Éléments de Science du HadithLorsqu'on étudie la chaîne de transmission des récits, les livres de Rejâl, et les théories de la Science de Rejâl, chez les uléma de l'Islam, on constate que chacun des spécialistes et des rapporteurs de Hadith a sa voie propre qui lui permet de remonter au Prophète. Ainsi, al-Bokhârî, par exemple, adopte des rapporteurs qu’il lui-même. Il en va de même pour Muslim, al-Tirmithî, Ahmad Ibn Hanbal, al-Châfi`î, Abû Hanîfah, al-Kulaynî, al-Çadûq, al-Tûcî etc. Ces uléma ont retenu, chacun selon ses propres convictions et après enquête, vérifications et recherches, des rapporteurs en qui ils ont placé leur confiance. Mais tous ces uléma s'accordent sur la crédibilité d'un groupe de rapporteurs et en adoptent les récits, tout en différant sur la crédibilité d'autres. C'est ainsi que Muslim, par exemple, récuse certains rapporteurs adoptés par al-Bokhârî, qui lui-même récuse certains de ceux qui ont la confiance d'Ahmad Ibn Hanbal. De même, on peut remarquer qu'al-Bokhârî par exemple pose des conditions pour l'acceptation d'un récit, différentes de celles posées par Ahmad Ibn Hanbal et par d'autres spécialistes du Hadith. Le même problème de divergence et de convergence sur la crédibilité de certains rapporteurs de Hadith ou sur les conditions de l'acceptabilité d'un récit, existe chez les uléma de Hadith de l’École Chiite. C'est pourquoi, Chaykh al-Islâm commentant Mosnad Mâlik, écrit: «Le livre de Mâlik est “sain†à ses yeux- et pour ceux qui ont la même opinion que lui sur la valeur d'argument du hadith morsal (à chaîne amputée) ou monqati` (qui est rapporté des compagnons89 des Compagnons) etc- et non aux yeux de ceux qui ont une autre définition du hadith sain.»90 On peut lire dans "Tadrîb al-Râwî" d'al-Suyûtî sur cette divergence entre les grands savants du Hadith: «Il y a quatre cent trente et quelques rapporteurs de hadith adoptés par al-Bokhârî mais exclus par muslim. Quatre-vingts parmi eux rapportent des récits faibles. Et il y a six cent vingt rapporteurs adoptés par Muslim et exclus par al-Bokhârî. Cent soixante d'entre eux rapportent des hadith faibles»91 Ainsi, les uléma musulmans ont des vues divergentes relativement aux rapporteurs de Hadith et au Hadith lui-même. C'est pourquoi chacun d'eux a élaboré sa théorie, ses définitions et ses conditions propres, concernant les rapporteurs et l'acceptabilité du Récit (riwâyah). La Classification du Hadith selon la Continuité de sa Chaîne :
Lorsque les uléma ont étudié les récits transmis par les générations précédentes, ils les ont classés, selon leur chaîne de transmission, en deux catégories: 1- Le Hadith mosnad (soutenu): C'est le hadith dont la chaîne de transmission est ininterrompue dans aucun de ses maillons. La chaîne de transmission du récit comprend ici la mention des noms de tous ses rapporteurs, depuis celui qui avait entendu la parole du Prophète (ou de l'Imam infaillible) ou assisté à son acte, jusqu'au dernier récepteur. 2- Le Hadith morsal (à chaîne amputée): C'est le hadith dont la chaîne est éliminée et dont les noms des rapporteurs ne sont pas mentionnés (ou bien présentés d’une manière vague, équivoque et incomplète, par exemple, lorsque le rapporteur -ou le “transmetteurâ€- dit: «Selon certains, ou selon certains de nos compagnons...» ou de toute autre façon similaire qui laisse le nom du rapporteur dans l'ombre). De même, est considéré comme morsal, le hadith dont certains des rapporteurs sont méconnus ou négligés par les biographes, même s'ils sont mentionnés dans la chaîne de transmission dudit hadith. Tout hadith ou récit de ce genre entre dans la catégorie de morsal. Notons que le "morsal" est classé parmi les hadith faible (dha`îf). Al-Chahîd al-Thânî, Zayn al-Dîn al-`Âmilî a défini le hadith morsal comme suit: «C'est ce qui a été rapporté de l'Infaillible (le Prophète ou l'Imam) sans la mention du “transmetteurâ€, ou par un “transmetteur†dont le nom est oublié ou négligé, ou d'une façon équivoque, telle que: “Le Messager d'Allah a dit ceci et cela...â€, ou “selon quelqu'un...â€, ou encore “selon quelques-uns de nos condisciples†etc. Le hadith morsal n'est pas un argument légal, en raison de la méconnaissance de ce qui en est supprimé (dans le texte du hadith ou dans sa chaîne de transmission)». Il ressort donc que le morsal est un hadith faible que beaucoup d’uléma négligent, quelque crédible que soit son rapporteur, et ce en raison de la méconnaissance des maillons de sa chaîne de transmission. Mais certains uléma acceptent et adoptent les hadith morsal lorsqu'ils sont transmis par des rapporteurs notoirement connus pour leur intégrité, leur piété et leur capacité de transmettre correctement le hadith, en arguant que de tels rapporteurs ne sauraient citer un hadith sans avoir acquis préalablement la certitude qu'il avait été rapporté correctement et intégralement du Prophète ou de l'Imam, notamment lorsque son rapporteur se permet de dire explicitement: «Le Prophète (ou l'Imam) a dit...» formule qui implique qu'il était certain que le hadith qu'il citait provient bien du Prophète ou de l'Imam, autrement, citer le hadith de cette façon affirmative (sans vérification), lui aurait fait perdre la réputation de crédibilité et d'intégrité. Mais d'autres uléma réfutent cette théorie et refusent de suivre ses arguments. L’un des exemples de l'adoption des hadith morsal par un groupe de uléma, et le refus de leur adoption par un autre groupe, est ce que "Al-Rawdhah al-Bahiyyah Fî Charh al-Lam`ah al-Dimachqiyyah" écrit à propos de la dette: “certains faqîh ont décrété l'échéance de la dette et de la créance du défunt à sa mort (ce qu'il doit et ce qu'on lui doit) et l'obligation de la régler après sa mort, en s'appuyant sur un récit morsal. Mais al-Chahîd al-Awwal et al-Chahîd al-Thânî ont refusé de décréter l'échéance de la dette qu'on a envers le mort, parce qu'ils récusaient la valeur d'argument du récit en question, en raison de son caractère de morsal. Ainsi, al-Chahîd al-Awwal écrit: «Si le débiteur meurt la dette vient à échéance, mais si le créancier meurt, la dette (qu’on a envers lui) ne vient pas à échéance». Commentant le propos de ce dernier, Al-Chahîd al-Thânî ajoute: «On a dit que la dette vient à échéance avec la mort du créancier en s'appuyant sur un récit morsal et par analogie (qiyâs) avec le cas de la mort du débiteur, ce qui n'est pas valable». Le Récit morsal en question, est le récit de MohammadIbn Ya`qûb al-Kulaynî, citant Abû `Alî al-Ach`arî, citant Mohammad Ibn Abdul-Jabbâr, citant quelqu'un parmi ses compagnons, citant Khalaf Ibn Hammâd, citant Ismâ`îl Ibn Abî Qorrah, citant Abî Baçîr qui témoigne: «Abû `Abdullâh (l'Imam al-Çâdiq) a dit: «Si un homme meurt, sa dette et sa créance viennent à échéance».92
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