La Démonstration philosophique de l'existence de DieuEn revanche, le matérialisme moderne s'en embarrasse en raison de sa croyance à l'évolution qualificative et modale de la matière, à travers ces formes. Mais il a choisi un mode d'interprétation de cette évolution modale, dans lequel il réconcilie le second postulat avec son désir de se contenter de prendre la matière à elle seule comme explication de toutes ses propres évolutions. Selon ce mode d'interprétation, la matière est la source de tout; et c'est elle qui alimente le processus de l'évolution modale (non pas à la manière d'un "pauvre finançant des projets capitalistes"; ce qui contredirait le second postulat) puisqu'elle renferme à l'état latent et dès l'origine, toutes les formes et tous les contenus de l'évolution: le poulet existe dans l'œuf et le gaz dans l'eau et ainsi de suite. Quant à savoir comment la matière peut être en même temps œuf et poulet, eau et gaz, le matérialisme dialectique répond qu'il s'agit là d'une contradiction et que celle-ci est la loi générale de la nature. Pour lui, chaque chose contient son contraire - son "opposé" - à l'intérieur d'elle-même et est en lutte permanente avec lui. A travers cette lutte entre les deux contraires, le contraire intérieur se développe jusqu'à ce qu'il surgisse à la surface pour réaliser un changement dans la matière, exactement comme un œuf qui éclot subitement pour sortir de son intérieur un poussin. Et c'est de cette manière que la matière se perfectionne perpétuellement, car le "contraire" qui ressort de la lutte représente l'avenir, c'est-à -dire un pas en avant. Cette analyse appelle les remarques suivantes: Qu'est-ce que le matérialisme entend exactement par «chaque chose porte en elle son "contraire" ou son "opposé"», ou plus précisément, laquelle des significations suivantes est visée par cette affirmation: 1. Veut-il dire que l'œuf et le poussin sont deux "contradictoires" ou deux "contraires" et que l'œuf crée le poussin et le doté des propriétés de la vie, c'est-à -dire que le mort engendre le vivant et crée la vie? Cela nous ramène exactement au "pauvre finançant des projets capitalistes", et contredit par conséquent le postulat précité. 2. Ou bien, il veut dire que l'œuf ne crée pas le poussin, mais le fait apparaître alors qu'il y était en puissance étant donné que chaque chose contient à l'état latent son contraire. L'œuf, lorsqu'il était œuf, était en même temps poussin, exactement comme une photo qui offre un profil d'un côté, un autre profil différent, de l'autre. Or, il est évident que si l'œuf était en même temps poussin, aucune opération de croissance ni de perfectionnement n'interviendrait lorsqu'il devient poussin; car tout ce que ce dernier état (poussin) présente maintenant, existait déjà originellement dans le cas précédent (œuf); cela ressemblerait à l'action d'un homme qui prend de l'argent de sa poche pour le tenir dans sa main, ce qui ne l'enrichit guère, puisque tout l'argent qui se trouve maintenant dans sa main, se trouvait déjà dans sa poche. Donc pour qu'il y ait une opération de croissance et de perfectionnement et que quelque chose de nouveau se réalise vraiment lors de la transformation de l'œuf en poussin, il faudrait dire que l'œuf n'était pas poulet ou poussin, mais un projet de poulet, c'est-à -dire quelque chose de susceptible de devenir poulet. Par-là seulement, l'œuf se distingue de la pierre qui ne peut devenir poulet. Quant à l'œuf, il peut être poulet sous certaines conditions et dans des circonstances précises. Car la possibilité d'une chose ne signifie pas forcément sa réalisation. Si l'œuf devient vraiment poulet, la possibilité à elle seule ne suffit pas pour en expliquer la transformation. D'un autre côté, si les formes de la matière résultaient de leurs contradictions internes, il faut expliquer leur variété par la variété de ces contradictions internes. Ainsi l'œuf a ses propres contradictions qui diffèrent des contradictions de l'eau: c'est pourquoi, alors que de celles-ci résulte le gaz, de celle-là , résulte un poulet. On a là , une supposition facile à formuler, puisqu'il s'agit d'une phase avancée de la variation des formes de la matière; car dans la phase où nous avons affaire à l'œuf et à l'eau, nous pouvons facilement expliquer leur différence par leurs contradictions internes; mais que dire de la vérité des formes de la matière au niveau des corpuscules qui constituent des unités fondamentales dans l'univers, tels les électrons, les protons, les neutrons, opposés à des contre-électrons, des contre-protons et des contre-neutrons? Chacun de ces corpuscules a-t-il pris une forme particulière des dites formes en raison de ses contradictions internes, ce qui reviendrait à dire que le proton existait dans les entrailles de sa matière avant d'en sortir à la suite du mouvement et de la lutte, exactement comme le cas de l'œuf et du poulet? Si nous admettons une telle supposition, comment pourrions-nous justifier la variété des formes de ces corpuscules, alors qu'une telle variété suppose, selon la logique de la contradiction interne, que ces corpuscules variés soient différents par leurs contradictions internes, c'est-à -dire leur entité interne. Or, nous savons que la science moderne tend à croire à l'unité de l'entité de la matière et à l'unité de son contenu intérieur, et que les diverses formes qu'elle prend ne sont que des cas changeants à contenu unique et invariable; ce qui rend possible la transformation de proton en neutron et vice-versa, c'est-à -dire que la forme du corpuscule change (outre l'atome et la particule) alors que son contenu reste unique et invariable. Est-ce que cela signifie que le contenu est le même dans tous les cas, même si les formes changent? Comment supposer, dès lors, que ces formes résultent des contradictions différentes internes? L'exemple de l'œuf et du poulet suffit lui-même à éclairer cette question. Car pour que les formes que prennent plusieurs œufs varient en raison de leurs contradictions internes supposées, il faut qu'elles soient différentes de par leur structure interne. L'œuf d'une poule et celui d'un oiseau produisent deux formes différentes, en l'occurrence, le poulet et l'oiseau. Mais si les deux œufs étaient d'une même sorte, tels deux œufs de poule, nous ne pourrions pas supposer que leurs contradictions internes débouchent sur deux formes différentes.
|