La philosophie de l’Imâmat chez Mollâ Sadrâ



Chaque épithète possède une essence qui lui sert de réceptacle

C’est à la mesure de la réceptivité de l’essence qu’il se manifeste. (25)

Par conséquent, chaque espèce parmi les espèces qui participent à l’univers de l’être jouit des effets et des qualités en proportion du niveau dont il jouit des perfections existentielles. Comme le sens, le mouvement et leur manifestation dans l’étape des animaux, ou la perception des idées générales, se réalisent dans le statut humain.

C’est pour cette raison que la capacité d'agir avec un pouvoir divin n’a été donnée qu’aux êtres immatériels, dépouillés de leurs corps. En outre, les corps ainsi que les âmes qui dépendent des corps et qui n'ont pas atteint un degré spécifique de dépouillement sont considérés comme incapables d’agir comme Dieu.

Dans ses œuvres, Avicenne a discuté de l’impossibilité de la causalité d’un corps sur un autre corps, et l’a démontré de façon absolue. Cela veut dire que la capacité d'agir avec un pouvoir divin et ressembler à Dieu n’a pas la possibilité de se réaliser au niveau existentiel des corps. Le corps ne peut être considéré que comme terrain et prédisposition. Les âmes aussi, dans les degrés inférieurs des perfections, ne peuvent intervenir que comme agent naturel.

Néanmoins, dans les degrés supérieurs, elles peuvent recevoir le don d'agir avec la permission divine et conformément à la Volonté de Dieu, comme cela a été affirmé clairement par les mystiques et les philosophes. Dans le chapitre d’Isaac (26) de son Fusûs al-Hikam, Ibn 'Arabî écrit à ce sujet :

« Tout homme crée par l’illusion contenue dans la puissance de son imagination ce qui, sans elle, n’aurait aucune existence ; cela, c’est le cas du commun. Le Connaissant, quant à lui, crée par l’énergie spirituelle ce qui peut avoir une réalisation extérieure au siège de son aspiration. Son énergie préserve alors en permanence (la subsistance de) cette réalité, sans que cette préservation « l’affecte Â» en aucune manière. Si quelque incident survient, et que le Connaissant néglige d’assurer cette sauvegarde, ce qu’il a créé s’évanouit aussitôt… Â» (27)

Pour le Shaykh al-Ishrâq (28) , les hommes parvenus à un degré exceptionnel de dépouillement (tajarrod), sont capables de créer une « substance imaginale Â». Ce degré est appelé par lui, la station de « sois ! Â» (kon !) (29) .

L’ordre « sois ! Â» est une allusion au verset 82 de la sourate 36 (Yâ Sîn) : « Son ordre quand Il veut une chose est de lui dire "Sois !", et elle est ! » (30) . Dans cette station, le connaissant acquiert aussi ce pouvoir, celui d’agir à l'image de Dieu, avec la permission divine.

Avicenne aussi admet comme corollaire nécessaire des âmes des prophètes la possibilité de l’action sur la nature, dans le sens où les âmes humaines touchant à la perfection acquièrent le pouvoir de « disposer à leur guise Â» (tasarrof) de la nature. Ceci intervient quand l’âme humaine ayant atteint un degré de perfection et de dépouillement outrepasse les limites du corps, devient capable d’influer aussi sur les autres corps et possède la puissance de transformer les éléments et d’influer sur les évènements. De façon générale, sa volonté se réalise dans le monde de la nature (31) . De même, les autres qualités, comme par exemple la science et la volonté, varieront en fonction des degrés de l’être.



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