Comprendre le Maulid



Les parties de la Sunnah du Prophète.


Depuis que le Saint Prophète reçut la Révélation, il s’appliqua à communiquer aux gens le Message divin et en exprimer les statuts et les concepts, par la parole et les actes. Conformément qu’il enseignait à ses adeptes l’ablution (wodhû) et la prière. Il leur expliqua les règles de leur Religion, comment devrait être leur conduite sociale, les modalités de la diffusion de l’Appel de l’Islam, la façon de traiter avec les Mécréants qui les entouraient etc. Et c’est à travers ces déclarations et explications relatives aux actes des adorations, au système social et moral, ainsi que par sa conduite et sa façon de traiter avec l’ennemi, que s’est constituée une richesse législative dans laquelle puiseront les jurisconsultes et les Mujtahid (Docteur de la Loi) des générations futures.

Lorsqu’il émigra à Médine, cette émigration, en constitua une partie vivante de sa conduite et de sa Sunnah. Et une fois établit dans cette terre d’accueil, il poursuivit l’expression de la loi islamique par ses prêches, ses déclarations, ses correspondances, et par les actes de sa vie quotidienne pratique. Ainsi, la façon d ‘accomplir les actes cultuels, son exercice du pouvoir, de la direction spirituelle et des affaires de la justice, sa conduite envers les ennemis (qu’ils fussent des Gens des Livres Juifs et Chrétiens ou des Polythéistes pendant la guerre ou la paix) son administration de l’Etat et de la société, son commandement de l’armée, l’explication des dispositions du Coran, son comportement dans les batailles, sa méthode de la diffusion de l’Appel, tout cela constitue sa (Tradition) et sa conduite dans la vie pratique. Le Saint Prophète, outre le fait d’avoir expliqué par la parole et les actes le contenu de la législation islamique, il avait fixé les éléments de celle-ci par une 3ème voie, l’approbation. En effet, il vivait dans une société qui avait ses propres règles, normes et pratiques sociales, telles l’achat et la vente, la location, l’héritage, le mariage, la discorde etc… qu’il lui fallait harmoniser avec les exigences de la Loi islamique.

Aussi, interdit-il certaines de ces règles et pratiques et en approuva-t-il certaines autres conformément aux fondements de la Charî’ah ( la Loi islamique) et ses objectifs, visant le changement. De plus, certains de ses Compagnons, accomplissaient des actes à propos desquels il ne disait rien ni ne désapprouvait, car ces actes ne s’opposaient pas aux actes de la Charî’ah et ne se trouvaient pas en contradiction avec elle. Le bagage législatif islamique s’enrichit donc de toutes ces données pour une révolution idéologique et un changement radical et total. En bref, les éléments de l’apport du Prophète à la législation islamique, se manifestèrent sous trois formes : Le prêche verbal à l’adresse de la nation et de la société musulmane (ainsi qu’à l’adresse de l’humanité après sa disparition), ses actes et sa conduite, son silence approbatif devant certains actes d’autrui. Cet apport servit d’instrument à l’interprétation du Noble Coran et à l’explication de son contenu et ses buts du Message divin. Il permit aussi à enseigner aux gens les fondements de la pensée et les vérités de la législation qu’avait reçues le Saint Prophète d’Allah, sous forme de Révélation. Cette richesse législative qu’est la Sunnah du Messager d’Allah, a été compilée et étudiée dans des corpus de Hadith, et divisée en trois parties qui traduisent les trois formes sous lesquelles elle avait été exprimée par le Saint Prophète :

1. Les Paroles du Prophète: Ce sont les explications verbales données par le Prophète dans ses prêches, ses causeries, ses directives, ses réponses aux questions des Compagnons, ses correspondances et ses lettres, ses traités politiques, ses éclairements ou ses interprétations des mots et du contenu du Coran. Il est évident que le Messager d’Allah s’adressa aux gens de la langue des Arabes en cours parmi eux, lorsqu’il les appela à l’Islam ou lorsqu’Il leur exposait les dispositions de la Charî’ah et les concepts doctrinaux. Il en résulte que son discours comporte des formes et des modes nombreux : le sens propre et le sens figuré, le synonyme, le général, le particulier, le restrictif, l’absolu, le conditionnel, l’impératif, le prohibitif, « l’autorisant » etc. Tout ceci nécessite donc une compréhension et une définition de la signification et une précision des cas où une parole du Prophète comporte ou non un statut légal.

