REGARD SUR LES ECOLES JURIDIQUES MUSULMANESPour ce qui concerne le passage de la nuit à Muzdalifah, pendant le Hajj, les Hanafites, les Châfi'îtes et les Hanbalites disent qu'il est obligatoire de passer la nuit à Muzdalifah, et que si l'on omet de le faire on a l'obligation d'offrir le sacrifice d'un animal, alors que pour les Imâmites et les Mâlikites, ce n'est pas obligatoire mais simplement préférable. Concernant le jet de pierres contre le pilier de 'Aqabah - l'un des Rites du Hajj -, les Mâlikites, les Hanafites, les Hanbalites et les Imâmites disent qu'il n'est pas légal de lapider ce pilier avant l'aube, et que le Pèlerin qui le ferait sans raison valable devra le refaire à l'heure légale, et ils ont avancé comme raisons valables légalisant le jet avant l'aube l'infirmité, la maladie, la peur. Par contre, les Châfi'îtes disent qu'avancer l'heure du jet est permis, car l'heure légale impartie est, selon eux, recommandée et non pas obligatoire. En ce qui concerne le contrat de mariage, les Imâmites, les Hanbalites et les Châfi'îtes disent qu'un contrat par correspondance n'est pas valable, alors que les Hanafites l'admettent lorsque les deux fiancés ne se trouvent pas au même endroit. Les Châfi'îtes et les Mâlikites disent que c'est le tuteur qui se charge seul du mariage de la femme si celle-ci est vierge, et qu'il partage cette charge avec elle si elle ne l'est pas, et que ni elle sans lui, ni lui sans elle, ne peuvent l'assurer. En outre, il doit se charger d'établir le contrat, lequel n'est pas valable avec les seules formules d'acceptation prononcées par la femme, bien que son acceptation soit impérativement requise. Les Hanafites disent à ce sujet que la femme adulte et saine d'esprit peut choisir toute seule un mari et établir elle-même le contrat, et ce qu'elle soit vierge ou non ; et que personne ne peut exercer sur elle une tutelle ni n'a le droit de s'opposer à sa décision, à condition qu'elle choisisse un homme compétent, et qu'elle n'accepte pas un cadeau de mariage qui soit inférieur à celui pratiqué habituellement. Quant aux Imâmites, la plupart d'entre eux affirment que la femme majeure et mûre devient, avec sa majorité et sa maturité, souveraine quant à tous ses actes, en l'occurrence les contrats et autres formalités, y compris le mariage, et ce qu'elle soit vierge ou non. Ainsi, elle a le droit d'établir pour elle-même et pour d'autres le contrat de mariage, directement ou par procuration. Elle est donc l'égale de l'homme (dans ce domaine) et sans aucune différence entre eux. En ce qui concerne la répudiation, Abû Zahrah a écrit dans "Al-Ahwâl al-Chakhçiyyah" (l'Etat-civil), p. 283 : «Dans l'Ecole Hanafite, toute personne peut prononcer la répudiation, excepté le mineur et le fou. Ainsi, la répudiation prononcée par plaisanterie ou en état d'ivresse est valable.» Et à la page 286 du même ouvrage, il écrit : «Il est établi dans l'Ecole Hanafite que la répudiation par celui qui se trompe ou qui oublie est valable.» Et à la page 284 : «Mâlik et al-Châfi'î étaient d'accord avec Abû Hanîfah et ses compagnons en ce qui concerne la répudiation prononcée par plaisanterie, mais Ahmad [ibn Hanbal] était en désaccord avec ce dernier, et une telle répudiation n'est pas valable pour lui.» Les Imâmites, citant les Ahl-ul-Bayt, affirment : «Pas de divorce excepté pour celui qui le veut.» En ce qui concerne la période d'attente (délai de viduité) en cas d'adultère, les Hanafites, les Châfi'îtes et la plupart des Imâmites disent qu'une période d'attente pour l'adultère n'est pas obligatoire, (...) et il est permis d'établir un contrat de mariage avec une femme adultère et faire l'acte sexuel avec elle quand bien même elle serait enceinte. Mais les Hanafites ont précisé que s'il est