Comment se sont constitués les Chiites?



Là, nous rejoignons l'assertion selon laquelle les Imams d'Ahl-ul-Bayt qui ont succédé à l'Imam al-Hussayn se seraient retirés de la vie sociale, et désintéressés de ce bas-monde. Rappelons à ce propos, tout formule exprimant l'attachement à la continuité de la celle-ci ne signifie autre chose que la poursuite de l'action de changement entreprise par le Prophète, afin de compléter l'édification de la Ummah sur la base de l'Islam. Et cela étant dit, il n'est pas possible de concevoir que les Imams puissent renoncer à la vie sociale, sans renoncer du même coup au Chiisme!

Ce qui a laissé croire, donc, que ces Imams aient renoncé à l'aspect social de leur autorité, c'est d'une part le fait qu'ils n'avaient pas entrepris d'une action armée contre le pouvoir établi, et d'autre part le fait que l'on confère à l'acceptation d' «aspect social» un sens étroit qui ne comporte que l'action armée.

Nous possédons beaucoup de textes montrant que les Imams étaient toujours disposés à passer à la lutte armée s'ils avaient la conviction de l'existence d'hommes prêts à y participer, et de la possibilité de réaliser par cette lutte les buts islamiques escomptés.

Lorsque nous retraçons l'acheminement du mouvement chiite, nous remarquons que la direction chiite, représentée par les Imams d'Ahl-au-Bayt, croyait que l'accession au pouvoir ne suffirait ni ne pourrait suffire à réaliser islamiquement l'opération du changement si ce pouvoir n'était pas appuyé sur des bases populaires, conscientes de ses objectifs (du pouvoir), croyant à sa théorie du gouvernement, disposées à le protéger, capables d'expliquer ses positions aux masses et de résister à tous les tourbillons.

C'est pourquoi, pendant la première moitié du siècle qui a suivi la mort du Prophète, la direction chiite essaya toujours de reprendre le pouvoir - après en être exclue - par tous les moyens auxquels elle croyait, car elle pensait qu'il existait des bases populaires conscientes ou sur le point de l'être, parmi les Muhâjirine, les Ançâr et les Suivants. Mais un demi-siècle plus tard, lorsque ces bases conscientes ont disparu ou presque, et que l'on l'on assistait à la naissance - sous le règne déviationniste - de générations nonchalantes, la prise du pouvoir par le mouvement chiite n'aurait pu conduire à la réalisation du grand objectif islamique, n l'absence d'une assise populaire prête à fournir consciemment le soutien et le sacrifice nécessaires.

Devant une telle situation, il était indispensable, pour la direction chiite, de mener deux types d'action:

1- Oeuvrer en vue de constituer les bases populaires conscientes afin de préparer le terrain pour la prise du pouvoir;

2- Ramener la conscience et la volonté de la Ummah, et les maintenir dans un degré de fermeté et de vie, où elles pourraient immuniser la nation islamique contre le risque de céder totalement sa personnalisé et sa dignité aux gouvernements déviés.

Le premier type d'action était accompli par les Imâms eux-mêmes, le second, par des Alawides révoltés qui tentaient, par leurs sacrifices désespérés de protéger la conscience et la volonté islamiques. Les Imams soutenaient les plus honnêtes d'entre eux.

L'Imam Alî Ibn al-Ridhâ parlait du martyr Zayd Ibn Ali Talib, au calife al-Mimine dans les termes suivants: «Il était parmi les oulémade la famille du Prophète. Il s'est élevé contre ennemis de Dieu et les a combattus jusqu'à ce qu'il fût tué pour Sa Cause (de Dieu). Mon père Moussa Ibn Çafar m'a raconté que son père Çafar disait: que Dieu donne Sa Miséricorde à mon oncle Zayd qui avait appelé au soutien des Âle- Muhammad. S'il avait gagné (la bataille), il se serait acquitté de son engagement devant Dieu (de faire triompher Âle-Muhammad) ...».

Ainsi le fait que les Imams avaient renoncé à l'action armée directe contre les déviationnistes, ne signifie pas qu'ils aient abdiqué l'aspect social de leur autorité ni qu'ils se soient confinés dans les pratiques cultuelles, mais exprime seulement la différence des méthodes d'action sociale selon les conditions objectives, et traduit leur conscience profonde de la nature et 'action de transformation à mener et du moyen approprié de sa réalisation (de l'action sociale).
 

 



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