2. Les Actes du Prophète: Les actes du Prophète constituent la forme pratique des lois, des valeurs et du mode de vie islamique. L’Islam est un système d’action et un message de construction de la vie. C’est pourquoi, le Saint Prophète était lui même le constructeur de la vie et l’incarnation – par sa conduite et ses actes – des dispositions de la Charî’ah et de ses buts dans les domaines politiques, culturels, de la méthode de la diffusion de l’Appel du Jihâd, des relations sociales… Aussi, le Coran avait ordonné aux musulmans l’obligation de suivre l’exemple du Saint prophète et d’apprendre tout de lui ; car ses paroles et ses approbations ne font que traduire les Ordres d’Allah, étant donné qu’il était infaillible donc immunisé contre la faute et erreur dans ce qu’il fait ou dit, on peut lire dans le noble Coran : « Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu’il vous interdit3 » (Sourate Al Hachr, 59 :7) Et « Vous avez dans le Prophète d’Allah, un bel exemple4 » (Sourate Al Ahzab, 33 :21) Ainsi, l’acte du Messager d’Allah était devenu une partie de la législation et une expression concrète des lois et des valeurs islamiques5. L’interprétation de l’acte du Prophète Les Uléma ont étudié exhaustivement et minutieusement les actes du Prophète afin d’en déduire les statuts juridiques et les lois. Une telle étude a permis de classifier les actes du Prophète comme suit : 1. Une catégorie de ses actes qui constituent son domaine réservé et exclusif (son mariage avec plus de quatre femmes) et qui ne peuvent pas être pris comme exemple à suivre par le autres)

2. Une catégorie de ses actes qu’il a accomplis en tant que membre de la société, tel que son usage de la langue courante pour expliquer son Message. Ces actes sont considérés comme des modèles de la conduite du Prophète, et les gens doivent s’y conformer.

3. Une catégorie de ses actes qu’il a faits en tant que Musulman soumis aux obligations religieuses, comme tous les autres Musulmans. Ces actes équivalent à des statuts généraux s’appliquant à tout musulman soumis aux obligations islamiques.

4. Une catégorie de ses actes qu’il a accomplis en tant que Prophète dont la charge est d’expliquer l’Islam aux gens et de le leur enseigner. 5. Une catégorie de ses actes qu’il a accomplis en tant que gouverneur et tuteur des musulmans. Ces actes sont considérés comme des modèles à suivre et à appliquer pour tout gouvernant légal qui a la charge des affaires des musulmans, tout au long de la vie de l’humanité. Ils sont le domaine exclusif du gouvernant légal et comprennent les signatures des traités et des actes et des accords au nom de la communauté musulmane, la déclaration de guerre ou de trêve etc.

Une étude méthodique des actes du Messager nous conduit à conclure qu’en sa qualité de Prophète infaillible et communicateur de la volonté d’Allah, il est impossible qu’il ait pu commettre un acte illégal. Tous ses actes oscillent entre obligatoire et ce qui est légal, et tout acte qu’il n’a pas fait (mais sans l’interdire) signifie seulement qu’il n’est pas obligatoire. C’est pourquoi il était nécessaire de procéder à une étude analytique des actes du Prophète, et de chercher les indices et les contextes, susceptibles d’interpréter chaque acte du Prophète et de déterminer s’il est à caractère obligatoire, recommandé, autorisé, ou même détestable, car un acte détestable fait partie des actes non autorisés. D’autre part, une telle étude est nécessaire pour déterminer lesquels des actes dont s’est abstenu le Prophète sont à caractère interdit et lequel à caractère autorisé (étant exclu que le Messager d’Allah ait pu s’abstenir d’un acte obligatoire) ce tri et cette identification nous ouvre une grande porte sur la recherche juridique et législative, et sur la déduction des statuts légaux (Ahkâm Charîyyah) et la connaissance de ce qui est obligatoire, et de ce qui est légal ou illégal. Il faut noter que l’acte du Prophète est parfois associé à une parole qu’il prononce et parfois à une attitude qu’il observe, parole et attitude qui avaient un but explicatif et didactique et qui nous permettent par conséquent de connaître la nature obligatoire, recommandée ou autorisée dudit acte. De même, lorsqu’il s’abstient d’un acte, la parole prononcée ou l’attitude observée dans ce contexte, nous permettent de déterminer si son abstention dudit acte indique le caractère interdit ou autorisé de celui-ci.

