La rencontre de Mûsâ (as) et de Khidhr (as) selon le Coran et les hadithsAprès ce dialogue et le renouvellement de l’engagement, « Ils repartirent tous deux et ils arrivèrent auprès des habitants d'une cité auxquels ils demandèrent à manger ; mais ceux-ci leur refusèrent l'hospitalité. » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 77). Il est évident que Mûsâ (as) et Khidhr (as) ne sont pas hommes à vouloir être une charge pour les gens de cette contrée, mais il apparaît qu’ils ont perdu leurs provisions et leurs ressources en cours de route, ou qu’ils les ont consommées, c’est pourquoi ils demandent l’hospitalité aux gens de cette région (il est également probable que le savant leur ait délibérément fait cette requête afin de donner une nouvelle leçon à Mûsâ (as)). Il est nécessaire de rappeler que le mot qarya / قرية, dans le Lisân al-Qur‛ân comporte une signification commune et concerne tout type de ville ou de village, or ici, il est question d’une ville en particulier, parce que dans les quelques versets qui suivent nous trouvons al-madîna / المدينه. La phrase istat‛amâ ahlahâ / استطعما أهلها caractérise cette qarya / قرية, et s’il est dit « ils arrivèrent auprès des habitants d'une cité (ahla qaryatin) auxquels ils demandèrent à manger (istat‛amâ ahlahâ) » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 77) et non « à une cité auxquels ils demandèrent à manger », c’est parce qu’il s’agirait d’une mauvaise formulation (24) . A l’inverse, préciser qu’ils arrivent dans une cité d’abord et que les habitants sont inclus dans « cité », du fait que la notion de cité est contenue dans le fait d’aller dans sa direction, il est donc permis de mettre « cité » à la place des habitants dans la phrase, et au contraire, de demander à manger à la cité, terme qui est propre aux habitants de la cité. Par conséquent, l’usage du mot ahlahâ / إهلها concerne les cas où l’on emploie le nom commun à la place du pronom. Et s’il n’est pas dit : « ils arrivèrent auprès d'une cité auxquels ils demandèrent à manger », c’est parce que bien qu’il ait été utilisé ainsi, le mot qarya / قرية a été employé dans son véritable sens. Du fait que l’objet principal de ce mot se rapporte à jazâ’ / جزاء / rétribution, c'est-à -dire à la phrase: « Tu pourrais, si tu le voulais, réclamer un salaire pour cela » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 77), il est dit : « ils arrivèrent auprès des habitants d'une cité ». C’est là ce qui prouve que lorsque le mur est relevé, cela se fait en présence des gens de la cité, et qu’il n’est donc pas nécessaire de dire : « Tu pourrais, si tu le voulais, leur réclamer un salaire pour cela », ou bien : « demander aux gens un salaire pour cela ». Istat‛âma / استطعام signifie demander de la nourriture, dans le cadre d’une invitation, d’où le choix de fa’abaw / Ùابوا dans « mais ceux-ci leur refusèrent (fa'abaw) l'hospitalité. » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 77). D’autre part, les exégètes ont longuement débattu sur le nom précis de la ville et du pays où elle se trouve. Il est rapporté d’Ibn ‘Abbâs qu’il s’agit d’Antakya (25) . Certains avancent qu’il s’agit d’Ila, connue aujourd’hui comme Eilat (26) , situé dans le golfe de ‘Aqaba. D’autres se prononcent pour la ville de Nâsara (27) , située au nord de la Palestine, ville qui est donnée pour être le lieu de naissance de son Excellence le Masîh (28) (as). Tabarsî rapporte ici un hadith de l’Imâm al-Sâdeq (as) qui vient confirmer la dernière hypothèse. « Si l’on considère ce qui a été dit au sujet de la signification de majma‛ al-bahreïn / مجمع البØرين, situant cet endroit au lieu même où se rejoignent le golfe de ‘Aqaba et le golfe de Suez, il est clair que les villes de Nazareth et d’Eilat en sont plus proche qu’Antakya. Et dans tous les cas, par ce qu’il advient à Mûsâ (as) et à son maître (as) dans cette ville, on peut en déduire que ses habitants sont avares et indignes. C’est pourquoi dans un hadith du Prophète (s), nous lisons à leur sujet : ‘C’était là des gens avares et vils.’ Et le Coran ajoute : ‘Tous deux trouvèrent ensuite un mur qui menaçait de s'écrouler (yanqadda). Le Serviteur le releva (aqâmahu).’ » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 77). Dans cette phrase, inqidâd / انقضاض signifie « écroulé », aussi « qui menaçait de s'écrouler » signifie qu’il était sur le point de s’écrouler. Le fait qu’il soit dit : « le releva » indique que Khidhr (as) le redresse, mais ceci ne dit pas comment il s’y est pris, s’il s’agit d’un miracle, d’un fait extraordinaire, ou s’il l’a simplement détruit pour le reconstruire de nouveau, ou même, s’il l’a consolidé en lui adjoignant des colonnes de soutien. Ce que l’on sait, c’est que Mûsâ (as) lui demande pourquoi il n’a pas réclamé un salaire pour cela. On peut déduire qu’il l’a donc remis d’aplomb en le reconstruisant et non en ayant recours à un miracle, car il est convenu que l’on parle généralement de salaire dans le cas d’une action ordinaire. Mûsâ (as) proteste face à la réparation du mur accomplie par Khidhr (as) A ce moment-là , Mûsâ (as) est fatigué, éreinté, il a faim, et plus encore, il a l’impression que l’acte inqualifiable des gens de cette cité est particulièrement blessant à l’endroit de sa haute personnalité et de celle de son maître. En plus de cette indignité, il voit Khidhr (as) réparer le mur qui se trouve sur le point de s’écrouler, comme s’il voulait récompenser ces gens pour leur mauvaise action. Il pense que cette action aurait été plus valable si son maître avait accompli cela contre rémunération, et qu’ainsi ils puissent se nourrir. C’est pourquoi il oublie une nouvelle fois son engagement et se met à protester, mais cette fois d’une manière plus modérée, plus faible : « Tu pourrais, si tu le voulais, réclamer un salaire pour cela (lattakhadhta 'aleyhi ajran). » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 77). Dans cette phrase, le mot akhdh / أخذ signifie perception, et le pronom « cela » ('aleyhi) renvoie à l’acte que l’on peut déduire de « le releva ». Car iqâma / اقامه est à la fois l’infinitif auquel se réfère le pronom cité, et se trouve au féminin, tandis que la suite atteste du fait que Mûsâ (as) et Khidhr (as) ont faim. Lorsque Mûsâ (as) dit : « Tu pourrais, si tu le voulais, réclamer un salaire pour cela », il pense qu’avec ce salaire il serait possible d’acheter de la nourriture et de se sustenter. En réalité, Mûsâ (as) pense que cet acte est injuste, et qu’il ne convient pas qu’un être humain fasse preuve de tant d’abnégation face à des gens si mesquins. Autrement dit, la bienfaisance est une bonne chose, mais seulement lorsqu’elle se trouve à sa juste place. Il est vrai que faire le bien face au mal correspond à la tradition des hommes de Dieu, mais cela se fait quand il n’est pas question d’encourager le mal. La séparation de Mûsâ et de Khidhr (as) C’est ici que cet homme savant s’adresse à Mûsâ (as) pour la dernière fois, parce qu’au regard des événements qui se sont déroulés, il a maintenant acquis la certitude que Mûsâ (as) ne peut vraiment pas supporter ses actions. « Le Serviteur dit : ‘Voilà venu le moment (hadhâ) de notre séparation ; je vais te donner l'explication que tu n'as pas eu la patience d'attendre.’ » (sourate Al-Kahf (La caverne) ; 18 : 78). Le mot hadhâ / هذا désigne ce qu’a dit Mûsâ (as), à savoir : « Ce que tu viens de dire cause notre séparation. » Selon certains, ce mot indiquerait plutôt le temps, à savoir : « Voilà venu le moment de notre séparation » (29) . Il est possible également qu’il fasse référence à la séparation elle-même, à savoir : « Notre séparation est maintenant arrivée. » Comme si la séparation s’était dérobée jusque-là , mais maintenant, suite à ce qu’a dit Mûsâ (as), la voici qui se manifeste. Et s’il dit « la séparation entre moi et toi » (30) et ne dit pas « notre séparation », c’est pour mettre de l’emphase dans sa déclaration. Et si Khidhr (as) dit cela après la troisième objection de Mûsâ (as), et pas avant, c’est parce que les deux fois précédentes, soit Mûsâ (as) s’est excusé, comme c’est le cas la première fois, soit il lui a demandé un délai, comme c’est le cas la seconde fois. C’est Mûsâ (as) lui-même qui dispense Khidhr (as) en ce qui concerne la troisième fois, lui disant après son deuxième questionnement : « Si je demande quelque chose une troisième fois, ne me laisse plus t’accompagner. » Bien entendu, cette fois-ci Mûsâ (as) ne fait montre d’aucune objection, car il arrive exactement ce que lui-même a suggéré après l’événement précédent. Pour lui également, il est clair qu’ils ne sont pas faits du même bois. Cependant, la nouvelle de la séparation est si lourde, si assommante lorsqu’elle pénètre le cÅ“ur de Mûsâ (as) ; il s’agit de la séparation d’avec le maître qui recèle dans sa poitrine le trésor caché, dont la compagnie est source de bénédiction, dont la parole est enseignement, dont le comportement est révélation, dont la lumière divine éclaire le front et dont le cÅ“ur possède le trésor du savoir divin. Le célèbre exégète Abû al-Futûh al-Râzî rapporte d’une tradition, que l’on a demandé à Mûsâ (as) : « Quelle est la pire des difficultés que tu ais eu à affronter au cours de ton existence ? » Il a répondu : « J’ai connu beaucoup de difficultés (il fait là mention des déboires de la période de Pharaon et des problèmes écrasants intervenus lorsque le pouvoir fut assumé par les Banî Isrâ’îl), mais aucune n’a causé autant d’effet à mon cÅ“ur que lorsque Khidhr (as) m’a averti de notre séparation. » Khidhr (31) (as) expose à Mûsâ (32) (as) les secrets cachés au cÅ“ur de ces événements
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