Quelques imposteurs. La dernière maladie du Prophète etUn autre jour, le Prophète s'adressa au peuple, après les prières, dans les termes suivants : "Frères ! Si j'ai causé injustement à quiconque d'entre vous un mal, je soumets mes épaules d sa vengeance. Si j'ai calomnié la réputation de quiconque d'entre vous, qu'il vienne relever mes fautes devant l'assemblée. Si je dois quoi que ce soit à quiconque, qu'il s'avance pour me réclamer son dû, le peu que je possède servira d m'acquitter. Je préfère subir un affront dans ce monde plutôt que dans l'autre". Et le Prophète d'ajouter : "Je n'ai rendu légal que ce que Dieu avait rendu légal, et je n'ai interdit que ce que Dieu avait prohibé". Un homme sortit des rangs de l'assistance et réclama trois dirhams qui lui furent payés tout de suite. Après quoi, le Prophète rentra à la maison. Dans la nuit du Samedi, la maladie du Prophète prit un tournant sérieux, et la fièvre, dit-on, ne diminua pas jusqu'au Dimanche soir. Dimanche, Osâmah sortit de son camp pour recevoir les bénédictions du Prophète avant son départ pour la Syrie, mais au moment de sa visite le Prophète était inconscient et évanoui. Osâmah lui parla, mais le Prophète ne lui répondit que par un mouvement de la main qu'Osâmah prit entre les siennes. Puis baisant la main et le front du Prophète, Osâmah retourna à son camp. La Dernière Prière et le Dernier Sermon du Prophète dans son Masjid
Tôt le lundi matin (le jour de Sa mort), le Prophète, toujours la tête bandée, sortit au Masjid, soutenu par deux hommes. Après les prières, il fit un court sermon, d'une voix qu'on entendait au-delà des portes extérieures du Masjid, lequel était inhabituellement rempli par les gens anxieux qui étaient venus s'enquérir de son état après la crise de la nuit précédente. Dans son sermon, le Prophète dit que les esprits malfaisants étaient proches et que la plus noire partie d'une nuit noire et tempétueuse s'approchait. A la fin du sermon, Abû Bakr dit : "Ô Prophète ! Par la Grâce de Dieu, tu es mieux aujourd'hui !" Osâmah était lui aussi présent, pour recevoir les bénédictions du Prophète qui lui dit : "Dépêche-toi avec ton armée; que la bénédiction de Dieu soit avec toi". Osâmah retourna au camp et donna l'ordre du départ le même jour. Abti Bakr revint chez lui à al-Souh. La Mort du Prophète
Le Prophète regagna sa maison et, exténué, se jeta sur son lit. Ses forces le lâchèrent rapidement. Il appela toutes ses femmes près de lui et leur donna les instructions nécessaires en leur ordonnant de rester tranquilles dans leurs maisons et de ne pas se montrer dans un état de l'Epoque de l'Ignorance (Sourate al-Ahzâb, verset 33). Fatima, sa fille bien-aimée pleurait. Il l'appela, la fit asseoir à c6té de lui et chuchota quelques mots dans son oreille. Elle fondit en larmes. Le Prophète glissa encore quelques mots dans son oreille et essuya ses larmes avec ses mains. Elle parut alors réconfortée et sourit. Puis il appela al-Hassan et al-Hussayn, ses deux fils chéris qu'il n'avait cessé de caresser dans son giron depuis des années, voulant les embrasser pour la dernière fois. Al-Hassan posa son visage sur celui du Prophète et al-Hussayn se jeta sur sa poitrine. Chacun d'eux se mit à sangloter et à crier avec une telle amertume que toute l'assistance vit leurs larmes perler dans leurs yeux. Le Prophète les étreignit et les embrassa avec beaucoup d'affection et ordonna à toutes les personnes présentes de les traiter, ainsi que leur mère avec grand amour et respect, exactement comme il les traitait lui-même (le Prophète avait l'habitude de se lever et de faire un ou deux pas en direction de Fatima chaque fois qu'il la voyait venir vers lui. Il l'accueillait toujours avec une joie manifeste. Puis baisant sa main, il la faisait asseoir à sa propre place). Ensuite, il appela Ali qui prit place près du lit. Le Prophète lui ordonna de rendre la somme qu'il avait empruntée à un certain Juif pour couvrir les frais de l'expédition d'Osâmah, et lui enjoignit d'endurer avec patience et résignation les troubles auxquels il serait confronté après sa mort. Il lui demanda de rester patiemment sur son droit chemin menant à l'autre monde, lorsqu'il constaterait que les gens se trouveraient sur celui menant vers le monde d'ici-bas. Le Prophète prit la tête de Ali Sous son manteau qui les couvrit tous deux, et ce jusqu'à ce que Ali ait sorti sa tête pour annoncer la mort du Messager de Dieu. Ibn Sa`d et