3.L’approbation tacite (Taqrîr) du Prophète.


Dans la langue, « Taqrîr » signifie qu’une chose s’est stabilisée et s’est fixée, et lorsqu’il s’agit d’un avis ou d’un jugement, le « Taqrîr » signifie que cet avis ou jugement est signé par celui qui doit le signer. De là nous comprenons que les approbations du Saint Prophète signifient sa signature et son acceptation des actes et paroles qu’il a vus ou entendus faire ou prononcés par un individu, un groupe ou une société, sans qu’il les interdise ou les désapprouve. Le fait de leur non interdiction par lui est la preuve de son consentement et de son approbation. Par conséquent ces actes et paroles sont devenus une partie de la Sunnah et la législation. Car, s’ils étaient opposés à sa législation, il les aurait interdits et désapprouvés. Exemple, le Saint Prophète avait remarqué que les gens croyaient à une information rapportée par un seul individu, lorsque celui-ci était digne de confiance. Il a observé le silence sur ce fait et n’a pas interdit aux gens d’accepter une information rapportée par un seul individu digne de confiance.

Nous déduisons de ce silence la validité de l’acceptation d’une information à source unique et nous considérons une telle pratique comme argument légal nous autorisant à accepter comme vrais des hadiths rapportés du Prophète ou de l’Imam d’Ahlul Bayt, par une source unique – si elle est digne de confiance - sans exiger qu’il soient confirmés par deux ou quatre sources pour être considérés comme crédibles. Ceci est valable pour le témoignage et les tribunaux. En conséquence, tout ce qui a été fait par un individu ou pratiqué par une société et dont le Prophète avait eu connaissance sans l’interdire, est un acte légal, car le silence du Prophète à cet égard et le fait qu’il ne l’a interdit signifient qu’il signe son approbation, et par voie de conséquence, indique la validité et la légalité dudit acte, lequel acte peut servir l’argument (de base) pour la déduction des statuts (jugement) légaux. S’il pouvait commettre une faute, on ne pourrait plus avoir confiance en ce qu’il nous ordonne ou interdit de faire, ce qui conduirait à répugner à l’acceptation de ses instructions » Lorsque nous examinons les vocabulaires de la Sunnah, nous trouvons des exemples des emprunts du Prophète au Livre d’Allah. La meilleure illustration en est le célèbre Hadith de « Raf » (dégagement de la responsabilité) dont les termes sont devenus des règles législatives majeures. En effet, on attribue au Messager d’Allah les propos suivants :

« Il (Allah ) a dégagé la responsabilité des membres de ma communauté dans neuf cas : l’erreur, l’oubli, l’ignorance, (d’une chose), l’insupportabilité, la contrainte, la force majeure, la « Tîrah » (pressentiment, superstition) la tentation de penser à la Création… » Hadith du saint prophète. Et lorsque nous regardons de près ces règles législatives, nous en trouvons les origines dans le Livre d’Allah implicitement. En voici quelque exemples : §« Il n’y a pas de faute à reprocher au sujet des actions que vous commettez par erreur mais seulement pour celles que vous préméditez dans vos cœurs. Allah est Celui Qui pardonne. Il est Miséricordieux6 » (Sourate Al Ahzab, 33 : 5) ·« Nous n’avons jamais puni un peuple, avant de lui avoir envoyé un prophète7 ». (Sourate Al Isra, 17 :15) ·« Il ne convient pas à Allah d’égarer un peuple après l’avoir dirigé, jusqu’à ce qu’il lui montre ce qu’il doit craindre. Allah connaît parfaitement toute chose 8». (Sourate Al Tawbah, 9 :115) ·« Allah n’impose à chaque âme qu’en proportion de ce qu’Il Lui a accordé 9» ( Sourate Al Talâq, 65 :7) ·« Allah n’impose à chaque homme que ce qu’il peut porter10 » (Sourate Al Baqarah, 2 :63) ·« Nul pêche ne sera imputé à celui qui serait contraint d’en manger sans pour cela être rebelle, ni transgresser 11» (Sourate Al Baqqrah, 2 :173) ·« Non pas celui qui subit une contrainte et dont le cœur reste paisible dans la foi12 » (Sourate Al Nihal, 16 :106) L’Imam Al Cadiq, soulignant le fait que le Saint Prophète était soigneusement assisté dans ses pas par l’Esprit Saint (l’archange Jibrâîl) dit : « Le Messager d’Allah était dirigé et assisté par le Saint Esprit. Il ne trébuchait ni ne commettait une faute dans ce qui est de nature à présenter une tentation pour les hommes ».

