Le mouvement de la traduction dans le monde de l'IslamEn effet, le mouvement de la traduction a atteint son apogée à l'époque du règne du calife abbasside al-Mamoun. Le calife a donné l'ordre de la formation d'un groupe d'illustres traducteurs à la Maison de la sagesse. Ce groupe de traducteurs dirigé par Yuhanna Massouyeh traduisait les ouvrages appartenant aux civilisations anciennes en langue arabe. A propos de l'intérêt que le calife abbasside al-Mamoun manifestait pour les sciences, l'auteur Ibn Nadim a écrit : "Al-Mamoun a envoyé un groupe de traducteurs qui connaissaient différentes langues en Byzance. Parmi ces traducteurs, il y avait Ibn Ishaq et Yuhanna Massouyeh. Ces traducteurs ont ramené avec eux à Bagdad un grand nombre d'ouvrages grecs et romains." Pierre Rousseau a écrit : "Après avoir vaincu les armées de l'empereur byzantin Michel III, le calife al-Mamoun a exigé que dans le texte de l'accord de paix une clause soit intégrée au sujet des livres et des manuscrits grecs. Il a demandé aux Byzantins qu'une copie de chaque livre existant dans les bibliothèques de Byzance soit remise aux arabes." Avec le soutien des califes et les initiatives des grands vizirs éclairés comme les Barmécides ou la famille Al-e Nobakht, l'ensemble de l'héritage culturel des civilisations anciennes a été transféré au monde de l'Islam. Le point remarquable dans le mouvement de la traduction était les efforts considérables des traducteurs des différents peuples musulmans à traduire les ouvrages et les livres de leur langue en langue arabe. En d'autres termes, ces traducteurs essayaient ainsi de propager les croyances et les opinions de leurs peuples parmi les musulmans. Cette rivalité a été à l'origine de la traduction de très nombreux ouvrages en langue arabe. Par ailleurs, il est important de savoir que la traduction des livres et des manuscrits grecs, syriaques, indiens et iraniens était confiée aux traducteurs qui connaissaient parfaitement les langues étrangères et qui étaient capables en même temps d'élaborer une critique des sources et même de les corriger. A titre d'exemple, Abou Youssef Yaqoub al-Kindi qui a traduit un très grand nombre de livre en langue arabe, est également auteur de plus de 265 livres, essais et articles scientifiques. Honein ibn Ishaq était le traducteur le plus célèbre de l'époque du calife abbasside al-Mamoun. Chaque fois qu'il traduisait un livre en langue arabe, le calife lui offrait des pièces d'or au même poids que le manuscrit traduit. Ce grand traducteur est à l'origine de la traduction de toutes les œuvres de Galien et de la plupart des ouvrages d'Aristote et d'Hippocrate en langue arabe. Au total, il a traduit près de 130 œuvres de philosophie et de médecine en langue arabe. Les membres de la famille Bakhtishouh comptaient parmi les traducteurs les plus célèbres de cette époque. Les traducteurs de cette famille étaient nestoriens et ils passaient le clair de leur temps à étudier la philosophie et la médecine, et ils ont traduit de très nombreux livres en langue arabe. Les membres de cette famille habitaient la ville de Jondi Chapour, mais ils se sont installés à Bagdad au IIe siècle de l'hégire à l'invitation du calife abbasside al-Mamoun qui leur a demandé de pratiquer la médecine à la capitale des Abbassides. Al-Kindi surnommé le philosophe arabe était un illustre traducteur qui a traduit des centaines de livres en langue arabe. Al-Battani était un traducteur de livres d'astronomie et de mathématiques, et al-Khârezmi était un traducteur célèbre d'ouvrages en mathématiques et en algèbre. Parmi les traducteurs iraniens qui traduisaient les ouvrages Pahlavis en langue arabe, nous pouvons citer surtout Ibn Moqafa, la famille Nonakht, Ali ibn Ziyad ibn Farkhan et Ishaq ibn Yazid. Ibn Moqafa était le traducteur iranien le plus célèbre qui avait traduit « Kelileh va Demneh » et plusieurs autres ouvrages d'éthique en langue arabe. Ali ibn Ziyad ibn Farkhan a traduit en arabe "La Table astronomique du Prince". Ishaq ibn Yazid a traduit "Les mœurs des Perses" de Pahlavi en langue arabe. Et enfin, Balazari a traduit en arabe le livre intitulé "L'ère d'Ardechir". Par conséquent, pendant cette période historique les musulmans ont traduit en langue arabe la plus grande partie d'ouvrages scientifiques, philosophiques et littéraires d'autres civilisations. En effet, comme l'a souligné Jorji Zeydan, les musulmans ont pris à chaque nation ses connaissances et ses sciences. Ils ont pris des Grecs la philosophie, la médecine, la géométrie, la logique et l'astronomie. Ils ont pris aux Iraniens l'histoire, la musique, l'astronomie et la littérature, ainsi que les leçons éthiques et la biographie des grandes personnalités. Les musulmans ont pris des Indiens la médecine, l'astronomie, la musique, la botanique. Ils ont pris des Chaldéens et aux Nabatéens l'agriculture, le jardinage, les sciences occultes et l'astrologie. Et enfin ils ont pris des Egyptiens l'alchimie et l'autopsie. Ainsi, les musulmans ont réussi à apprendre toutes les sciences. Ils ont traduit les ouvrages des Anciens et les ont complétés par leurs propres recherches et découvertes pour fonder la grande civilisation islamique. Quel était l'élément principal du progrès et de la croissance très rapide de la civilisation musulmane ? Selon certains chercheurs et historiens, malgré tous les efforts de toutes les nations musulmanes pour développer les sciences et les techniques, il faut chercher le facteur principal du développement de la civilisation musulmane dans la religion de l'Islam. En effet, l'Islam encourageait l'acquisition des sciences et prônait la tolérance qui permettait à toutes les nations musulmanes de contribuer au mouvement du progrès et du développement de la civilisation humaine. Par ailleurs, l'Islam était un élément unificateur qui donnait de l'unité et de la cohérence à l'ensemble du grand empire islamique, en assurant la sécurité et le calme dont avaient besoins les savants et les penseurs. Par conséquent, nous pouvons dire que la culture et la civilisation que nous connaissons aujourd'hui en tant que civilisation musulmane est le fruit de la combinaison des héritages culturels et scientifiques de toutes les nations. L'Islam est l'âme de cette grande civilisation et les héritages des civilisations anciennes en étaient les composantes.
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