Chapitre I : Le phénomène religieux et l'origine du sentiment religieux



Chapitre I

Première Partie LA CONNAISSANCE DE DIEU

Le phénomène religieux et l'origine du sentiment religieux

Les études sur la religion occupent une place privilégiée dans les sciences humaines, et figurent toujours comme la question la plus essentielle, dont dépend le destin et le bonheur des hommes, et donnant lieu à des vues profondes et à un savoir sans cesse étendu.
Les savants et les chercheurs ont mis en oeuvre des recherches larges et vastes dans le domaine des origines et des motivations du phémonène religieux, chacun approfondissant le sujet du point de vue de sa discipline forte propre, et prononçant du haut de sa chaire les conclusions de son enquête.

En fait la foi et la croyance des hommes ont connu un développement et un perfectionnement progressif avec le temps, à l'instar de leur savoir, et de leurs techniques. Et depuis les temps les plus reculés de la préhistoire, elles ont été une partie intégrante de la composante des sociétés.
Comme par le passé, on ne peut trouver aujourd'hui une société dans laquelle cette question n'est pas posée.

Comme les langues et les modes de vie, la pensée religieuse a subi des changements et des bouleversements, d'une étape à l'autre, réformant et élargissant ses bases intellectuelles et scientifiques. Son cadre n'est jamais resté à l'état primitif et dans une forme figée et inerte dans l'esprit des hommes.
L'examen des raisons et modalités des changements int.ervenant dans la vie de l'homme, son savoir et sa pensée, ainsi que les enquêtes sur les époques les plus reculées de l'histoire, nous montrent que l'humanité s'est attaché aux croyances, avant de faire l'expérience d'une connaissance parfaite des méthodes de l'argumentation rationnelle.

Par conséquent, la première période des sciences et techniques humaines n'était pas plus achevée que la première période des religions et croyances. Et nous pouvons affirmer que l'effort de l'homme. dans la voie de la religion et des croyances est plus long et plus pénible que son effort pour l'acquisition de la science et de la technologie. Parce que la connaissance de la Réalité Suprême, qui est la Réalité du monde et de l'Etre est plus malaisée que la connaissance de toutes les choses que la science et la technique oeuvrent à réaliser, et la voie y conduisant est plus pénible.
La connaissance parfaite des grandes vérités est impossible pour les hommes d'une seule époque. La pensée collective demande plusieurs périodes de temps pour parvenir à cette élaboration, et s'en rend apte au fur et à mesure du développement et du progrès des données scientifiques.

La nature du soleil qui est la chose la plus manifeste est demeurée des siècles durant, méconnue des hommes. Différentes interprétations étaient en cours à propos de ses mouvements et effets. Bien que son existence et son rayonnement lumineux ne soient niés par personne, la pensée commune était entachée d'une ignorance profonde à son sujet.
La saisie des vérités majeures est donc impossible autrement que par la voie de l'examen logique, de la démonstration, et de l'analyse de tous les aspects.

Pour cette raison et à cause de la faiblesse de la pensée et de l'étroitesse du domaine scientifique, les superstitions et les mythes religieux parmi les peuples primitifs qui prenaient différentes formes selon les circonstances historiques, ne sont pas une preuve que la religion et son contenu sont dénués de toute vérité, mais montrent au contraire la fusion du principe religieux dans le for intérieur et le coeur des hommes.
Renan disait que "La religion est la manifestation la plus sublime de la nature humaine"1 et l'on ne peut rien attendre de la science, quand elle étudie la protohistoire, d'autre qu'elle ne découvre en matière de religion primitive que des traces de mythes et superstitions dans les fouilles et excavations archéologiques et paléonthologiques.

L'homme de cette ère, bien que constatant le perfectionnement méticuleux des systèmes attrayants et merveilleux de la nature, et bien qu'il ne lui était jamais arrivé de voir un des instruments rudimentaires de sa vie se créer spontanément, n'avait pas la pensée aussi mûre pour appréhender l'unité du système de l'existence, et la relation complète entre les formes de la nature et les différents phénomènes, et pour comprendre que tout l'ordre de l'existence est soumis à la puissance et la volonté d'un principe conscient et puissant, qui n'a aucune sorte de ressemblance avec lui-même et les autres êtres qui lui sont familiers. Et comme pour lui l'apparition des différentes espèces existentes ne repose sur aucune appréciation ou pensée logique, il s'imagine alors que tout effet a une cause séparée, et de la pluralité des espèces, il conclut à celle des divinités.

En fin de compte, la tendance sacrée et l'inclination sublime et authentique de l'ame sont déviées de leur voie, et au lieu de rencontrer le Dieu Vrai, elles conduisent aux fausses idôles.
Il adore ces dernières, et leur voue un culte; et les qualités qu'il leur attribue sont celles-là même qu'il déduit par comparaison et analogie avec l'ame, c'est- à dire avec lui-même ou les choses entrant dans son univers psychologique, et satisfait ainsi sa conscience.

Quand les mouvements et le comportement de l'homme s'accompagnent de deux spécificités manifestes: l'une authenticité et permanence, et l'autre totalité et généralité dans les individus d'une même espèce, il semble parfaitement logique qu'on en trouve les racines dans le tréfonds de l'ame.
Tout au long de l'histoire et même dans la période préhistorique, l'existence d'un tel phénomène continu sous la forme éternelle et pérenne ne peut pas être considérée comme la cause de rites et habitudes; il est plutôt lui-même un symptôme de la soif innée et du sens de la nécessaire quête du Vrai.



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