La Sunnah du Compagnon.


Les Musulmans croient uniquement que le Livre d’Allah et la Sunnah du Prophète constituent les deux sources de la pensée, de la législation et du savoir islamiques13 Cette croyance est l’une des évidences de la Doctrine islamique et la seule législation adoptée à l’époque du Saint Prophète.

Après le décès du Messager d’Allah, lorsque les événements et des faits nouveaux surgirent alors qu’il n’existait pas de textes législatifs explicites les concernant, les musulmans éprouvèrent le besoin de connaître les règles qui régissent lesdits événements et les faits et qui déterminent leur position légale vis-à-vis de ces nouveautés. Aussi, les gens reconnaissent-ils aux érudits parmi les compagnons pour leur opinion à ce propos, et ces derniers émettaient des avis parfois concordants et parfois divergents. On appelait alors ces avis la doctrine ou le décret du compagnon. De même les compagnons accomplissaient des actes cultuels, politiques ou fiscaux etc. et on appelait ces actes propres au compagnon, « la Sunnah du Compagnon ». Plus tard les musulmans divergent sur la valeur de la sunnah du compagnon : peut-on la considérer comme une preuve législative ou non ? Les fondements de cette divergence se résument comme suit :

a. La définition du compagnon et peut-il être considéré comme Compagnon ?

b.Dans quelle mesure peut-on considérer la sunnah du Compagnon comme un argument légal et comme une source de la loi ?*

c. Et étant donné que la validité de la Sunnah du Compagnon, en tant que source de la Loi, dépend du savoir et de l’intégrité de ce dernier, une polémique véhémente éclate à propos de ces deux axes.

Cette polémique et le débat sur cette question législative conduisirent à deux écoles principales. L’une considérait la Sunnah du compagnon comme valable de la Loi, l’autre affirme que l’acte du Compagnon ne saurait constituer une source législative, tout en pouvant être un indice de la Sunnah du Prophète, étant donné que cet acte est le fait d’un compagnon qui est censé agir selon la Loi Islamique. Si l’on se réfère à la définition linguistique du mot compagnon « çahabi » ou constate que le Compagnon est celui qui était fréquemment en compagnie du Prophète. Cette définition a été adoptée par l’Ecole d’Ahlul Bayt, alors que Ibn Hajar Al Asqalâni Al Châfi î a défini le Compagnon comme étant « celui qui a rencontré le Prophète en croyant en sa parole en sa mission prophétique et qui est mort musulman. L’expression « celui qui a rencontré le Prophète » comprend aussi bien quelqu’un qui avait fréquenté le Prophète pendant longtemps, que celui qui ne l’avait rencontré qu’un court instant, aussi bien celui qui a rapporté des faits et dires de lui que celui qui n’en a rien rapporté, aussi bien celui qui avait participé à ses batailles que celui qui y était absent. Aussi bien celui qui l’avait simplement vu sans s’asseoir avec lui que celui qui n’avait pas pu le voir à cause d’une cécité, par exemple ».

Toutefois, Ibn Hajar a cité une définition d’Al Mazari, qui diffère de la sienne : « lorsque nous disons que le tous compagnons sont justes nous ne désignons par cet énoncé toute personne ayant vu le Prophète un jour, ou on lui ayant rendu visite occasionnellement, ou s’étant réuni avec lui ponctuellement pour affaire sans que cette réunion n’ait une suite. Nous visons par notre énoncé : Ceux qui l’on fréquenté, ceux qui l’on soutenu, qui l’on secouru et ceux qui ont suivi la lumière descendue avec lui : voilà ceux qui ont été heureux » Coran 7 :157. Cette définition du compagnon proposée par Al Mazari s’accorde avec celle de l’Ecole d’Ahlul Bayt en ce que l’une et l’autre n’attribuent pas le titre de Compagnon à quiconque ayant tout simplement aperçu le Saint Prophète, lui ayant rendu visite dans une séance ou l’ayant à peine rencontré. Elles en réservent l’honneur ( de ce titre) à quelqu’un qui a accompagné fréquemment le Saint Prophète, qui l’a soutenu et qui est resté avec lui pendant si longtemps que l’on peut dire selon la norme qu’il était de sa compagnie. En un mot, le Compagnon est celui qui a pu grâce à sa longue présence aux côtés du Saint Prophète, assimiler sa tradition, participer à son cheminement et suivre son exemple. De même que les Ulémas des différentes écoles juridiques ont divergé sur la définition du Compagnon, ils ont divergé également sur la valeur juridique de la Sunnah du Compagnon. En effet, l’Ecole d’Ahlul Bayt a refusé la validité juridique de cette sunnah du Compagnon.

