopien terminait les corvées auxquelles il était astreint, Omayyah ordonnait qu'au lieu de le laisser se reposer, on devait enchaîner solidement ses mains et ses pieds, le jeter dans la basse-cour et lui donner une toute petite quantité de nourriture lui permettant à peine de survivre.



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