LA PALESTINE AU QUOTIDIEN



Avec les accords d'Oslo, les Palestiniens sont parvenus à établir un pouvoir politique en Cisjordanie et à Gaza. L'Autorité palestinienne a inauguré les institutions représentatives de ce que pourrait devenir l'État palestinien. Les obstacles, toutefois, sont de taille: le gouvernement israélien s'est efforcé, depuis 1996, de vider de son contenu l'accord initial, et les questions fondamentales - le droit au retour des réfugiés, le statut de Jérusalem, le sort des colonies de peuplement israéliennes dans les Territoires autonomes, la gestion de l'eau - sont restées en suspens...

L'Intifada

Le peuple palestinien est opprimé par Israël. Cette oppression est manifeste à de nombreux égards; par l'usage de balles et de missiles contre les manifestants; par l'extension continue des colonies, sans aucun égard pour les droits des Palestiniens; par l'expulsion de Palestiniens hors de leurs maisons; par une indifférence constante envers les nombreuses résolutions des Nations Unies...

L'«Intifada» est, tout simplement, la résistance du peuple palestinien contre cette oppression.

La réalité quotidienne vécue par les Palestiniens

Si la presse européenne rend largement compte des évènements dramatiques qui se produisent au quotidien dans les Territoires palestiniens sous occupation israélienne, elle en donne cependant le plus souvent une image stéréotypée: foules palestiniennes vociférantes portant le corps des «martyrs» de l'Intifada, groupes de chebabs lanceurs de pierres dispersés par les militaires israéliens casqués, colons israéliens exprimant leur peur ou leur colère...

Le discours convenu auquel les Européens ont été accoutumés renvoie dos à dos et met en balance deux violences, celles des forces de sécurité israéliennes, et celles des militants et des foules palestiniennes.

Sur place, cependant, la réalité que représentent les colonies israéliennes implantées dans les Territoires palestiniens, et les contraintes et humiliations qu'elles imposent au quotidien à leur population, est totalement différente. Et cette réalité est terrible: pour quelques maisons construites en hâte à quelques centaines de mètres ou à un kilomètre d'une agglomération palestinienne sur des terres confisquées, ce sont des dizaines de maisons détruites au bulldozer dans la foulée pour des «raisons de sécurité». Ce sont des routes désormais barrées, des vergers et des murs arasés. C'est une économie ruinée.

Les Territoires : Cisjordanie et Gaza

Sans intégrité territoriale, la Cisjordanie-Gaza est privée des instruments de base nécessaires à un fonctionnement économique efficace. Les accords d'Oslo ont conféré à l'Autorité palestinienne une juridiction fonctionnelle sur la population palestinienne qui réside en Cisjordanie-Gaza, mais ils ne lui accordent la juridiction territoriale que sur 60% de la bande de Gaza et 30% de la Cisjordanie. Si la première bénéficie d'une certaine continuité territoriale, la seconde est fragmentée à un point tel que l'Autorité ne peut pas, par exemple, construire une route qui relierait les divers villages ni assurer l'accès au marché pour des marchandises de tous les points du territoire.

L'intégrité territoriale de la Cisjordanie est un peu plus érodée chaque année par la politique israélienne consistant à isoler Jérusalem-Est et à accélérer l'implantation des colonies, dont la croissance économique prive les Palestiniens d'eau et de terres, et continue d'absorber leur main-d'oeuvre.

Colonisation : la dépossession continue

Le nombre de colons ne cesse d'augmenter dans les Territoires palestiniens; il faut y voir une volonté délibérée des Israéliens de perpétuer des faits démographiques et territoriaux qui pèseront inmanquablement dans la balance des négociations sur le statut permanent des Territoires palestiniens.

En avril 1999, M. Barak n'avait promis d'arrêter que la construction de nouvelles colonies, mais pas l'extension des colonies existantes. En fait, son administration a autorisé en un an plus de constructions nouvelles dans ces colonies que ses prédécesseurs, en moyenne annuelle.