La raison en est que les Compagnons eux mêmes ont montré les contradictions qui existaient entre leurs conduites, leurs coutumes et leurs doctrines. Chacun d’eux avait une conduite, des actes et une doctrine propre à lui, et chacun d’eux ne se considérait pas comme ayant l’obligation de suivre la sunnah d’un autre Compagnon. Rappelons à cet égard le refus de l’Imam Ali de s’engager à respecter la Sunnah de ses deux prédécesseurs. Abû Bakr et Omar. En effet, selon les historiens, Abdul Rahmân Ibn Awf s’est réuni seul avec Ali Abi Ibn Tâlib après la mort de Omar Ibn Al Khattâb et dit : « Tu dois t’engager devant Allah à nous gouverner suivant le Livre d’Allah, le Sunnah du Prophète et la conduite d’Abi Bakr et de Omar, si tu étais choisi comme Calif » Imam Ali se contenta de répondre : « Je vous accorde mon engagement à vous gouverner autant que possible selon le Livre d’Allah et la Sunnah de Son Prophète». Puis, Abdul Rahmân s’est réuni de nouveau avec l’Imam Ali et lui répéta la même proposition, et l’Imam Ali donna la même réponse. Et lorsque Abdul Rahmân Awf revint à l’Imam Ali pour lui répéter sa proposition pour la troisième fois, ce dernier lui dit : « Le Livre d’Allah et la Sunnah de Son Prophète suffisent. Tu peux donc en tant que Mujtahid, me dispenser de cette affaire… » Mais Othmân Ibn affân contrairement à Ali accepta la condition de Abdul Rahmân pour accéder au califât, sans pour autant respecter la sunnah de Omar dans de nombreuses occasions, durant son califat.

D’autres part, l’Imam Ali, lorsqu’il accéda, enfin, au califat, opéra beaucoup de changements dans ce qui avait été adopté par son prédécesseur Othmân. Il est donc évident, si l’on s’en tient à ces exemples illustres et révélateurs que la Sunnah du Compagnon n’a une valeur d’obligation et ne constitue pas une source de la Loi et de la législation. La raison en est simple. La compagnie du Prophète ne considère pas au Compagnon l’infaillibilité et sa conduite reste exposée à l’erreur. L’histoire nous porte le meilleur témoignage à ces égards à travers les conflits sanglants et les guerres horribles qui opposèrent les Compagnons les uns aux autres et les erreurs que les uns révélèrent chez les autres. De même que les Musulmans divergent sur « l’argumentalité » de la Sunnah du Compagnon de même ils divergent sur la valeur d’argument de doctrine, à savoir ses décrets religieux et ses actes dont ignore la référence ou le fondement. Certains Ulémas et Imams d’écoles juridiques la considèrent comme un argument juridique, d’autres refusèrent de lui conférer cette légalité. Parmi ceux qui ont refusé d’accorder un caractère d’argument à la doctrine du compagnon, figure le philosophe Al Ghazâlî qui a dit à ce propos : « Quiconque est à même de commettre une faute ou une erreur, et dont n’a pas établi infaillible, sa parole ne serait servi d’argument légal.

