Chapitre II : Une analyse du malheur et des difficultés de la vie



Chapitre II

Une analyse du malheur et des difficultés de la vie

La question de la justice divine soulève certains problèmes, comme l'existence des calamités, des désastres et malheurs dans l'ordre naturel, et des inégalités dans l'ordre social. Cette question soulève en fait tout un ensemble de problèmes et d'objections dans l'esprit de beaucoup de gens. Ces questions sont si importantes que tout doute ou hésitation à leur sujet devient en fin de compte un complexe insoluble. Certains se demandent comment il est possible que dans un monde créé sur la base de l'intelligence et de la sagesse puissent prévaloir tant de souffrance, de douleur et de mal. Ils se demandent aussi pourquoi le monde devrait-il être soumis en permanence aux coups successifs de la difficulté et de l'infortune, et dans la voie d'une constante dégradation. Comment se fait-il qu'en de nombreuses parties du monde, des évènements terribles, des catastrophes imparables s'abattent sur les hommes, causant des dommages et des destructions incalculables.

Pourquoi une personne est-elle laide, une autre belle; une est en bonne santé, l'autre malade? Pourquoi tous les hommes ne sont-ils pas créés pareillement?
L'inégalité qui existe ne signifie-t- elle pas une absence de justice dans l'univers?
Dans l'ordre des choses, la justice dépend, diraient-ils, de l'absence de toute discrimination et de désastre; et la non- existence de tout défaut, maladie ou faiblesse marque la perfection et la justice.

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Pour commencer, nous devons admettre que notre évaluation des affaires de l'univers ne nous permet pas de pénétrer les profondeurs extrêmes des phénomènes. Elle ne convient pas à l'analyse des fins et des objectifs des choses.

Notre première compréhension des malheureux évènements et désastres, ne peut être que superficielle. Nous ne sommes pas prêts de reconnaître quelque vérité qui se trouverait au-delà de notre impression initiale. Nous ne pouvons pas dès le départ, fixer les. buts finaux de ces évènements, et nous les considérons ainsi comme des signes d'injustice. Nos sentiments s'irritent alors et nous poussent aux analyses les plus illogiques.
Mais si nous poussons notre réflexion, nous verrons que cette évaluation à sens unique que nous appelons injustice, vient du fait que nous prenons comme critère et référence, nos intérêts ou ceux des personnes proches de nous.Tout ce qui sécurise nos intérêts est bon et tout ce qui nous dérange est mauvais. En d'autres termes, notre jugement du bien et du mal est basé sur une perception à courte vue, sur un horizon de pensée limité, et un manque de connaissance précise concernant les normes de la création. L'existence est-elle la seule issue impliquée dans tout évènement, pouvons-nous introduire notre propre profit et perte dans les critères de bien et de mal?

Notre monde matériel ne cesse d'évoluer. Des évènements qui n'existent pas maintenant, surviendront demain. Certaines choses disparaîtront et d'autres les remplaceront.
Il est évident que ce qui aujourd'hui, est utile et bénéfique cessera d'exister demain. Mais pour nous, êtres humains, attachés que nous sommes à notre propre existence et aux choses de ce monde, l'acquisition de choses est bonne et leur perte est mauvaise.
Mais en dépit de l'homme et de ses attaches, la nature changeante du monde produit constamment des phénomènes changeants. Si le monde ne portait pas en lui la possibilité de changement, les phénomènes eux-mêmes n'existeraient pas, et ainsi donc, il ne serait plus question de bien et de mal.

Dans un tel monde, hypothétique et sans changement, il n'y aurait ni perte et déficience, ni croissance et développement, aucun contraste ou différence, aucune variété ou multiplicité, il n'y aurait pas non plus de critères, de limites ou de lois sociales, humaines ou morales. Le développement et le changement sont le résultat du mouvement et de la rotation des plantes et s'ils cessaient d'exister, il n'y aurait plus de terre, de lune, de soleil, de jour ou de mois, ou d'année.
Dans un monde ou il n'y aurait aucun malheur à supporter, ni aucun danger à redouter, la sécurité et la bienséance ne voudraient rien dire.
Dans un tel monde l'homme vivrait sans espoir et sans amour, et par conséquent, sans ambition. Et la froideur de ses rapports avec ses prochains, lui ôterait l'ardeur nécessaire pour chercher à s'élever au sommet de la perfection.

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Une vue d'ensemble du monde nous permettra de comprendre que ce qui nous est nuisible ou qui pourrait l'être à l'avenir, est bénéfique pour les autres. Le monde en tant qu'entité globale, se dirige dans une direction inspirée et dictée par l'objectif total de l'existence et de son intérêt; même si des individus souffrent dans ce processus.
Si nous étions capables de plonger profondément dans l'océan du savoir et de tourner les pages de ces livres pleins de mystères avec le doigt de notre compréhension, le but final et le résultat de tous les évènements et phénomènes nous auraient été dévoilés. Quoiqu'il en soit, notre force de jugement n'est pas suffisamment large pour discuter de la chaîne des causes précédentes ayant prod uit le phénomène de nos jours, ni de la chaîne des effets prochains que les phénomènes à leur tour, auront à produire.
S'il nous avait été possible de regarder du haut de la grande plaine du monde, de façon à voir tous les aspects positifs et négatifs de chaque chose, s'il nous avait été possible d'évaluer les effets et résultats de chaq ue évènement dans l'histoire, le passé, le présent ou le futur de chaque chose survenant entre la pré-éternité et la post-éternité, et si tout cela nous avait été possible, nous aurions pu ainsi dire que les inconvénients produits par un évènement donné, déséquilibreraient ses avantages, et le désigner ainsi comme étant un mal.

Mais est-ce que l'homme possède une perception aussi étend ue des chaînes de causalité horizontales et verticales? Peut-il se situer sur l'axe agité de ce monde?
Comme nous ne d isposons pas d'une telle capacité et du fait que nous ne serons jamais capables de traverser une distance infinie, malgré notre grande enjambée, et puisque nous ne serons jamais capables d'enlever le voile de ces complexités et de prendre leur mesure, il est mieux de s'abstenir des jugements partiaux et irréfléchis qui sont dûs à notre propre imprévoyance. Nous reconnaîtrons que nous ne devons jamais faire de notre intérêt le seul critère pour juger ce vaste univers. Les observations relatives que nous aurons à établ ir dans le cadre des données limitées en notre possession et les conditions spécifiques auxquelles nous sommes soumis ne peuvent jamais fournir un bon critère pour un jugement définitif.



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