Samarra Berceau de l’Imâm du Temps



Samarra Berceau de l’Imâm du Temps, entre histoire et hiérohistoire

 

"Nous donnerons notre faveur au groupe de ceux que les tyrans ont opprimés sur la terre.  Nous ferons d’eux les Imâms de la religion. Nous ferons d’eux les héritiers.
Nous les affermirons sur Terre, et Nous montrerons à Pharaon, à Haman et à leurs armées ce qu’ils redoutaient."
 Coran, Al-Qasas, versets 5-6(1)

 

Située à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Bagdad, au bord du Tigre, la ville de Samarra, que l’on atteint après avoir franchi un nombre incalculable de barrages militaires et check points en tous genres, ressemble à une ville fantôme ; une sorte de non-lieu coupé de tout contact avec l’extérieur où les seuls et rares visiteurs étrangers se résument à quelques iraniens venus en pèlerinage au sanctuaire des dixième et onzième Imâms du chiisme duodécimains situé aux abords de la ville. La ville actuelle et ses ruelles poussiéreuses n’a sans doute plus grand-chose à voir avec son lustre d’antan, lorsqu’elle devint la capitale abbaside, il y a plus d’une dizaine de siècles. Les récents attentats en 2006 et 2007 qui ont détruit la majeure partie de la Mosquée d’or où sont enterrés les deux Imâms ont accentué la militarisation extrême de la zone.(2)

Si la ville de Samarra, de par son ancienneté historique, possède de nombreuses curiosités et monuments historiques dont la fameuse mosquée de Samarra construite en spirale, c’est cependant l’importance du lieu pour la conscience chiite qui constituera l’axe principal de ce court récit.

Abréviation de l’arabe "sorra man ra’a" signifiant "celui qui l’aperçoit se réjouit" (3)

Samarra fut choisie comme capitale du califat abbaside par Al-Mo’tasim au IXe siècle. Sur ordre du califat, les dixièmes et onzièmes Imâms du chiisme duodécimain, l’Imâm Hâdi et l’Imâm Hassan ’Askari, y vécurent en résidence étroitement surveillée et furent enterrés à quelques mètres de leur maison, à l’endroit même où fut ensuite construit le mausolée des askariyain ("les deux askari"), surnom rappelant leur vie principalement passée dans le camp militaire (’askar) abbaside de Samarra.

Ali Naqi, parfois surnommé « Al-Hâdi Â» ou « le bien guidé Â», dixième Imâm chiite, vécu une existence largement rythmée par les pressions des divers califes abbasides.(4)

Jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Motawakkil, l’Imâm Hâdi vivait à Médine où il enseignait les sciences religieuses. En 857, à la suite de fausses accusations lancées contre lui, il fut "invité" à se rendre à Samarra. Motawakkil, connu pour son animosité envers la famille du prophète Mohammad, employa alors tout un ensemble de stratagèmes pour le déshonorer, et tenta plusieurs fois de tuer l’Imâm sans succès. (5) Le développement du chiisme constituait en effet une menace sérieuse pour le califat de l’époque, qui souhaitait surveiller étroitement les Imâms et limiter au maximum leurs contacts avec la population. Ses successeurs continuèrent la politique de pression jusqu’à la mort de l’Imâm par empoisonnement en 868 par Mo’tazz, selon les traditions chiites. Son fils, l’Imâm Hassan ’Askari, vécu également la quasi-totalité de son existence assigné à résidence dans une minuscule maison creusée sous terre à quelques mètres de la tombe de son père. Son imâmat ne dura que sept ans, durant lesquels il vécut come son père en totale isolation du reste de la population et de ses partisans chiites, toute en pratiquant activement la taqiyya ou dissimulation.



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