Le Mur de l'Apartheid

À toutes les mesures israéliennes criminelles qui violent les lois internationales, est venue s'ajouter, plus grave et plus dévastatrice à terme, la barrière dite «de sécurité», qui est actuellement en construction au nord de la Cisjordanie. Un mur de huit mètres de haut, quelque chose de brutal jeté en travers d'un paysage magnifique, qui avance à toute vitesse. Ce nouveau système de fermeture, effrayant par sa démesure et les dévastations qu'il entraîne, bouleverse depuis juin 2002 l'existence de dizaines de milliers de personnes. Les habitants de ces régions agricoles assistent impuissants à l'avancée de cette barrière qui se dresse, agressive, à l'intérieur de leurs terres. Bien que le Mur de l'Apartheid constitue un élément indissociable de la politique d'occupation, au même titre que les bouclages et le siège des villes palestiniennes, et une poursuite, ou plutôt une escalade, de celle-ci, il est cependant unique en ce sens qu'il s'agit d'un mécanisme clair (un mur) et bénéficiant d'un large soutien (tant au sein de la population israélienne qu'en raison de la complicité internationale) utilisé par Israël pour accaparer et détruire une superficie massive des terres palestiniennes (quelque 10% de la Cisjordanie), et ravager la vie de centaines ou de milliers de Palestiniens.

Jérusalem, au cœur du conflit

Aujourd'hui, 75% de la population palestinienne de Jérusalem vit en-dessous du seuil de pauvreté et sa densité démographique est huit fois plus élevée que du côté israélien. Les logements font cruellement défaut: l'administration israélienne ne délivre pratiquement aucun permis de construire aux Palestiniens de Jérusalem et les maisons construites sans permis sont détruites (environ un millier d'habitations et de bâtiments publics palestiniens ont été démolis depuis 1987 et 4.000 autres sont en instance de l'être). Israël continue en outre à exproprier des terres palestiniennes à Jérusalem.

Cette «politique de judéisation» menée ouvertement par le gouvernement israélien pour réduire la présence arabe à Jérusalem porte ses fruits. Alors qu'en 1990, il y avait toujours dans la partie orientale de la ville une majorité de 150.000 Palestiniens pour 120.000 Israéliens juifs, le rapport s'est dorénavant inversé au profit de ces derniers: dès 1993, Jérusalem-Est comptait 155.000 Palestiniens (des «non-juifs» d'après la terminologie israélienne) pour 160.000 Israéliens juifs. À Jérusalem-Ouest vivent quelques 250.000 Israéliens.

Réfugiés : les laissés pour compte

Lors des accords d'Oslo, la question des réfugiés (c'est-à-dire la majorité du peuple palestinien) n'a pas été traitée. Cette question devait être débattue lors des négociations sur le statut final. Ce fait a entamé l'unité entre la population palestinienne de l'intérieur et de l'extérieur. Dans les conditions actuelles, d'extrême complexité, la question des réfugiés palestiniens reste d'une importance capitale pour l'unité du peuple palestinien, pour la volonté de résistance des Palestiniens contre les injustices infligées à leur égard (avec une direction politique qui s'est alignée totalement, hélas, sur les stratégies israélo-américaines dans la région) et pour une solution globale et intégrale de la question palestinienne.

Une économie asphyxiée

Fragmentation territoriale, bouclages des Territoires, accès restreint aux ressources en eau, territoires confisqués au profit des colonies israéliennes, ... sont autant d'entraves à la croissance économique de la Cisjordanie et de Gaza. En 1998, la part des personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté (fixé à 650 $ par an) a atteint 20,1%. Depuis le début de l'Intifada, ce nombre a plus que doublé.

Le partage de l'eau

La question de l'eau joue un rôle crucial dans ces régions au climat semi-désertique. Israël dispose aujourd'hui du contrôle de la quasi-totalité des ressources en eau de la région, et entend négocier en prenant comme point de départ la situation actuelle. De source palestinienne, 60% de l'eau de Cisjordanie est soit consommée sur place par les colons, soit acheminée en Israël. La consommation moyenne et annuelle d'un Israélien est quatre fois plus élevée que celle d'un Palestinien de Cisjordanie.



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