LES CAPTIFS



- Tais-toi, ennemi de Dieu! Cesse de blasphémer! Tu es un menteur, de même que ton père, et de même que celui qui t'a nommé à ce poste et que le père de celui-ci! Tu as assassiné les descendants des Prophètes, et maintenant tu oses monter à leur place ici, sur cette chaire!

- Obeidoullah pâlit, incapable de poursuivre:

- Attrapez-le!

Les soldats se saisirent de l'homme, Abdallah fils de Afif, qui était un Chïte de l'Imam Ali. Mais Abdallah lança le cri de guerre de sa tribu, les Azd. Immédiatement sept cents guerriers se rassemblèrent, l'épée à la main. Obeidoullah fut contraint de relâcher Abdallah. Mais la nuit venue, ses hommes de main s'introduisirent chez le courageux Chïte. Ils le tuèrent, et le crucifièrent sur la porte de sa maison.

La caravane des captifs s'était remise en marche, toujours précédée des têtes des Martyrs. Mais plus question de procession triomphale! Obeidoullah avait ordonné aux gardes d'emprunter les pistes les moins fréquentées, de peur que des Chïtes de l'Imam Houssein ne tentent de délivrer les prisonniers et de venger les Martyrs. Les gardes avaient aussi pour instruction d'être sans pitié avec les femmes et les enfants. L'Imam Ali Zayn Abidine, qui était toujours malade, suivait difficilement. Une lourde chaîne reliait ses pieds à son cou. S'il essayait d'allonger le pas, ou de marcher plus vite, il tombait immanquablement. Alois une brute descendait de cheval, levait le fouet, et frappait...

Pendant cette interminable traversée des déserts de Mésopotamie et de Syrie, il arriva que Soukeina tomba de son chameau. Zaynab, qui se trouvait sur le chameau voisin donna l'alarme. Les gardes ne lui prêtèrent aucune attention. En désespoir de cause, Zaynab dirigea son regard vers la tête de l'Imam Houssein, toujours en tête du cortège, toujours au bout d'une pique:

-Houssein mon frère, tu m'as demandé de veiller de mon mieux sur Soukeina. Mais elle est tombée de sa monture, et je ne puis rien faire pour lui venir en aide!

Après quoi elle demanda à Dieu d'avoir pitié d'elle, et de secourir la malheureuse enfant.

La caravane n'avait pas fait trois pas que la pique supportant la tête de l'Imam Houssein échappa aux mains de l'homme qui la portait. Elle se planta droit dans le sol. L'homme sauta de cheval pour la reprendre et repartir. Il ne parvint pas à l'arracher du sable. C'était comme si elle y avait été cimentée. Cet homme était pourtant un colosse. Il comprit que si ce qui était en train de se produire venait à s'ébruiter, ta panique risquait de gagner les autres gardes, et que ceux-ci s'enfuiraient de tous côtés.

Sans perdre une minute il alla confier à Chamir ce qui venait de se passer. Chamir réfléchit un instant puis, le fouet à la main, se dirigea vers l'Imam Ali Zayn Abidine.



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