L'arrivée et l'installation du Prophète à Médine



Masdjid al-Nabî

Cette cour, avec les quelques dattiers qui y avaient poussé, était la propriété de deux orphelins, Sohâl et Suhayl, qui décidèrent d'en faire cadeau au Prophète lorsqu'ils apprirent qu'il désirait construire un masjid à cet endroit. Mais le Prophète ne pouvait pas accepter l'offre, et leur paya dix "mithqâl" d'or comme prix de ce lopin de terre. Après l'acquisition du terrain, les arbres furent coupés et un masjid d'environ cinquante mètres de large et de cinquante-cinq mètres de long y fut construit avec des briques d'argile et de la boue. Il fut recouvert d'une toiture de chevrons de bois de palmier revêtus de branches et des feuilles de palmier et d'argile. La toiture n'était pas assez solide pour résister aux pluies. Aussi utilisa-t-on des troncs de dattiers comme piliers pour la soutenir. Les travaux de construction avaient été répartis entre les convertis - les Muhâjirin et les Ançâr. Le Prophète lui aussi y prit part. Mais il était très rare qu'on le laissât travailler lui-même, étant donné que `Ammâr Ibn Yâcir, un des premiers convertis et fidèle compagnon du Prophète, s'appliquait à accomplir le travail du Prophète en plus du sien. `Ammâr fut le premier à commencer la fondation du masjid.

Une Prophétie

C'est à cette occasion que le Prophète, débarrassant avec affection le corps de `Ammâr Ibn Yâcir de la poussière qui s'y était amassée pendant le travail, prédit que ce compagnon était destiné à tomber en martyr sous les coups de sabre de rebelles, prédiction qui se réalisera effectivement quelque trente-huit ans après.

Près d'un côté du masjid, des appartements furent construits pour le Prophète et sa famille, et de l'autre côté, des chambres pour des adeptes qui n'avaient pas de maison. Leur nombre était d'environ soixante-dix à l'époque, et plus tard ce nombre sera porté à environ quatre cents. Les chambres des adeptes s'appelaient "Suffa".

Bien que le masjid fût de structure très simple, et construit avec des matériaux rudes et rugueux, il demeure comme le plus glorieux des masjids dans les annales de l'Islam, étant donné qu'il fut construit par le Prophète lui-même et ses compagnons qui y effectuèrent en outre la plus grande partie de leur adoration du Seigneur Suprême, que le Prophète y accomplissait chaque semaine la Prière du Vendredi et les sermons devant une large assemblée, que des milliers de gens y reçurent et acceptèrent les doctrines de l'Islam et y renoncèrent à leurs pratiques établies de l'idolâtrie pour embrasser avec ferveur la foi professée par le Prophète, que le Prophète y passa toute sa vie après son émigration de la Mecque, et qu'il y est enterré.

Lorsque le masjid et les bâtiments résidentiels furent achevés, le Prophète déménagea de son logement temporaire chez Abû Ayyûb al-Ançâri pour s'installer dans cette résidence permanente, avec les membres de sa famille qui étaient déjà arrivés. A cette époque-là, il avait une seule femme, Sawda. Sa future femme, `Âyechah, était encore avec son père Abû Bakr, vivant à Sonh. Mais plus tard, après la consommation du mariage à l'âge de neuf ans, quelque huit ou neuf mois après l'arrivée du Prophète à Médine, elle fut conduite avec ostentation à l'un des appartements proches du masjid.

La Fermeture des Portes ouvrant sur le Masjid

Plus tard, quelques autres compagnons du Prophète construisirent eux aussi leurs maisons près du masjid, avec des portes ouvrant sur sa cour. Quelques temps après, un jour, alors qu'ils avaient entendu une voix réclamer : "Ô gens ! Fermez vos portes ouvrant sur le masjid", ils furent étonnés d'entendre cette voix, mais restèrent assis, muets, sans se donner la peine d'exécuter le Commandement, et ce jusqu'à ce qu'ils aient entendu de nouveau l'ordre de fermer les portes sous peine de subir la Colère Divine. Terrifiés par cet avertissement, ils allèrent voir le Prophète qui se trouvait dans son appartement. `Ali aussi sortit de son appartement qui était séparé des chambres du Prophète par un mur de cloisonnement depuis son mariage avec Fâtimah. Il se mit debout à côté du Prophète lorsque celui-ci ordonna que toutes les portes ouvrant sur le masjid, excepté la sienne et celle de `Ali, fussent fermées. Les gens commencèrent à murmurer. Le Prophète se mit en colère face à cette attitude. Aussi leur dit-il : "Dieu avait ordonné à Son Prophète Mûsâ de construire un masjid sacré et IL lui avait permis, ainsi qu'à Hàrûn et à ses deux fils, Chabbar et Chabir, d'y vivre. De même, j'ai reçu l'ordre de construire un masjid sacré dans lequel moi et mon frère `Ali, ainsi que ses deux fils, Al-Hassan et AI-Hussayn, avons la permission de vivre. Je ne fais vraiment que ce que je reçois l'ordre de faire. Je n'entreprends jamais une action selon mon propre désir. Ce n'est certainement pas moi-même qui ai émis un ordre personnel de fermer vos portes ni de laisser ouverte celle de `Ali. C'est Dieu qui accorda à `Ali une demeure dans le masjid sacré". A la suite de quoi, les compagnons dont les maisons longeaient la cour du masjid fermèrent leurs portes.