al-Hâkim ont noté que le Prophète avait rendu le dernier soupir, sa tête dans le giron de Ali(Madârij al-Nubuwwah). Les derniers mots prononcés par le Prophète, selon Ali furent : "La compagnie bénie dans le Ciel. Les prières", après quoi il s'est étiré doucement, et puis tout ont été finis. Que la paix éternelle soit sur lui et sur les membres de sa famille qui se sont sacrifiés pour la cause de l'Islam et qui nous ont dirigés sur le droit chemin. Fatima, se frappant le visage et se lamentant d'amertume rejoignit les autres femmes qui gémissaient bruyamment. C'était à peine midi passé, le Lundi 2 Rabî` I de l'an onze (calculé en commençant par le mois de Moharram), que le Prophète rendit l'âme, à l'âge de soixante-trois ans. Les autres dates de la mort du Prophète, signalées par d'autres sources sont le 28 Çafar et le l2 Rabî`I. Le jour de son décès retenu unanimement est cependant un lundi. Selon une tradition, avant la mort du Prophète, quelqu'un avait demandé la permission de lui rendre visite, alors qu'il se trouvait dans un état d'inconscience. Fatima répondit au visiteur que le moment ne convenait pas à une telle intrusion. Sans prêter attention à la réponse, le visiteur avait demandé encore la permission de se rendre auprès du Prophète, et Fatima lui répondit de la mâme façon. Il réitéra sa demande une troisième fois sur un ton si horrible que Fatima en fut terrifiée. Jibrîl (l'ange Gabriel) qui était descendu en ce moment-là pour visiter le Prophète dit à ce dernier : "Ô Prophète ! C'est l'ange de la Mort. Il te demande la permission d'entrer. Jamais auparavant, il n'a demandé la permission à aucun homme, et jamais par la suite il ne fera preuve d'une telle sollicitude envers aucun autre". Le Prophète demanda alors à Fatima de le laisser entrer. L'ange de la Mort entra et s'arrêtant devant le Prophète, dit : "Ô Prophète du Seigneur ! Dieu m'a envoyé à toi et m'a donné l'ordre d'agir selon ton désir. Ordonne-moi d'arracher ton âme, je le ferai; ou bien ordonne-moi de la laisser, et je t'obéirai". Alors, Jibrîl s'interposa : "Ô Ahmad ! Le Seigneur te désire (auprès de LUI)". "Vas-y donc, dit le Prophète à l'ange de la Mort, et fais ton travail". Jibrîl fit ses adieux au Prophète dans ces termes : "Que la paix soit sur toi Ô Prophète du Seigneur ! Ma descente sur terre se termine avec toi". Le Prophète en décida ainsi et un gémissement de voix céleste s'éleva du convoi funèbre invisible. La nouvelle de la mort du Prophète se répandit vite dans toute la ville de Médine et les gens affluèrent vers le Masdjid de toutes parts pour savoir la vérité. Abû Bakr se trouvait dans sa maison, à al-Sonh dans la banlieue de Médine. `Âyechah envoya Salim B. Abid pour le chercher tout de suite. Omar Joue une Scène Bizarre
Entre-temps une scène bizarre se jouait dans le Masjid. En effet, à peine après la mort du Prophète, `Omar entra dans l'appartement du Prophète et enlevant le drap qui couvrait son corps, regarda fixement les traits du Prophète, lequel semblait tombé dans un sommeil paisible. Remettant doucement la couverture sur le corps, il s'exclama : "le Prophète n'est pas mort il est parti auprès de Son Seigneur, comme l'avait fait avant lui Mûsà , pour s'absenter pendant quarante jours. Il retournera parmi nous encore". Brandissant son épée, il s'écria : "Je couperai la tête de quiconque oserait dire que le Prophète est mort". Alors que `Omar haranguait les gens de cette façon, Abû Bakr apparut. Il écouta `Omar pendant un moment, puis emprunta la porte de l'appartement de `Âyechah, où il enleva à son tour le drap couvrant le corps du Prophète, se pencha sur lui et l'embrassa sur le front. Puis en posant la tête sur ses mains, il la leva légèrement et scruta les traits du visage minutieusement. Puis, reposant la tête doucement sur l'oreiller, il s'exclama: "Oui, doux tu étais dans la vie et doux tu es dans la mort. Hélas mon maître ! Tu es effectivement mort". Recouvrant le corps, il s'avança et se dirigea tout de suite vers l'endroit où `Omar brandissait son épée et haranguait les gens. "Calme-toi `Omar ! Assieds-toi !" s'écria-t-il. Mais `Omar ne l'écouta pas. Il se tourna alors vers l'assistance et dit : "Avez-vous déjà oublié le verset coranique qui avait été révélé au Prophète après le jour d'Ohod («Mohammad n'est qu'un Prophète; des prophètes sont morts avant lui. Retourneriez-vous sur vos pas, s'il mourait ou s'il était tué ?", (Sourate Âle `Imrân, verset l44). Et