Le Dialogue au Regard de l’Islam



* "Et mentionne dans le Livre, Abraham. C’était un très véridique et un Prophète. Lorsqu’il dit à son père : ‘Ô mon père, pourquoi adores-tu ce qui n’entend ni ne voit, et ne te profite en rien ? Ô mon père, il m’est venu de la science ce que tu n’as pas reçu ; suis-moi, donc, je te guiderai sur une voie droite. Ô mon père, n’adore pas le Diable, car le Diable désobéit au Tout Miséricordieux. Ô mon père, je crains qu’un châtiment venant du Tout Miséricordieux ne te touche et que tu deviennes un allié du Diable’. Il dit : ‘Ô Abraham, aurais-tu du dédain pour mes divinités ? Si tu ne cesses pas, certes je te lapiderai, éloigne-toi de moi pour bien longtemps’. ‘Paix sur toi’, dit Abraham. ‘J’implorerai mon Seigneur de te pardonner car Il m’a toujours comblé de Ses bienfaits. Je me sépare de vous, ainsi que de ce que vous invoquez, en dehors d’Allah, et j’invoquerai mon Seigneur. J’espère ne pas être malheureux dans mon appel à mon Seigneur’"(55).

Abraham a ainsi employé l’expression "‘aba-ti" (mon père) pour s’adresser à son père, et c’est une formule de la langue arabe où la particule génitive de la première personne (-î), qu’on a dans "‘ab-î" (mon père) est remplacée par son allophone "-ti" qui n’est usité que pour interpeller le père et la mère. Elle peut être d’inclinaison oblique (kasr) (-ti) ou accusative (fath) (ta) et dans ce dernier cas, la voyelle peut être allongée (-tâ). Son emploi recèle une charge d’amour filial et de bienveillance; ce qui est plus approprié au sermon. Cette sollicitude est d’autant plus amplifiée qu’elle s’exprime dans les versets par une redondance d’expressions vocatives, quatre fois répétées. A cela s’ajoute l’étonnante patience d’Abraham face à l’agressivité de son père qui le menaçait de lapidation et d‘abandon, alors que lui, il répondait à la menace par un adieu courtois assorti d’invocation de pardon divin pour son père.

Cette attitude d’Abraham en s’évertuant à convaincre son père et à le remettre sur le droit chemin n’est pas étonnante, surtout que sa personnalité était foncièrement caractérisée par la mansuétude, la sérénité et l’imploration de Dieu Qui est son ultime recours. Il observait cette éthique dans toutes les étapes de sa vie et dans ses relations avec tout le monde. C’est le cas avec son père, comme on vient de le voir, et aussi avec les gens dont le comportement l’avait contraint à les abandonner ainsi que ce qu’ils adoraient. C’est pour cela que Dieu le Très-Puissant en a parlé dans le Saint-Coran en ces termes élogieux :

* "Abraham était certes plein de sollicitude et indulgent"(56).

* "Abraham était, certes, longanime, très implorant et repentant"(57).

Pour montrer que la souplesse et la sérénité, au lieu de la grossièreté et la violence, constituent la principale qualité requise chez celui qui veut entreprendre le dialogue, le Saint-Coran a mis l’accent sur cette vertu en maintes circonstances. Ainsi en est-il, par exemple, du cas de Moïse (Prière et Paix sur Lui) quand Allah lui avait commandé d’aller, en compagnie de son frère, pour dialoguer avec Pharaon, en leur recommandant de s’y prendre avec cette même démarche conciliante, alors qu’ils redoutaient la puissance et la tyrannie de leur protagoniste. Dieu le Très-Haut a dit :

* "Pars, toi et ton frère, avec Mes prodiges; et ne négligez pas de M’invoquer. Allez vers Pharaon : il s’est vraiment rebellé. Puis, parlez-lui gentiment. Peut-être se rappellera-t-il ou [Me] craindra-t-il ? Ils dirent : ‘Ô notre Seigneur, nous craignons qu’il nous maltraite indûment, ou qu’il dépasse les limites’. Il dit : ‘Ne craignez rien. Je suis avec vous : J’entends et Je vois. Allez donc chez lui ; puis, dites-lui : ‘Nous sommes tous deux, les messagers de ton Seigneur. Envoie donc les enfants d’Israël en notre compagnie et ne les châtie plus. Nous sommes venus à toi avec une preuve de la part de ton Seigneur. Et que la paix soit sur quiconque suit le droit chemin ! Il nous a été révélé que le châtiment est pour celui qui refuse d’avoir foi et qui tourne le dos’"(58).

Ainsi Moïse avait-il poursuivi le dialogue, en évoquant le Seigneur et les générations anciennes, pour aboutir à la séquence de la joute avec les magiciens, comme cela est étayé par les versets subséquents.

Telle était la manière des Envoyés et des Prophètes dans le dialogue avec leurs peuples. Ils s’intégraient à leur communauté dans un esprit de fraternité qui suscitait la confiance, l’assurance et la disposition à l’écoute et à la persuasion. Ainsi, parlant de Hûd, de Sâlih, de Chu’aïb et de Madian, Dieu le Très-Haut a dit, respectivement :

* "Et (Nous avons envoyé) aux ‘Âd, leur frère Hûd"(59).



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