L’utilisation abusive de la question de la prédestination et du décret par les Omeyyades et les Abbassides



Quoiqu’il en soit, cette erreur de jugement va amener les Occidentaux à bâtir toute une idéologie de combat contre les musulmans, selon laquelle ces derniers ne reconnaîtraient pas le libre arbitre et la liberté d’agir des hommes.

A l’époque où il se trouvait en Europe, Seyyed Jamâl al-Dîn Asad-Abâdî a pris connaissance de cette critique non fondée et a entrepris de la réfuter et de la corriger. Dans l'un de ses articles, après avoir établi dans l’introduction que si les intentions des hommes sont impures et déviées, les doctrines justes et correctes prennent chez eux la coloration de leurs intentions souillées et cela ne fait qu’ajouter à leur malheur et à leur égarement, se transformant en une énergie qui les entraîne à commettre des actions encore plus laides. Il poursuit en écrivant : « La croyance dans la prédestination fait partie de ces croyances véridiques qui sont sujettes à la mésinterprétation des ignorants et gens mal informés. Les Occidentaux non avertis ont été induits en erreur, et ont affirmé que lorsque la croyance dans la prédestination se répand et s’enracine au sein d’un peuple, elle met un voile sur les ambitions, la force, la capacité et le courage et d’autres vertus de ce peuple. Ils en ont conclu que les caractères négatifs et repoussants des musulmans sont tous la résultante de cette croyance dans le décret et la prédestination.

Les musulmans d’aujourd’hui sont sans gloire, et n’ont plus le dessus. Ils sont en situation de la plus faible des nations sur le plan politique et militaire, par rapport aux peuples européens (farang) (19) . La corruption des mÅ“urs s’est répandue et généralisée parmi eux, ainsi que le mensonge, la rancune, la fourberie, l’inimitié, la division, l’ignorance de ce qui se passe dans le monde, l’incapacité de discerner le bien du mal, la satisfaction de mener une vie minable. Ils ne se soucient aucunement de progresser, ni de repousser l’ennemi. Les armées sanguinaires des étrangers les cernent de toutes parts. Les malheureux saluent tout évènement qui leur arrive, et sont prêts à toute humiliation nouvelle. Ils s’endorment dans un coin de la maison, et laissent les trésors de la richesse et de l’indépendance à la portée des ennemis et des étrangers. Â» 

Puis il dit : « Les Occidentaux attribuent aux musulmans tous ces vices que nous venons d’énumérer. Toutes ces laideurs et ces vilénies ont pour origine la croyance dans la prédestination et le déterminisme divin. Ils affirment aussi que si les musulmans persistent dans cette croyance pour quelque temps, leur compte sera réglé sous peu, et ils disparaîtront de la scène mondiale. Â»

Puis il ajoute : « Les Occidentaux ne font aucune différence ni distinction entre la croyance dans la prédestination et le décret divin, d’une part, et la doctrine de la contrainte (jabr) selon laquelle l’homme est soumis dans tous ses actes et intentions à la contrainte implacable du déterminisme divin, d’autre part. Â»

(Extrait des notes de Monsieur Sadr Vâtheqî (20) au sujet de Seyyed Jamâl al-Dîn Asad-Abâdi, citant un article du Seyyed traitant de la prédestination et de la mesure, et traduit par Abolqâssem Farzâneh Yazdî (21) . Bibliothèque de l’Ecole Supérieure Sepahsâlâr, fiche numéro 4535).



1 Les Omeyyades (Banû Umayya en arabe) sont la première dynastie inaugurant l’instauration de la royauté de l’islam, fondée à Damas, par le demi-converti Mu’âwiyya, fils de Abû Sufyân, et trahissant le principe sunnite du calife désigné par élection. Mu’âwiyya est connu pour avoir usé du prétexte de l’assassinat du troisième calife 'Uthmân ibn ‘Affân pour refuser de faire allégeance à l’Imâm 'Alî, élu quatrième calife à Médine, alors capitale de l’islam. Cette dynastie sera renversée en 750 par les 'Abbassides, descendants de ‘Abbâs, oncle du Prophète (s).

2 Jabr, racine arabe signifiant contraindre, forcer ou réparer, compenser (par la contrainte). Cette racine a donné aussi le mot algèbre, al-jabr que les mathématiciens musulmans ont employé pour désigner la nouvelle méthode de calcul qu’ils avaient mise au point.

3 L’adjectif alaouite (‘alawî) s’applique de façon générale à tout ce qui se réclame de l’Imâm 'Alî (as) soit par généalogie, soit par adhésion à sa doctrine.



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