Le mouvement de la traduction dans le monde de l'Islam



D'après les découvertes archéologiques et les résultats des études et des recherches historiques, l'Orient – et surtout la région du Moyen-Orient – est le berceau de l'apparition des premiers foyers humains et de la formation des premières civilisations dans le monde entier.

C'est la raison pour laquelle, pour régulariser les relations sociales parmi les individus humains, et permettre ainsi leur élévation morale et éducation spirituelle, les grandes religions divines et le monothéisme sont apparues pour la première fois dans la région du Moyen-Orient. Les attraits économiques, religieux et géographiques de cette région (surtout en raison de sa forme péninsulaire) ont fait de cette région une zone importante qui attire depuis la nuit des temps l'attention des peuples assaillants. Les assauts historiques ont fait de la région du Moyen-Orient une mosaïque raciale, linguistique, culturelle et religieuse dont les composantes semblent parfois indissociables les unes des autres. Parmi les cultures étrangères qui ont laissé des empreintes et des influences considérables dans cette partie du monde, il faut surtout évoquer la culture occidentale.

Depuis des temps très reculés la région du Moyen-Orient entretient des relations et des liens étroits avec la culture occidentale. Ces relations se sont développées surtout sous forme des relations militaires, économiques et commerciales, religieuses et politiques. Les expéditions d'Alexandre ont été peut-être le point culminent du rapprochement culturel et politique entre l'Orient et l'Occident dans la région du Moyen-Orient à l'époque de l'antiquité. L'apparition d'Alexandre et la domination de sa doctrine politique fondée sur le militarisme ont mis fin à l'âge d'or de la civilisation grecque qui était fondée plutôt sur la philosophie, les sciences et la raison. Les troupes d'Alexandre ont pris le chemin de l'Orient, alors qu'elles véhiculaient avec eux un très riche héritage culturel et civilisationnel, ce qui leur a permis d'influencer considérablement les sociétés orientales par les acquis scientifiques, culturels et philosophiques de la Grèce antique.

Le jeune Alexandre rêvait de la création d'un empire mondial, et il savait très bien que ce rêve ne serait jamais réalisé qu'à la lumière de l'application d'un projet d'homogénéisation culturelle afin que les sociétés de l'Orient et de l'Occident possèdent une culture unique. Alexandre avait réalisé lucidement que l'Orient est composé de sociétés croyantes et religieuses qui s'acharnaient à préserver et maintenir cette particularité en tant qu'élément unificateur le plus puissant qui existe dans les sociétés orientales. C'est pourquoi, quand Alexandre arrive en Egypte, il met l'habit des prêtres et il participe au culte religieux dans le temple d'Amon. Les Egyptiens l'ont considéré alors comme un dieu. En réalité, l'Egypte s'est soumise facilement et dans le calme à la domination des troupes d'Alexandre. Cela a d'ailleurs amené les Egyptiens à découvrir l'importance du maintien de la paix et de la sécurité pour favoriser la création d'un système scientifique et philosophique, et ce d'autant plus qu'Alexandre a offert aux Egyptiens un précieux cadeau : la ville d'Alexandrie. Cette ville est devenue très vite une nouvelle Athènes au sein du monde oriental et elle a été habitée et visitée par un très grand nombre de savants et de penseurs pendant des siècles. A partir de cette date, une profonde évolution a eu lieu dans le monde des sciences, surtout en ce qui concerne la création de différentes disciplines scientifiques, ce qui a entraîné la spécialisation dans différentes branches de sciences : Galien, Ptolémée et Archimède sont apparus comme des grandes figures scientifiques spécialisés chacun dans une discipline particulière des sciences.