Comme dès lors pourrait-on considérer leur parole (la parole des compagnons) comme une preuve légale, alors qu’ils peuvent se tromper ? Comment pourrait-on concevoir l’infaillibilité d’individus dont les opinions respectives (sur un même sujet) sont différentes ? Et comment, enfin, des gens prétendument infaillibles pourraient-ils émettre des jugements divergents sur un même sujet ? Ceci ne saurait se concevoir lorsque les Compagnons eux mêmes étaient tombés d’accord pour dire que chacun d’eux puisse avoir une opinion différente des autres sur un même sujet. La preuve en est le fait qu’Abû Bakr et Omra Ibn Al Khattab, n’aient pas renié à d’autres Compagnons d’avoir une opinion différente de la leur sur un même sujet. Bien au contraire, ils ont imposé à chaque Mujtahid (Compagnon capable d’émettre une opinion personnelle) de suivre sa propre opinion relativement aux questions susceptibles de faire l’objet de divergence d’opinions. En bref, l’absence de preuve de l’infaillibilité (des Compagnons) le fait de l’existence de divergence entre les compagnons, et le fait qu’ils aient officiellement que chacun d’eux puissent avoir une opinion différente des autres, sont les trois preuves incontestables de la « non argumentalité » de la doctrine du Compagnon.» D’autres savants ont émis le même jugement qu’Al Ghazâlî à ce sujet.

Contentons-nous de citer ce qu‘a dit à ces propos le savant Hanbalite Al Amedî en s’appuyant sur les opinons semblables exprimées par d’autres Imams d’écoles juridiques : « Tous sont tombés d’accord que la doctrine (l’opinion) du Compagnon sur les questions de Ijtihâd ne saurait servir de preuve irréfutable pour un autre Compagnon capable d’exprimer une opinion personnelle (Mujtahid), peu importe qu’il soit Imam, gouvernant ou juge légal. Mais, ils ont divergé quant à savoir si la doctrine du Compagnon constitue ou non un argument légal aux compagnons des Compagnons (Compagnons de 2ème génération = « Tâbiîn » et aux Mujtahids qui leur ont succédé :les Ach arites et les Mu tazalites, Al Karkhi, Al Châfiî (selon l’une des deux opinions qu’il a exprimées à ces sujets) Ahmed Ibn Hanbal (selon l’un des deux récits qu’on lui impute relativement au même sujet) ont répondu par la négativité j’affirme donc qu’elle ne constitue pas un argument obligatoire… »2 « Il s’agit de savoir maintenant s’il est permis de suivre la doctrine d’un Compagnon, lorsqu’il est établi qu’elle ne constitue pas un argument obligatoire ? Je réponds à ceci qu’il est absolument interdit de le faire »

La Sunnah des Ahlul Bayt.


S’appuyant sur des textes ( du Coran et de la sunnah du Prophète) qui font autorité, les adeptes d’Ahlul Bayt, quant à eux considèrent la Sunnah de l’Imam Ali Ibn Abî Tâlib, de ses deux fils Al Hassan et Al Hussayn, et des Imams descendant de ce dernier, comme étant le prolongement de la Sunnah du Saint Prophète, et expression de celle-ci. C’est pourquoi ils l’ont adoptée comme une source de Loi après le Livre d’Allah et la Sunnah du Messager d’Allah. Les Ulémas de l’Ecole d’Ahlul Bayt fondèrent ce principe sur l’infaillibilité des Imams d’Ahlul Bayt et leur dépouillement de tous pêchés, ainsi que sur le fait qu’ils avaient associés au Livre d’Allah et à la Sunnah du Prophète, que ce dernier avait demandé à la Ummah (la Communauté musulmane) de se rattacher à eux et de suivre leurs instructions après sa disparition.

L’un des arguments sur lesquels les Ulémas de l’Ecole Ahlul Bayt fondèrent leur croyance à l’obligation de suivre la Sunnah des Imams d’Ahlul Bayt est le verset coranique suivant (dit le verset de Tat-hîr ou de Purification) qui décrète la pureté de ces Imams : « O vous les Ahlul Bayt (les gens de la Maison du Prophète) Allah veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement14 » (Sourate Al Ahzâb, 33 :33). Les différents livres de Tafsir (exégèse) et les différents hadiths s’accordent pour souligner que les personnes visées dans ce verset sont les membres de la familles du Saint Prophète, en l’occurrence : Ali Ibn Abî Tâlib (cousin et frère du Messager d’Allah), Fatima Al Zahrâ, la fille chérie du Prophète et l’épouse de l’Imam Ali, ainsi les deux fils, Al Hassan et Al Hussayn. En effet, selon Al Suyûti Al Châfi’î, dans Al Manthûr : Al Tabarânî a rapporté ce témoignage d’Om Salamah : Le Messager d’Allah demanda un jour à Fatima : « Appelle ton mari et ses deux fils ». Elle exécuta.

