BILAL d'AFRIQUEFace aux menaces de plus en plus précises de Omayyah, Bilâl gardait son sang-froid. De temps en temps, il répliquait calmement: «Tout ce que tu peux faire contre moi, c'est me tuer. Or je n'ai pas peur de mourir. D'autre part, je me sentirais fier d'être tué sur le chemin du Prophète d'Allah et pour la délivrance des opprimés de la tyrannie et de la cruauté. Il vaut mieux mourir dans l'honneur que vivre dans l'abjection. Seuls les gens égoïstes et ne croyant pas au Jour du Jugement craignent la mort. Pour moi en tous cas, la mort n'est qu'honneur et salut!» Ayant constaté que rien de ce qu'il avait entrepris ne pouvait entamer la foi de Bilâl, Omayyah décida de mettre à exécution son dernier plan diabolique qui devait selon lui conduire son incorrigible esclave à renoncer à sa foi ou à mourir. Il était déterminé à aller jusqu'au bout de sa logique meurtrière, car en fait son plan équivalait à la mort de Bilâl. Il faisait une chaleur torride sous le soleil brûlant du Hijâz. Le sable du désert n'avait rien à envier à l'enfer. Omayyah saisit la main du pauvre Bilâl et le traîna vers le désert jusqu'à ce qu'ils aient atteint une région sablonneuse et brûlante. Là , il déshabilla le maigre et famélique Bilâl et le fit allonger sur des pierres aussi brûlantes qu'un fer rouge de chaleur. Il n'oublia pas de poser par la suite quelques-unes de ces lourdes pierres sur sa poitrine. La peau de Bilâl commença à brûler et il lui était de plus en plus difficile de respirer. Mais ce ne fut pas tout, car tous ceux qui accompagnaient Omayyah se mirent à donner des coups de fouet au pauvre Bilâl , laissant deviner sur leurs lèvres un sourire de plaisir en signe de victoire. Bilâl perdait parfois connaissance, suite aux terribles sévices qu'il subissait. Lorsqu'il reprenait ses esprits, il devait faire face à la folie furieuse de son maître qui le pressait de renier Mohammad (P) et son Seigneur. Mais à sa grande déception, Omayyah, incrédule, entendait Bilâl murmurer d'une voix tremblante, les yeux fermés: «Ahad, Ahad».(22) En prononçant avec tant de peine les mots Ahad, Ahad, le sincère compagnon du Prophète (P) , le soldat dévoué d'Allah, mit en flammes toutes les entrailles de son maître, lequel, ahuri, ne pouvait pas croire qu'il était en face du même Bilâl qu'il connaissait. Il ne pouvait pas concevoir qu'un tel esclave puisse atteindre un si hait niveau de conscience et de foi, et une si haute position qu'il se préparait à se sacrifier pour sa foi, la foi au monothéisme. Comment cet esclave, toujours prévenant et prêt à s'aplatir devant lui, sur un simple geste, pouvait-il, avoir un tel mépris pour ses menaces, sa volonté, toutes les punitions inhumaines qu'il lui avait infligées? Mais toujours haineux et ayant à sa merci Bilâl il serrait les dents, comme pour montrer sa détermination et son pouvoir mis à l'épreuve, il dit à Bilâl: «Tu doit ou bien mourir ou bien renier le Seigneur de Mohammad». Mais le valeureux Bilâl, à qui l'Islam avait conféré une foi inébranlable et une force indomptable, répéta avec assurance et conviction: «Ahad! Ahad!» Hommage Rendu à Bilâl Chaque jour le soleil se levait le matin derrière la montagne, et à mesure qu'il montait, la crainte de Bilâl augmentait, car la montée du soleil signifiait pour lui et pour sa peau martyrisée une nouvelle séance de supplice sous la chaleur. Mais Bilâl qui suffoquait sous l'effet conjugué de la chaleur et des pierres qui écrasaient son corps chétif, résistait miraculeusement en opposant à ces interminables souffrances, des prières continuelles qu'il murmurait inlassablement et qui semblaient avoir l'effet d'une anesthésie contre la douleur. La scène de torture qu'avait fièrement montée Omayyah et l'incroyable résistance de son unique héros finirent par attirer des spectateurs. Leur présence poussait Omayyah à rendre le spectacle plus dramatique et plus mouvementé. Chaque fois qu'un nouveau arrivait, Omayyah attisait le feu, ou projetait plus de lumière sur son héros, en s'ingéniant à trouver les moyens d'augmenter sa torture afin qu'il pousse plus de cris plaintifs. Mais l'endurance de Bilâl, sa résistance héroïque à des douleurs humainement insupportables, finirent par arracher la sympathie et l'admiration des gens. Un jour, un homme du nom de Waraqah Fils de Nawafal passa par là . En voyant la scène, il éprouva une grande affection pour la victime. Il eut subitement l'envie de l'embrasser. Il s'approcha de lui et lui dit: «Bravo, Bilâl! Moi aussi je dis qu'il n'y a qu'Un Allah. J'accepte ta foi». Puis se tournant vers Omayyah, il dit sur un ton d'avertissement et de défi: «Je jure par Allah que si Bilâl meurt dans cette condition, je ferais de son tombeau un lieu de pèlerinage pour moi-même, et j'implorerais la bénédiction de ses restes, car ce lieu sera certainement un lieu de descente des bénédictions d'Allah».(23)
|