La ville d'Alexandrie a maintenu sa position privilégiée en tant que l'un des centres scientifiques les plus importants du monde, jusqu'à l'avènement de l'Islam. En effet, comme de nombreux savants et penseurs occidentaux l'ont confirmé, la civilisation islamique a joué un rôle indéniable dans la sauvegarde et le développement des sciences de la Grèce antique. Nous pouvons même dire que c'était la religion musulmane qui grâce à son caractère unificateur et sa discipline intérieure a réussi à créer un terrain favorable à la conservation et la croissance de la culture et de la civilisation de la Grèce antique. Après l'avènement de l'Islam, outre la ville d'Alexandrie, de nombreux autres centres scientifiques ont été créés au sein du jeune empire islamique où les savants et les penseurs musulmans ont développé le mouvement de la traduction pour rendre le terrain propice à la résurrection des sciences de la Grèce antique. Pendant les premiers siècles de l'ère islamique, et à partir de l'époque des premiers califes abbassides, surtout Haroun al-Rachid et ses fils, un grand mouvement de la traduction des œuvres scientifiques a été déclenché au sein du monde de l'Islam. Pendant cette période, de multiples délégations de savant ont eu la mission de collecter les livres et les écrits anciens des Grecs dans différentes parties du monde dont les pays romains, l'Inde, l'Iran, la Chine et les villes de l'Asie centrales comme Mary et Balkh. Des centres prestigieux de traduction ont été fondés dans des villes importantes comme à Jondi Chapour et à Bagdad, et ces centres se sont chargés de la traduction de livres et de manuscrits grecs. Par ailleurs, il est à noter que pendant cette même période, le vénéré Imam Baqer (as) et le vénéré Imam Sadeq (as) ont développé leurs activités scientifiques pour former les savants loin de tout fanatisme religieux, de sorte que dans les écoles de ces grands imams, les savants musulmans, chrétiens ou juifs exprimaient en toute liberté leurs avis et leurs opinions scientifiques. De même pendant cette période florissante de la civilisation islamique, il n'y avait aucune distinction entre Avicenne, Ibn Bakhtishu ou Maimonide.

Dans le monde de l'Islam, le mouvement de la traduction et de la sauvegarde des acquis scientifiques a contribué au développement et à la croissance des sciences et de la philosophie islamique, jusqu'à ce que l'entrée des éléments d'origine turque ait mis fin à l'ambiance calme et sereine qui était absolument nécessaire au progrès de la science, car leur présence a transformé la région en un foyer de tensions politiques et du fanatisme religieux. En effet, les enseignements de la religion qui étaient fondés sur la tolérance et la largesse d'esprit se sont malheureusement transformés entre les mains des souverains turcs incultes, en un instrument purement politique, de sorte que le mouvement de la traduction et les progrès scientifiques et techniques ont été oubliés pour longtemps. Par la suite, nous évoquerons les différentes étapes de l'évolution du mouvement de la traduction en Iran et dans le monde de l'Islam.

A) Le mouvement de la traduction en Iran à l'époque préislamique :

Quand Ardechir Babakan, dit Ardechir Ier, fondateur de la dynastie des Sassanides a réussi à résoudre les problèmes intérieurs de son empire, il a envoyé des groupes de savants vers l'Inde, la Chine et Rome pour ramener en Iran des manuscrits et des livres ou des copies des ouvrages écrits. Ardechir a également donné l'ordre de la collecte de tous les manuscrits anciens qui étaient dispersés dans différentes régions de la Mésopotamie. Ainsi, sous le règne du fondateur de la dynastie des Sassanides et ses successeurs, une grande collection d'œuvres anciennes a été transférée à l'intérieur de l'empire des Sassanides.

Après Ardechir Ier, son fils Shâhpuhr Ier a donné l'ordre de la traduction de tous les ouvrages que son père avait collectés. Ainsi ces livres ont été traduits en langue Pahlavie et ils ont été mis à la disposition des savants. A l'époque de l'empereur Khosrô Ier Anouchiravan, un grand nombre de livres a été collecté et traduit. Khosrô Anouchiravan a fondé l'école et l'hôpital de Jondi Chapour, où la médecine et la philosophie étaient enseignées par les meilleurs maîtres de l'époque. En effet, les maîtres de la grande école de Jondi Chapour étaient des savants chrétiens nestoriens qui s'étaient réfugiés en Iran à partir de l'an 489, en y cherchant la protection de l'empire des Sassanides contre la répression de l'empereur romain Zénon qui avait détruit leurs écoles à Odessa. Un incident similaire a eu lieu en l'an 529 où sept philosophes grecs ont dû quitter leur pays pour fuir les répressions des Romains. Khosrô Anouchiravan leur a prêté refuge et les a accueillis dans sa cour.

Par conséquent, l'initiative de certains rois de la dynastie des Sassanides de faire traduire les documents et les livres scientifiques a grandement contribué au développement et à la croissance des sciences en Iran, qui était considéré à l'époque de l'avènement de l'Islam en Arabie, l'un des centres scientifiques les plus prestigieux du monde. En effet, avant la période islamique, l'Iran était un foyer important de la traduction des livres et des manuscrits scientifiques indiens, romains, grecs, chinois, juifs et syriaques. Les Iraniens ont donc joué un rôle considérable dans la transmission des sciences et des techniques à la civilisation musulmane par le biais de leur mouvement de la traduction. Ils ont joué trois rôles dans ce domaine :



1 2 3 4 next