ignorez-vous l'autre verset coranique révélé au Prophète : "Tu vas sûrement mourir, (Ô Mohammad) et eux aussi vont mourir" (Sourate al-Zomar, 30). Et Abû Bakr de poursuivre : "Que celui qui adore Mohammad sache que Mohammad est vraiment mort, mais que celui qui adore Dieu sache que Dieu est immortel : IL est vivant et ne meurt pas". La vérité étant à présent connue, l'assistance se mit à pleurer à chaudes larmes. On eût dit que les gens n'avaient jamais eu connaissance auparavant de ces versets coraniques, puisqu'on dut les leur répéter. `Omar lui-même, en les entendant fut frappé d'horreur. Plus tard il dira qu'ayant entendu Abû Bakr réciter lesdits versets, il se mit à trembler et s'écroula, et qu'il sut après avec certitude que le Prophète était vraiment mon. Om Aymân avait envoyé un messager à son fils Osâmah à Jorf pour l'informer de la condition critique du Prophète. Osâmah avait déjà donné l'ordre à l'armée de se mettre immédiatement en marche et son pied était sur l'étrier lorsque le messager de sa mère arriva. Abasourdi par la nouvelle, Osâmah dispersa l'armée et retourna à Médine précédé par Boraydah B. al-Haçib, son porte-drapeau qui se dirigea directement vers le Masjid où il planta l'étendard à la porte de la maison dans laquelle le Prophète était étendu mort. Peu après ces péripéties, dans l'après-midi, un ami vint précipitamment vers Abû Bakr et `Omar au Masjid pour les informer que plusieurs notables de Médine s'étaient réunis dans Saqîfah Banî Sâ`idah et qu'ils étaient en train d'élire comme dirigeant Sa`d B. `Obâdah. "Si vous voulez détenir l'Autorité Suprême, vous n'avez pas un moment à perdre, et vous devez arriver là -bas avant que l'affaire soit réglée et que l'opposition devienne dangereuse", leur dit-il. Ayant entendu cette nouvelle, Abû Bakr et `Omar accoururent à Saqîfah en compagnie d'Abû `Obaydah et de plusieurs autres personnes. Le Lavage Rituel et l'Enterrement du Prophète
Entre-temps, `Ali, ignorant ce qui se tramait à l'extérieur était occupé, à l'intérieur de la maison, à la préparation du lavage du corps du Prophète, en compagnie de `Abbâs et de ses deux fils, Fadhl et Qutham, ainsi que d'Osâmah et Çâleh ou Charqân. Ayant fermé la porte de l'appartement et arraché un rideau d'un drap de tissu du Yémen, ils y mirent le corps pour le laver. Aliétait la seule personne désignée par le Prophète pour laver son corps (comme il l'avait d'ailleurs prédit lorsqu'il avait donné le premier bain à Ali au moment de sa naissance) puisqu'il avait dit que tout personne autre que Ali qui regarderait sa nudité serait aveugle sur-le-champ. Ainsi Ali lava le corps et les autres l'aidèrent. Après le lavage du corps, ils l'amenèrent dehors et ils le revêtirent des vêtements dans lesquels il était mort. Deux draps de beau tissu blanc furent enroulés autour du vêtement et au-dessus de tout cela fut posé un drap de tissu rayé du Yémen. Puis vint le moment de la prière sur le corps. Tout d'abord les proches parents, suivis par les Partisans et les Compagnons du Prophète, entrèrent dans la maison par groupes de dix personnes à la fois, et prièrent sur lui. Le corps resta ainsi jusqu'au moment de l'enterrement. Les gens tombèrent en désaccord quant au lieu d'enterrement du Prophète. La question fut tranchée par Ali qui affirma avoir entendu le Prophète dire que là où un Prophète meurt il doit être enterré. A Médine, il y avait deux fossoyeurs, Abû `Obaydah al-Jarrâh qui creusait les tombes des Mecquois et Abû Talhah Zayd B. Sâhel qui creusait les tombes des Médinois. `Abbâs envoya un homme pour les chercher tous les deux. Abû `Obaydah n'était pas chez lui, étant donné qu'il se trouvait avec Abh Bakr et `Omar à Saqîfah, occupé aux questions du Califat (la succession du Prophète); donc on ne pouvait pas faire appel à ses services. Abû Talhah vint et creusa le tombeau du Prophète. L'enterrement eut lieu le mardi dans la nuit, ou le mercredi, tôt le matin. Le corps fut descendu dans le tombeau par les mêmes proches parents qui l'avaient lavé et transporté dehors. Ali fut la dernière personne à quitter l'intérieur du tombeau. Le Lahad, ou la voûte, une fois refermé, le tombeau fut rempli de terre arrosée d'un peu d'eau. Les gens quittèrent alors la tombe et se dirigèrent vers la maison de Fatima pour la consoler dans son deuil. `Âyechah continua à vivre dans la chambre contiguë à celle qui abritait le tombeau.
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