Mohammad Bâqer al-SadrCertes, on peut objecter que l'expression "Émirs ou Califes" ne s'applique pas à la réalité des Douze Imams, lesquels, à l'exception de l'Imam 'Alî, n'ont pas accédé au pouvoir. Mais, la réfutation de cette objection est simple et évidente: le Prophète (P) a désigné par "Califes ou Émirs" ceux qui sont dignes de lui succéder ou qui méritent légitimement le pouvoir et sa succession, et non point ceux qui, à l'instar de Yazîd, Marwân ou Mu'âwiyah, ont transformé le Califat-Bien-Dirigé en monarchie héréditaire et qui au lieu de se plier aux exigences de la Charî'ah ont plié celle-ci aux caprices de leur règne et de leur pouvoir, comme l'a bien démontré, l'une des figures de proue du Sunnisme moderne, Abû-l-A'lâ al-Mawdûdî, dans son excellent livre "Al-Khilâfah wa-l-Mulk".(110) Si les Imams d'Ahl-ul-Bayt ont été systématique-ment écartés du pouvoir, ils n'ont pas moins exercé leur fonction de diriger spirituellement leurs adeptes, de transmettre les enseignements authentiques du Prophète (P), d'attirer l'attention de la Umma chaque fois que le pouvoir califal commettait une entorse évidente à la Charî'ah. 2- Ces douze Chefs sont désignés par Allah puisque le Hadîth les compare aux "Douze Chefs de Banî Isrâ'îl" choisis par la Volonté divine, comme l'affirme le Coran: «Allah a contracté une alliance avec les Banî Isrâ'îl et Nous avons suscité douze chefs parmi eux».(111) 3- Les Hadîth précités impliquent la présence de l'un des douze à toutes les époques et tant que la Religion existe, et ce jusqu'a l'occurrence de l'Heure. En effet "Çahîh Muslim" rapporte, dans le même chapitre précité (note 72), un hadîth explicite à cet égard: «Cette affaire (le califat ou la succession) demeurera au sein de Quraych même s'il ne restait dans le monde que deux personnes». Or ceci est tout à fait conforme à la croyance du Chî'isme qui veut que le Douzième Imam, l'Imam al-Mahdî soit toujours vivant et qu'il réapparaisse forcément à la Fin des Temps pour remplir la terre de justice et d'équité, de même qu'elle aura été pleine d'injustice et de tyrannie, comme l'a annoncé le Noble Prophète (P). Notons que personne n'ignore que les uléma sunnites ne se sont jamais accordés sur les noms des "Douze Califes" mentionnés dans les hadîths authen-tiques qu'ils rapportent eux-mêmes, au point que certains d'entre eux ont été obligés d'impliquer dans ce chiffre les noms de Mu'âwiyah, Marwân, 'Abdul-Malik et 'Omar Ibn 'Abdul-'Azîz pour compléter le quota de douze.(112) Mais une telle interprétation des "Douze Califes" ne tient pas debout et ne concorde pas avec le texte du Hadîth, car elle couvre la période allant jusqu'à l'époque de 'Omar Ibn 'Abdul-'Aziz, alors que le Hadîth dit clairement que la Religion existera avec leur existence jusqu'à l'avènement de l'Heure. Donc les hadîths de "Douze Califes" demeurent inexplicables tant qu'on ne les applique pas sur les Douze Imams d'Ahl-ul-Bayt et la survie du dernier d'entre eux, l'Imam al-Mahdî. Car si on l'applique aux califes quraychites (Omayyades et Abbassides) qui se sont succédé effectivement au Pouvoir, on se heurte au fait que leur nombre était plusieurs fois le double du chiffre de 12 indiqué dans les Hadîth concernés. De plus ils ont tous péri d'une part, et aucun d'entre eux n'a été désigné par la Volonté divine, selon l'unanimité des Musulmans. Écoutons ce que dit à cet égard le Traditionniste hanafite al-Qandûzî:
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