Différentes interprétations de l’événement de Karbalâ



Nous voyons qu’au cours de l’histoire sont apparues quantité d’interprétations différentes de l’événement de Karbalâ. Par exemple, l’interprétation de Da‛bal Khaza’î, l’un des poètes contemporains de son Excellence al-Rezâ (as), diffère de celle de Kumayt Asadî, contemporain des Imâms al-Sajjâd (as) et al-Bâqer (as), qui diffère à son tour de celle de Mohtasham Kâshânî, de Sâmânî, ou de Safî ‘Alîshâh.

Chacun a interprété l’événement à sa manière : Mohtasham d’une façon, Sâmânî d’une autre, Safî ‘Alîshâh différemment, et Iqbâl Lâhorî d’une autre façon encore.

Comment cela se fait-il ? Il semble que toutes leurs interprétations sont justes (bien entendu, il existe également des interprétations erronées, mais celles-ci ne nous intéressent pas), mais pourtant incomplètes. Elles sont justes parce qu’elles ne sont ni erronées ni mensongères, mais elles ne reflètent qu’un aspect de l’événement.

Prenons par exemple cette histoire de l’éléphant que relate maître Rûmî, dans laquelle un groupe d’individus plongés dans l’obscurité cherche à caractériser l’animal par le toucher. Celui qui a touché l’arrière de l’éléphant l’évalue d’une façon, celui qui a touché son oreille l’évalue d’une autre, etc.

Ces évaluations sont à la fois justes et erronées. L’aspect erroné provient de ce que ces évaluations ne décrivent pas l’éléphant comme un tout, mais elles sont exactes pour ce que leurs mains ont capté. Celui qui en a touché l’oreille dit que l’éléphant a la forme d’un éventail, ce qui n’est pas faux parce que ce qu’il a touché en a effectivement la forme, or ce n’est cependant pas le cas de l’éléphant dans sa globalité. Celui qui a touché la trompe de l’éléphant dit qu’il a la forme d’une gouttière, ce qui est à la fois vrai et faux. C’est vrai en ce sens que ce qu’il a touché a effectivement la forme d’une gouttière, et c’est erroné parce que l’éléphant n’a pas la forme d’une gouttière. L’éléphant est un tout dont une partie est comme un toit, à savoir son dos, tandis qu’une autre est comme un cylindre, il s’agit-là de sa patte, une autre encore est comme une gouttière, nous parlons de sa trompe, certes, mais l’éléphant dans son ensemble ne ressemble qu’à un éléphant. C’est ce qui fait que ces interprétations sont à la fois vraies, et fausses.

L’interprétation que donnent Da‛bal Khaza’î et d’autres du soulèvement d’Abâ ‘Abdillâh (as), avec le temps, n’en comporte que les aspects conflictuels. L’interprétation de Mohtasham Kâshânî ne concerne que les aspects émouvants qui suscitent la pitié et les larmes. L’interprétation que donnent ‘Omân Sâmânî ou Safî ‘Alîshâh de ce soulèvement sont des interprétations mystiques, basées sur l’amour divin et le dévouement intégral dans la voie de la vérité, sachant que l’un des aspects les plus essentiels du soulèvement husaynide est bien l’aspect de son dévouement intégral dans la voie de la vérité.

Toutes ces interprétations sont justes, cependant chacune ne l’est qu’au titre de l’un des aspects. Celui qui parle de l’aspect épique, celui qui parle de l’aspect moral, celui qui parle des recommandations, tous disent vrai, seulement, l’interprétation de chacun regarde un angle et une composante de ce soulèvement, mais ne l’embrasse pas dans sa totalité. Lorsque nous voulons regarder l’islam dans son entièreté, nous devons également considérer le soulèvement husaynide. Nous voyons que l’Imâm al-Hosayn (as), à Karbalâ, met en Å“uvre l’islam dans son entièreté, étape par étape, qu’il l’a incarné, or, il s’agit d’une incarnation vivante, animée, réelle, véridique, et non d’une personnification sans âme. Lorsque l’être humain médite à propos de l’événement de Karbalâ, il voit des faits qui suscitent la perplexité et dit qu’ils ne peuvent pas être fortuits. Si l’on considère que tous les Imâms purifiés (as) ont recommandé et insisté sur le fait de garder vivante cette mémoire pour que l’événement de Karbalâ ne soit jamais oublié, c’est parce que  cet événement est une incarnation de l’islam, alors ne permettez pas que l’on oublie cette incarnation de l’islam.