permis d'établir un contrat de mariage avec une femme enceinte d'une union illicite, il n'est pas permis d'avoir des relations sexuelles avec elle avant qu'elle ait accouché. Selon les Mâlikites, l'acte sexuel adultère est exactement analogue à l'acte sexuel fait par méprise (en se trompant de partenaire). La femme qui l'accomplit dans ces conditions est considérée comme étant dépouillée de ses effets une fois la période d'attente prescrite passée ; sauf au cas où l'on décide de lui appliquer la peine prescrite, auquel cas elle sera considérée comme dépouillée des effets de l'acte sexuel après un seul cycle menstruel. Pour les Hanbalites enfin, la période d'attente est obligatoire pour la femme adultère et pour la femme répudiée ("Al-Mughni", tome VI, et "Majma' al-Anhor"). En ce qui concerne le testament en faveur du foetus, les Ecoles ont divergé quant au point de savoir s'il est requis que le foetus existe ou non lors de l'établissement du testament. Ainsi les Imâmites, les Hanafites, les Hanbalites et les Châfi'îtes estiment que, selon la meilleure probabilité, la condition de l'existence du foetus au moment de l'établissement du testament est requise, et que le futur enfant n'héritera que si l'on s'assure qu'il existait déjà (à l'état de foetus) lors de l'établissement du testament. (...) Cette disposition a donc pour objet la non-existence du foetus lors de l'établissement du testament, et vise à interdire d'inclure dans le testament ce qui n'existe pas. Pour les Mâlikites, le testament est valide pour le foetus qui existe effectivement et pour celui qui existera à l'avenir, et ils ont déclaré permis le testament en faveur de ce qui n'existe pas. Ainsi, comme on peut le remarquer à travers ces quelques exemples, il y a des convergences et des divergences naturelles et scientifiques entre les cinq Ecoles juridiques islamiques, et non pas une opposition ou une contradiction essentielles entre le Chiisme et le Sunnisme, comme certains essaient -par intention de nuire ou par ignorance - de le faire croire. De même que de telles divergences jurisprudentielles existent entre deux Ecoles appartenant toutes deux au Sunnisme, de même elles existent entre l'Ecole imâmite (qui appartient au Chiisme) et une Ecole sunnite. Ce qui vaut pour les divergences vaut également pour les convergences réunissant indifféremment des Ecoles sunnites et chi'ites. Et s'il n'y a pas de raison valable pour qu'une Ecole sunnite, le Hanafisme par exemple, rejette complètement et maudisse une autre Ecole sunnite, le Malikisme par exemple, à cause des divergences qui les séparent, il n'y a donc aucune raison légale, non plus, pour qu'une ou plusieurs Ecoles sunnites déclarent la guerre à une Ecole chi'ite à cause des divergences qui les opposent. Si, malgré ces évidences, d'aucuns se sont acharnés pour opposer radicalement le Sunnisme au Chiisme, ce n'est certainement pas pour des raisons touchant à l'essence de la Religion et de la Croyance, mais plutôt pour des motifs concernant certaines catégories de Musulmans qui trouvent dans quelques-unes des opinions juridiques et jurisprudentielles du Chiisme une menace directe ou indirecte contre leurs intérêts personnels et leur pouvoir. Sans doute faut-il étudier de près l'opinion du Chiisme concernant les conditions requises d'un gouvernant, un calife ou un dirigeant musulman, pour comprendre pourquoi on s'est tant appliqué à opposer injustement le Sunnisme au Chiisme, et à ériger les divergences normales entre l'Ecole imâmite et les quatre Ecoles sunnites en une opposition radicale entre Sunnisme et Chiisme, en faisant croire perfidement que leurs positions respectives sont irréconciliables et fondamentalement opposées.
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