Chapitre I : Le phénomène religieux et l'origine du sentiment religieux



Par conséquent, toutes les croyances religieuses, sous leurs différentes formes et aspects procèdent elles-mêmes d'une source abondante et bouillonnante, en l'occurence la nature primordiale, qui n'est ni surajoutée, ni accidentelle.
Dans la constitution de l'homme, une aptitude pour l'acceptation de la croyance se crée d'abord, puis la croyance y prend forme.
Et ce même penchant intérieur qui pousse la personne à enquêter et à chercher à saisir la réalité, constitue une preuve confirmant la nécessité de con naître la religion.

Mais il n'est pas obligatoire que l'aptitude saine et la cond ition psychique s'accompagnent nécessairement et toujours de la croyance juste. Comme le corps désire la nourriture, sans que ce désir dépende de la qualité, bonne ou mauvaise des aliments, l'âme aussi est en quête de sa nourriture propre, c'est- à dire la foi et la croyance, et persiste dans son désir de connaître Dieu, et lui adresse des suppliques, bien que cette motivation authentique soit incapable de discerner les croyances justes des croyances fausses.
Les chercheurs sont unanimes sur ce point que les croyances religieuses ont toujours été mêlées intimement à la vie des hommes. Mais leurs avis divergent dans le cas particulier des origines authentiques de la religion et des facteurs ayant joué un rôle fondamental dans leur apparition et leur croissance.

La plupart de leurs jugements ont été exprimés sur la base de recherches dans le domaine des religions mythologiques et des idées non mûries; ces échantillons entraînent naturellement dans l'analyse finale des conclusions hâtives et illogiques.
Il est vrai que dans certaines religions, à cause de l'absence de lien avec la source de la révélation, des facteurs comme les conditions du milieu et d'autres facteurs similaires ont joué un rôle dans leur apparition, leur formation et leur croissance.

Mais il n'est pas logique de considérer que le fondement de l'ensemble des religions et des tendances religieuses procêdent des conditions matérielles et économiques ou de la peur des éléments naturels effroyables, ou encore de l'ignorance ou des questions relatives.
Sans doute, l'un des facteurs de l'apparition des idées anti-religieuses et du courant athéiste consiste dans l'enseignement incorrect, les insuffisances et les déviations intellectuelles des partisans de certaines doctrines religieuses. Par conséquent, il faudra aussi envisager les spécificités et les différents caractères de chaque religion dans l'étude séparée des motivations des penchants pour elle.

On peut considérer la religion comme régissant tout le réseau des relations sociales, dans la plupart des évènements historiques. Si la religion n'avait pas de fondement, on aurait pu la confiner dans le cadre des motivations matérielles. Mais quel facteur a pu conférer une telle capacité de résistance et de fermeté aux personnalités religieuses dans la voie de leurs objectifs religieux?
Est-ce l'attente de quelque intérêt matériel ou une ambition privée qui leur fait supp - orter stoïquement l'amertume des épreuves et des malheurs?

Alors ils ont sacrifié pour leurs sentiments et idéaux religieux tous leurs moyens matériels, leurs conforts et leurs ambitions personnelles, et souvent aussi ils ont fait le sacrifice de leur vie.
Par conséquent. l'interprétation matérialiste de la tendance religieuse ne se justifie pas. De tels évènements, au contraire, éclairent davantage le caractère inné du sens religieux dans le tréfonds de l'homme.

Le Comte de Noailles dit:
"Il y a eu toujours dans le monde, l'esprit religieux et la tendance à la croyance, la tendance à l'adoration et la tendance à la modestie dans l'invocation, et la tendance à la sublimation de l'ame pour se rapprocher de la perfection désirée, qui est inimaginable et irréalisable.
Cette tendance a un principe religieux car elle est universelle et est la même chez tous les hommes."2 Le célèbre savant,

Will Durant écrit:
"La foi est une question naturelle. Elle naît directement de nos besoins instinctifs et sensuels qui sont engendrés par la faim, la conservation de soi, la sécurité et même l'obéissance religieuse."3

Les croyances illogiques n'existent pas seulement dans les questions religieuses, la plupart des sciences véhiculaient à l'origine des idées mythiques. La médecine par exemple a mis des siècles avant de se débarrasser de la magie et des superstitions.
De même la chimie a longtemps végété dans la quête illusoire de la pierre philosophale des alchimistes avant de prendre son essor à l'époque moderne. Nul ne peut prétendre que si l'humanité se trompe dans sa quête d'une chose, elle devrait toujours demeurer dans son erreur, sans même chercher à se frayer une voie vers la vérité.

Les négateurs de Dieu s'appuient sur cette question et veulent en inférer que Dieu est une invention des hommes. Par exemple Bertrand Russel, philosophe anglais, considère la peur des éléments naturels comme étant à l'origine de l'idée religieuse. Il dit:
"A mon avis, la religion repose avant tout, principalement sur le fondement de la peur, la peur de l'inconnu. En outre comme je l'ai rappelé précédemment, cette croyance religieuse donne lieu à un sentiment qui fait que l'homme s'imagine avoir un soutien dans ses disputes et ses problèmes, qui le protège contre la peur de la mort, des échecs, des mystères et des choses occultes."4



back 1 2 3 next