Personnalité et croyances du pharaon de l’époque de Mûsâ (as)



Dans le Rûh al-Ma‛ânî, il est écrit : « Certains exégètes croient que Pharaon est un gnostique ayant la connaissance directe de Dieu, Honoré et Glorieux, mais que c’est son opiniâtreté qui l’empêche de se soumettre à l’appel de Mûsâ (as). Pour appuyer cette revendication, ce groupe d’exégètes évoquent une série de versets. Ils s’appuient également sur le fait que le sultanat de Pharaon n’excède pas les Égyptiens anciens et ne se rend pas jusqu’aux frontières syriennes, ce qui est attesté par l’épisode où Mûsâ (as) fuit sa cour pour se rendre à Madian où Shu‛ayb (as) lui dit : ‘Ne crains rien, tu as échappé au tyran.’ Avec un cas pareil, comment croire qu’il soit le dieu du monde entier ? En sus, ils prennent pour preuve que Pharaon est assurément quelqu’un d’intelligent, qui a atteint le stade de la décision, or tout individu doué d’intelligence sait nécessairement et de façon innée qu’il n’était pas et qu’il est venu à exister, et celui qui sait cela a besoin d’être administré, et de fait, il a donc besoin d’un administrateur. Â»

D’autres prétendent que Pharaon ne connaît pas Dieu. Ceux-là conviennent toutefois qu’aucun être doué d’intelligence ne peut croire qu’il est lui-même le créateur du ciel, de la terre, et de ce qui se trouve entre les deux. En fait, ils divergent sur ce qui explique que Pharaon n’a pas connaissance de Dieu. Certains supposent qu’il est athée et qu’il nie l’existence du Créateur, et/ou évoquent la possibilité qu’il croie que la manifestation de l’existant ne nécessite pas un agent, et que le monde est venu à exister de façon accidentelle. Cette théorie est notamment attribuée à Démocrite et à ses partisans. D’autres exégètes estiment que Pharaon est un philosophe dans le sens où il a foi en l’existence d’une cause qui préside l’apparition du monde. D’autres encore évoquent la possibilité qu’il compte parmi les adorateurs des astres, qu’il fait lui-même partie des idolâtres, et/ou même des adeptes de la métempsychose qui croient que Dieu dispose d’un corps. Ils disent que s’il prétend à sa propre divinité, son objectif consiste en réalité à faire que ses subalternes lui obéissent et n’obéissent pas à quelqu’un d’autre. Si l’on se réfère à la réalité des religions des idolâtres, on verra qu’aucun de ces avis, aucune de ces suppositions, ni aucune des preuves qu’elles mettent en Å“uvre ne correspond à la réalité.

Fakhr Râzî à propos des croyances de Pharaon et des problèmes qu’elles posent

Certains supposent et affirment que Pharaon est un matérialiste, un athée. C’est apparemment l’éventualité que retient Fakhr Râzî. Voici ce qu’il dit dans son Tafsîr : « Ce qui vient à l’esprit, c’est que soit Pharaon est un homme intelligent, soit il n’est pas intelligent. S’il n’est pas intelligent, la sagesse divine veut que Dieu n’envoie pas de prophète à un individu pareil. Et s’il est intelligent, et si son intelligence est de surcroît entière, il n’est pas rationnel de penser qu’un tel individu puisse croire à sa propre divinité et qu’il soit le créateur du ciel et de la terre. Et même si nous passons sur lui, il n’est pas rationnel que de nombreuses personnes parmi celles qui sont douées d’intelligence puissent croire cela à son propos, parce que la sérosité de cette croyance compte parmi les nécessités de l’intelligence.

