Sa désignation comme vizir (dès le début de l'Islam)



Une délégation de Quraych en Abyssinie

Les Quraych se sentirent déjoués par la fuite des convertis en Abyssinie; aussi décidèrent-ils d'envoyer une délégation dirigée par `Amr Ibn al-`Âç et `Abdullah Ibn Omayyah, et munie de cadeaux coûteux au Roi d'Ethiopie. `Amr et `Abdullah se prosternèrent tout d'abord devant le Roi en signe de respect et ouvrirent ensuite leur mission par la présentation de leurs cadeaux de grande valeur. Puis ils expliquèrent au Roi que certains membres de leurs tribus, ayant adopté une nouvelle foi qui leur enseignait de penser légèrement à propos de Jésus et de sa mère Marie, avaient abandonné leur véritable religion ancestrale et fui dans son pays. Ils le prièrent, au nom des Quraych - les nobles de la Mecque - de leur livrer les fuyards. Le Roi était un homme juste. I1 fit venir les Musulmans pour entendre leur défense à propos de l'accusation d'hérésie dont ils faisaient l'objet. Ils se présentèrent en un groupe dirigé par Ja`far, le frère de `Ali, un des fils d'Abû Tâlib, et un cousin du Prophète Mohammad. Aucun membre de la délégation musulmane ne se prosterna devant le Roi, se contentant de le saluer à leur manière habituelle par la formule : "Assalâmu `Alaykum". Le Roi n'en fut pas offusqué; il admira même leurs manières. Puis, il leur exposa les charges portées contre eux par leurs propres compatriotes. Ja`far, qui était un homme d'apparence noble, favorisé par une expression de visage et une éloquence persuasives, s'avança et exposa les croyances de l'Islam avec zèle et enthousiasme. Le Roi, qui était, comme nous l'avons déjà noté, un chrétien nestorien, trouva ces doctrines similaires à celles de sa propre religion et opposées au polythéisme des Quraych. I1 manifesta son désir d'entendre Ja`far réciter quelques passages des Révélations faites au Prophète. Ja`far récita quelques versets de la Sourate Mariam qui touchèrent le Roi au cÅ“ur, au point qu'il ne put retenir ses larmes. I1 était surtout heureux d'entendre Ja`far présenter ses arguments. I1 s'ensuivit qu'au lieu de livrer les Musulmans aux membres de la délégation Quraychite, il leur octroya des faveurs bien supérieures à la protection dont ils jouissaient déjà. I1 expulsa la délégation Quraychite de sa cour en lui rendant les cadeaux qu'elle lui avait apportés.

Le Prophète à Dâr al-Arqam

Après l'exil d'un nombre aussi grand que cent treize membres du petit groupe des adeptes du Prophète, la position de celui-ci s'affaiblit beaucoup à la Mecque. D'autre part les Quraych, ayant durement ressenti l'expulsion déshonorante de leurs envoyés à la Cour d'Abyssinie, décidèrent de se venger de Mohammad en persistant dans leurs tentatives de s'opposer à ses prêches avec plus de rigueur. Mohammad décida donc de chercher refuge, en cette sixième année de sa Mission, dans la maison de l'un de ses adeptes, nommé al-Arqam, près du sanctuaire de la Ka`bah, où il put faire ses prières et ses enseignements paisiblement.

Un jour, pendant que le Prophète était assis à la porte de la maison, Abû Jahl, le chef de la grande et riche famille de Banî Makhzûm, passa à son niveau et proféra des mots grossiers à son encontre. Le Prophète fut très choqué, mais il ne prononça aucun mot de remontrance. Une fille esclave de `Abdullah Ibn Jod`ân, qui vivait tout près, fut très mécontente de cette insulte gratuite de la part d'Abû Jahl. Peu après, elle raconta l'incident à Hamzah - un oncle du Prophète - qui passait par là pour regagner sa maison après une excursion de chasse. Hamzah, qui était un homme célèbre parmi les Arabes pour sa grande vaillance et sa chevalerie se sentit profondément affecté par ce traitement outrageux qu'Abû Jahl avait réservé à Mohammad. Aussi se rendit-il directement chez Abû Jahl, et après lui avoir fait des remontrances, il le frappa avec son arc, lui portant un coup sur la tête. Les partisans d'Abû Jahl se levèrent pour le venger, mais il les calma et dit à Hamzah sur un ton conciliant que s'il avait insulté Mohammad, c'était seulement parce qu'il vilipendait leurs dieux. Hamzah déclara alors qu'il méprisait lui-même ces dieux de pierre, et il défia Abû Jahl de faire quoi que ce soit contre lui. Et pour se proclamer publiquement protecteur de Mohammad, Hamzah prononça à haute voix la profession de foi islamique : "Il n'y a pas de dieu, si ce n'est Le vrai Dieu Unique; et Mohammad est Son Prophète". Sur ce, il se déclara Musulman. Dès lors il s'avéra être un Musulman ferme jusqu'à la fin de sa vie.

Ce fut là un très heureux événement pour Mohammad et pour les Musulmans, spécialement à ce moment critique où les choses tournaient si mal pour le petit groupe de Musulmans que l'adhésion d un tel notable à leur cause, adhésion qui constitua une vraie main secourable tendue par le Ciel.

