LE RECIT DU MARTYRE DE L'IMAM HOUSSEIN (AS)



Abbais n'avait plus qu'un souci : protéger coûte que coûte l'outre et la porter intacte au campement. Un ennemi perfide, jaillissant tel un diable de derrière une dune de sable, porta un coup terrible tranchant net sa main droite. En un éclair Abbas saisi son épée de la main gauche, serrant l'étendard contre sa poitrine.

Le lion devenu infirme, les poltrons s'enhardirent. Ils vinrent plus près. encore plus près. Un coup d'épée blessa profondément le bras gauche. Abbas serra l'outre entre ses dents, coinça l'étendard entre sa poitrine et sa monture, et força le barrage. IL n'était plus habité que par la pensée de Soukeina et des entants, qui avaient mis en lui tous leurs espoirs. Dans une prière silencieuse, il supplia Dieu de l'épargner le temps de mener à bien sa mission.

Mais cela ne devait pas être. Une flèche transperça l'outre. qui se vida en peu d'instants. Une autre se ficha dans l'œil du héros désemparé par l'échec de son entreprise. Un coup mortel fut asséné à Abbas par derrière, avec une massue de fer. IL chancela et tomba sur le sable brûlant. Sentant la mort approcher à grande pas, Abbas appela L'Imam Houssein... Comme en réponse à son cri de détresse, il sentit sa présence à ses côtés. IL ne voyait rien qu'un brouillard rougeâtre. car un œil avait été percé d'une flèche, et l'autre était noyé de sang. IL ne pouvait voir, mais il sentit son Maître s'agenouiller près de lui, et soulever sa tête, et la poser sur ses genoux. Aucun d'eux ne parla pendant plusieurs secondes car tous deux étaient brisés par l'émotion. A la fin, l'Imam Houssein rompit le silence, parlant d'une voix entrecoupée de sanglots:

- Abbas. mon frère, comment t'ont-ils traité...

- Tu es venu, mon Maître! Je craignais de ne pouvoir te dire adieu, mais Dieu merci tu es venu! Abbas laissa glisser sa tête sur le sable. Tendrement l'Imam Houssein la prit dans ses mains et la remit sur ses genoux, lui demandant pourquoi il l'avait retirée.

- Mon Maître! Quand toi, tu rendras ton dernier soupir, personne ne sera près de toi pour prendre ta tête sur ses genoux, ni pour te réconforter. C'est pourquoi il vaut mieux que ma tête repose sur le sable lorsque je rendrai l'âme, tout comme ce sera le cas pour toi-même. Et puis je suis ton serviteur et toi tu es mon Maître, et il n'est pas convenable que je pose ma tète sur tes genoux. L'Imam Houssein regardait le visage de ce frère si dévoué, et il ne pouvait retenir ses sanglots.

- Mon Maître, je voudrais exprimer mes dernières volontés. Quand je suis venu au monde, ton visage est la première chose que j'ai vue, et je voudrais pouvoir le contempler encore à l'heure de rendre l'âme. Mon deuxième souhait est que tu ne ramènes pas mon corps au campement. J'avais promis à Soukeina de lui rapporter son outre pleine d'eau, et je n'ai pu tenir ma promesse. Je n'ose donc pas me trouver en sa présence, même après ma mort. Et puis depuis ce matin tu as subi tant d'épreuves, ô mon Maître, que je ne veux pas que tu épuises tes forces en transportant mon corps. Enfin je' ne veux pas que tu laisses Soukeina venir jusqu'ici. Je sais quelle affection elle éprouvait pour moi. Me voir dans cet état pourrait la tuer

- Abbas, je te promets de respecter tes dernières volontés. Mais moi aussi je veux te demander une faveur. Depuis ton enfance tu m'appelles, ton Maître. Au moins une fois appelle-moi ton frère !

-L'Imam Houssein nettoya le sang qui aveuglait l'œil resté valide. Les deux frères échangèrent un long regard d'adieu. Abbas murmura:

- Mon frère ! Mon frère ! Et avec ces mots il rendit le dernier soupir.



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