Aussi, il est préférable de supposer que Pharaon est un athée niant l’existence du Créateur et qu’il considère que les étoiles gouvernent le monde terrestre tandis que lui administre les êtres humains. Ainsi, lorsqu’il dit : ‘Je suis votre Seigneur, le Très-Haut !’ (sourate Al-Nâzi‛ât (Qui arrachent) ; 79 : 24), il dit en réalité : ‘Je suis votre précepteur, le mandataire de vos grâces et le dispensateur de votre quotidien.’ Et lorsqu’il dit : ‘Je ne vous connais pas d’autre dieu que moi-même !’ (sourate Al-Qasas (Le récit) ; 28 : 38), il dit en réalité : ‘Je n’ai en dehors de moi personne à vous faire adorer.’ Si sa ligne de conduite et sa doctrine ont cette teneur, il n’est donc pas futile de dire qu’il a fait des étoiles des idoles pour pouvoir les adorer et que, comme les autres adorateurs des corps célestes, il recherche leur faveur. Â»

Les difficultés que posent les paroles de Fakhr Râzî

Les difficultés qui émanent de son discours proviennent selon nous du fait qu’il ne réalise pas qu’au regard des idolâtres et des adorateurs des corps célestes, la divinité ne recouvre pas la notion de création des cieux et de la terre. Or, aucun idolâtre, aucun adorateur des corps célestes ne croit que son idole, son étoile, est le Créateur des cieux et de la terre. Au contraire, dans leur conception, la divinité administre une partie des affaires de ce monde, ce que Fakhr Râzî lui-même suppose d’ailleurs en conclusion de son discours. Par ailleurs, il fait une autre erreur, parce qu’aucun athée n’adore les étoiles et aucun adorateur d’étoiles n’est athée ni ne nie l’existence du Créateur.

Ainsi, en vérité, c’est comme nous l’avons dit : Pharaon se considère comme le dieu de l’Égypte et des Égyptiens, et s’il désavoue qu’un autre Dieu puisse être l’objet de leur adoration, cela concerne leurs croyances et non le fait qu’il dénie leur qualité de créature ainsi que celle de Créateur, de Dieu le Glorifié. « Il répondit : ‘Nous tuerons leurs fils ; nous laisserons vivre leurs filles et nous les dominerons ! Â» (sourate Al-A‛râf ; 7 : 127). Cette phrase constitue une promesse que Pharaon fait à ses sujets ; il les réjouit en leur disant que l’austérité et la persécution dont il a fait preuve avec les Banî Isrâ’îl va reprendre, qu’il va tuer leurs fils et laisser la vie sauve à leurs filles pour en faire les servantes des Égyptiens. Enfin, pour apaiser leur colère et faire disparaître leur agitation intérieure, il ajoute Ã©galement: « Nous les dominons. Â»

L’ignorance de Pharaon

Dieu dit dans la sourate Al-Qasas  : « Ã” Haman ! Allume-moi du feu sur la glaise ; construis-moi une tour, peut-être, alors, monterai-je jusqu’au Dieu de Moïse. Je pense cependant que Moïse est un menteur. Â» (sourate Al-Qasas (Le récit) ; 28 : 38). Dans cette phrase, Pharaon fait des allusions sur Mûsâ (as) qui invite les gens à la vérité et appuie son appel par des miracles, il sous-entend ainsi: « La vérité et la rectitude de ce à quoi tu appelles ne sont pas établies pour moi. De même, il n’est pas établi pour moi que les prodiges que tu as accomplis proviennent de Dieu le Très-Haut. Aussi, je n’ai absolument pas d’autre objet d’adoration que moi-même à proposer aux gens. Â» Quand Pharaon annonce : « â€¦ je n’ai absolument pas d’autre objet d’adoration que moi-même à proposer aux gens Â», il amène le sujet de telle façon et l’oriente de telle manière qu’il se fait d’emblée une place dans le cÅ“ur des gens et se fait accepter. C’est ce qui apparaît également dans un autre passage qui est rapporté de lui : « Je ne vous montre que ce que j’ai vu moi-même. Je ne vous dirige que sur le chemin de la rectitude. Â» (sourate Al-Ghâfir (Le pardonneur) (9)  ; 40 : 29).



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