`Omar accepte la mission de tuer Mohammad

Ayant subi cette humiliation que lui avait infligée Hamzah, Abû Jahl décida de mettre un terme, une fois pour toutes, aux innovations contagieuses de Mohammad, et fixa une récompense de cent chameaux ou de mille onces d'or, payée comptant, pour la tête de Mohammad. `Omar Ibn al-Khattâb, qui était aussi viscéralement hostile à Mohammad qu'Abû Jahl, son oncle maternel se proposa de gagner la prime de ce crime de sang. Il avait à l'époque trente-trois ans. Il prit donc son épée et se dirigea vers la maison d'Al-Arqam, En chemin, Omar rencontra Sa`d Ibn Abî al-Waqqâç à qui il lui fit par de son projet, ne sachant pas qu'il était un adepte de Mohammad. Sa`d le mit d'abord en garde contre le risque qu'il courait, puis il lui conseilla d'aller voir en premier lieu sa propre sÅ“ur et son mari qui étaient déjà des adeptes de Mohammad. Omar, se rendant compte de la sagesse de cet avertissement, se tourna vers la maison de sa sÅ“ur, où il entendit un cours d'enseignement du Coran dispensé par un Khabbâb à sa sÅ“ur Âminah, et à Sa`îd Ibn Zayd, son mari. I1 entra brusquement dans la maison fonça tout droit sur Sa`îd, engagea un corps à corps avec lui, et le jetant à terre où il tomba sur le dos, il s'assit sur sa poitrine. Là, sa sÅ“ur intervint. Elle reçut à son tour une claque qui la fit saigner, mais dans un accès de colère elle cria. "Ô fils de Khattàb Fais ce que tu voudras ! J'ai vraiment changé de foi", et elle avoua qu'ils étaient tous deux - elle et son mari sans aucun doute Musulmans.

La Conversion de `Omar

Ayant honte de l'avoir acculée à une telle effronterie, `Omar s'écarta et lui demanda de réciter ce qu'elle apprenait. Elle récita les versets avec une solennité qui affecta le fond de son cœur. Le passage qu'elle lui avait récité était les quatorze premiers versets de la Sourate Tâhâ.

Omar fut stupéfait par la langue, qui avait un effet surnaturel auquel il ne put résister lui-même. A la fin, il leur demanda à tous les deux de le conduire à Mohammad. Khabbâb qui s'était caché dans la maison en voyant `Omar foncer vers eux, sortit alors de sa cachette. Ils amenèrent tous les trois `Omar à la maison d'al-Arqam où il croisa Hamzah à la porte. Il fut conduit auprès du Prophète. `Omar était si intimidé qu'il frémissait devant le Prophète qui le tint par la main et dit : "Ô Omar ! Veux-tu continuer jusqu'à ce que Dieu envoie sur toi une calamité et un châtiment comme IL l'a fait avec Al-Walîd Ibn Moghîrah ?", et il l'appela à l'Islam, qu'il accepta tout de suite en prononçant sa Profession de Foi (les Chahadatayn). La conversion de `Omar eut lieu seulement trois jours après que Hamzah se fut proclamé Musulman, la sixième année de la Mission.

La Délégation de Quraych auprès d'Abû Tâlib

Après la conversion de Harnzah et de `Omar, le Prophète prit deux fois le risque de faire ses prières avec ses adeptes publiquement à la Ka`bah, et la nécessité de tenir les rassemblements religieux dans le secret, notamment chez al-Arqam, ne s'imposait plus. Il réapparut donc publiquement pour prêcher, et l'Islam faisait des progrès sûrs parmi les différentes tribus arabes. Cela ne manquait pas de faire enrager plus que jamais les Quraych. Désormais, ils changèrent de tactique et pensèrent qu'il était plus sage de s'approcher d'Abû Tâlib, l'oncle et le protecteur du Prophète, et le chef de sa famille. Ils le prièrent chaleureusement d'imposer silence à Mohammad, et en cas d'insuccès, de lui retirer sa protection. Abû Tâlib les calma d'une manière ou d'une autre, mais sans toutefois informer Mohammad de leurs exigences. Mohammad continua donc à accomplir son travail selon sa manière habituelle.

Les Quraych se contentèrent d'observer pendant un certain temps, mais à la longue, n'ayant constaté aucun changement dans l'attitude de Mohammad, ils perdirent patience. Ils se rendirent de nouveau, en groupe, chez Abû Tâlib, et lui demandèrent, sur un ton menaçant, ou bien de convaincre son neveu de s'abstenir d'attaquer leurs dieux, ou bien de le laisser seul. Abû Tâlib convoqua alors son neveu et lui fit part de tout ce dont les Quraych le chargeaient. I1 lui suggéra de modérer ses attaques contre les Quraych afin d'éviter un conflit familial. Mohammad mit en avant ses convictions avec force et dit fièrement qu'il ne se permettrait pas de désobéir aux Commandements de Dieu, et qu'il était décidé à les appliquer jusqu'aux derniers moments de sa vie : "Même s'ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche, dit-il, pour me faire abdiquer ma tâche, je ne le ferais pas, et ce jusqu'à ce que Dieu la couronne de succès, ou que je me sacrifie pour elle" (Abul-Fidâ'). Mohammad pensa que son oncle voulait lui retirer sa protection pour éviter un conflit familial. Aussi lui dit-il qu'il ne comptait que sur la protection et d'aide de Dieu, le Tout-puissant, même si son oncle n'était pas désireux de continuer de se charger de la défendre.

Ayant dit cela, Mohammad se tourna pour s'en aller, le cœur serré, mais Abû Tâlib le retint, et sans plus discuter, lui promit de s'élever lui-même contre tous ses ennemis et de le défendre jusqu'à sa mort contre toutes les agressions. Abû Tâlib crut lui-même aux convictions de son neveu, et en conséquence il fit comprendre aux Mecquois que son neveu était réellement un Messager de Dieu et que pour cela, ils devraient le considérer comme leur dirigeant et guide spirituel.



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