Le Prophète les couvrit alors d’un manteau de Fadak et posa sa main sur eux en disant : « O Allah ! Ce sont les Ahlul Muhammad ou les Ale Muhammad, selon une autre version - (la famille de Muhammad) Que Tes Prières et Tes Bénédictions soient donc sur les Ale Muhammad comme elles avaient été sur les Ale Ibrahim » et Om Salamah de poursuivre : « J’ai alors relevé le manteau pour me joindre à eux, mais le prophète l’a retiré de ma main en disant : Tu es bien à la place » Et selon Al Tirmithî : Le verset d’Al Tat-hîr (33 :33) a été révélé dans la maison d’Om S alamah. Le Prophète appelle alors Fatima, Al Hassan, Al Hussayn et Ali. Il les plaça derrière son dos, les couvrit d’un manteau et dit : « O Allah : Ce sont les Gens de ma Maison ( Ahlul Baytî).

La Bid’ah (l’invention, l’hérésie)15.


Nous avons déjà appris le sens du terme Sunnah. Pour en approfondir notre connaissance, il est opportun d’avoir quelques notions de son opposé, le mot « Bid’ah » (invention, hérésie). Bid’ah signifie, linguistiquement « inventer » Et en tant que terme technique, ce mot désigne ce qu’on invente dans la religion et qui n’a pas de racine dans le Coran et la Sunnah. On dit Bid’ah (invention parce que celui qui la possède l’a inventée (Ibtada’a) lui même. Donc, Bid’ah est tout ce qui est intrus dans la religion et qui n’en fait pas partie à l’origine. Or le Saint Prophète avait mis les musulmans en garde contre les hérésies dans les termes suivants : « La meilleure des paroles est le Livre d’Allah, le meilleure « guidance », c’est celle de Muhammad, et les pires des choses ce sont les choses inventées, et toute chose inventée (dans la religion) est un égarement » Pour résumer, la Bid’ah est à l’opposé de Sunnah. Et les Bida’ (Pluriel de Bid’ah), les hérésies ou les choses inventées, considèrent en tout ce qui a été rajouté à la Religion et qui n’avait pas d’origine dans le Livre d‘Allah ni dans le Sunnah de Son Messager, mais que certains persistent pourtant à le considérer comme faisant partie de la Charî’ah (la Loi islamique).

Les hérésies visent à faire dévier l’Islam et introduire dans la structure de cette religion des idées, des croyances et des pratiques qui lui sont étrangères. Les autres religions ayant souffert de l’intrusion des hérésies dans leurs Messages et de la déviation qui s’en était suivie, le Coran a averti les gens du danger de ces hérésies idéologiques et comportementales. « … et la vie monastique qu’ils ont instaurée-nous la leur avions prescrite–uniquement poussés par la recherche de la satisfaction de Dieu. Mais ils ne l’on pas observée comme ils auraient dû faire 16» (Sourate Al Hadîd, 57 :27) Pour préserver la pensée, la Loi et la conduite de toute hérésie et de toute déviation, l’Islam a imposé aux musulmans en général et les Ulémas en particulier l’obligation de combattre les éléments hérétiques qu’on injecte dans la Religion sous forme de pensées, philosophiques.

Cette obligation a été affirmée dans les paroles attribuées au Saint Prophète et aux Imams d’Ahlul Bayt. Ainsi, selon la chaîne de transmission des Ahlul Bayt, le Prophète a dit : « Lorsque les hérésies apparaîtront au sein de ma Communauté, que le Alem (le savant musulman) mette en évidence son savoir, et s’il ne le fait pas, qu’Allah le maudisse ». Et dans un de ses discours, l’Imam Ali a lancé cet avertissement dans le même sens : « O gens ! Le Commencement des dissensions, c’est la soumission à des caprices et l’invention de lois, dans lesquelles on s’oppose au Livre, et des hommes deviennent les maîtres d’autres hommes. Si le faux était purement faux, les demandeurs de la vérité le découvraient facilement. Et si la vérité restait une pure vérité, elle ne conduirait pas à des divergences. Mais le meilleur est que l’on prend une partie du faux et une partie de la vérité que l’on mélange pour les présenter comme un ensemble… » Et selon l’Imam Al Cadiq : « Toute hérésie est un égarement et tout égarement conduit en bref en Enfer ».



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