"D'après Sa`d, le Prophète a dit à `Ali : "Il n'est pas permis à personne d'autre que moi et toi d'être à la Mosquée, sans se soumettre à l'obligation de faire une ablution consciencieuse" (Major Jarret's trans. of Suyûu"s His. p.l75). " `Omar Ibn al-Khattâb a dit : "`Ali est favorisé par trois qualités dont si je n'avais qu'une seule, elle me serait plus précieuse qu'un cadeau de chameaux de race supérieure". Et lorsqu'on lui avait demandé quelles étaient ces qualités, il a répondu : "Son mariage avec Fatima, la fille du Prophète; le fait de demeurer dans la cour de Mosquée, ce qui lui donne l'autorisation de ce qui ne m'est pas permis; et le fait qu'il ait porté l'Etendard le jour de Khaybar" (Major Jarret's trans. Of SuyQtt s His. p.175)

L'Autorité de Mohammad

A Médine, les Aws et les Khazraj étaient les tribus arabes prédominantes et formant la plus grande partie de la population de la ville. A l'origine, ils descendaient des Banî Qayla, Arabes du Yémen. Quelques siècles avant Mohammad, ils avaient émigré à Yathrib, Médine maintenant, et chassé les Juifs dont une partie sera disséminée parmi les Arabes et sous leur protection, et une autre regroupée en communautés indépendantes, telles que les Banî Qaynoqâ`, les Banî Nadir et les Banî Quraydhah; mais la plupart des Juifs partirent et s'établirent ailleurs : à Wâdî al-Qorâ, Khaybar, Fadak, Taymah, etc ..

Les Banî Qayla arabes étaient divisés en deux branches, les Aws et les Khazraj, qui étaient ennemis implacables les uns des autres. Peu avant l'arrivée de Mohammad, la Bataille de Bo`ath, qui eut lieu la septième année de la Mission du Prophète, entre les frères ennemis, avait brisé le pouvoir des Khazraj qui pensaient maintenant à faire d'Ibn Obay le roi de Médine, afin qu'il les guidât et qu'il consolidât leur force, étant donné qu'ils étaient plus nombreux que l'autre partie. A ce moment précis, l'apparition du Prophète et la conversion de la majorité des Aws firent pencher la balance du côté du Prophète, lequel se trouvait dans une conjoncture propice pour résoudre les conflits et rétablir l'ordre. Jusqu'ici les Arabes avaient l'habitude de soumettre tous les cas compliqués de leurs disputes à leurs Kâhin ou prêtres. Maintenant ils les soumettaient à Mohammad, en sa qualité de leur chef religieux. Mohammad avait une intelligence aiguë et pénétrante, et il était un homme de jugement excellent, doué naturellement d'une faculté de compréhension saine. Il écoutait leurs arguments et il était aidé par la Providence pour résoudre leurs énigmes. Ses jugements étaient toujours acceptables par les parties en conflit. Ses raisonnements judicieux et ses décisions équitables rehaussaient encore plus sa position aux yeux des gens et renforçaient la croyance de ceux-ci à sa sainteté en tant que Messager de Dieu. Il réussit à réconcilier les tribus des Aws et des Khazraj, et à rétablir la paix et l'ordre entre eux. Il était pour cela le restaurateur de la Loi et de la Justice, à une époque où prévalaient la violence et la haine. Il devint le véritable "Hâkim bi-amr-Allâh", pour eux, et son autorité était reconnue par tous les habitants de Médine.

Fraternité entre les Muhâjirîn et les Ançâr

Le Prophète inculqua aux Musulmans le principe fondamental selon lequel la fraternité ne dépendait pas du sang, mais de la foi. Aussi les relations des Musulmans avec les non-musulmans furent-elles entièrement désavouées. Les droits de l'héritage familial en Islam étaient expressément valides et sacrés. Ces commandements aboutirent à une extension considérable de la Communauté musulmane. Le Prophète établit individuellement la fraternité entre les Muhâjirin de la Mecque et les Ançâr de Médine. Par exemple il établit la fratemité entre Abû Bakr (Muhâjir) et Kharjah Ibn Zayd (Ançâri), entre `Omar Ibn al-Khattâb (Muhâjir) et `Othbân Ibn Mâlik (Ançârî), entre `Othmân Ibn `Affân (Muhâjir) et Aws Ibn Thâbit (Ançâri). Sa propre fraternité, le Prophète l'accorda à `Ali, son cousin, comme il l'avait fait précédemment à la Mecque - en déclarant, d'après al-Suyfitî : "Tu es mon frère dans ce monde et dans l'autre monde".



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