La bataille du Fossé et le rôle des juifs



Les rumeurs de cette trahison parvinrent aux oreilles du Prophète, lequel envoya deux chefs d'Aws et Sa`d Ibn `Abâdah chez les Juifs, pour savoir la vérité. Après avoir fait leur enquête, ils retournèrent auprès du Prophète pour l'informer que la disposition des Juifs à son égard était pire qu'on le craignait. Cette nouvelle l'alarma. Les craintes s'étant avérées justifiées, il devint nécessaire de se mettre à l'abri de toute surprise et de toute trahison. Le quartier nord-est de la ville, qui se trouvait du côté de la forteresse juive, était le moins défendable. Pour protéger les familles de ses partisans à travers la ville, le Prophète ne pouvait que détacher un grand nombre de combattants de son année de trois mille hommes, force à peine suffisante pour couvrir la longue ligne de retranchement.

Il dut donc affecter pour la défense intérieure de la ville deux forces, l'une de trois cents hommes sous le commandement de l'ex-esclave affranchi, Zayd Ibn Hârithah, et l'autre de deux cents hommes, sous le commandement d'un chef médinois. Ces deux forces avaient pour mission de patrouiller dans les rues et les chemins de la ville, jour et nuit.

Les Difficultés du Siège

Ainsi, la force chargée de la Défense de la ville contre les assaillants fut-elle réduite à deux mille cinq cents hommes qui devaient faire face à une armée ennemie de dix mille hommes. La prolongation du siège causa encore plus de troubles aux Musulmans étant donné que leur nombre, déjà insuffisant pour garder les postes extérieurs de la ligne du retranchement, ne permettait pas qu'on procédât à des relèves, bien qu'ils fussent obligés de faire un effort considérable pour maintenir une surveillance vigilante et permanente jour et nuit. Outre la famine due au manque de provisions, ils devaient supporte la chaleur des journées ensoleillées et le froid des nuits glaciales en plein air.

L'Ennemi franchit le Fossé

Plus d'une quinzaine de jours s'écoulèrent ainsi, avant qu'un groupe d'élite de cavaliers parmi les assiégeants ne découvre la partie la plus étroite et la moins bien gardée de la tranchée. `Amr Ibn `Abd Wed, Nawfal Ibn `Abdullâh et Dharar Ibn Al-Khattâb, conduits `Ikrimah Ibn Abî Jahl, donnant un coup d'éperon à leurs coursiers, réussirent à franchir le fossé et galopèrent avec vantardise devant leur ennemi. `Amr avançant son cheval fièrement vers les Musulmans, les défia à un combat en duel. Abû Sufiyân et Khâlid Ibn al-WAlid attendaient de l'autre côté de la tranchée l'issue du combat

Ali remporte la Victoire

A la vue de `Amr les Musulmans furent frappés d'une terreur profonde et s'immobilisèrent. Aucun d'entre eux ne prit le risque de s'avancer pour relever le défi, car cet homme était très célèbre pour sa force et reconnu parmi les Arabes comme étant égal à mille adversaires. Le Prophète demanda aux compagnons éminents d'avancer. Personne, excepté `Ali, ne se leva. Mais le Prophète lui intima l'ordre d'attendre. De nouveau `Amr mugit et de nouveau Ali s'apprêta à s'avancer, mais fut retenu par le Prophète. A son troisième appel de défi, demandant aux Musulmans sur un ton sarcastique si aucun d'entre eux ne désirait gagner le Paradis en tant que martyr, là encore personne ne répondit au défi, sauf Ali qui s'avança impatiemment. Cette fois-ci le Prophète ne s'opposa pas, et posant son turban sur la tête de Ali et sa cotte de mailles sur son corps, il l'arma de sa propre épée, Thulfiqâr, et le laissa aller à la rencontre de l'adversaire. "C'est un combat entre la Foi et l'infidélité, l'incarnation du désir de la première d'écraser complètement la seconde", s'exclama le Prophète lorsque `Ali, l'illustre héros s'avança vers `Amr Ibn `Abd Wudd, le célèbre géant des infidèles. Puis, levant ses mains vers le ciel, il pria : "Ô Dieu ! `Obaydah, mon cousin me fut enlevé dans la bataille, de Badr, et Hamzah, mon oncle, lors de celle d'Ohod. Par Ta Miséricorde ! Ne me laisse pas seul et sans défense. Epargne Ali pour qu'il me défende. Tu es le Meilleur des défenseurs".

Lorsque les deux hommes (`Amr et `Ali) se mirent face à face, `Amr dit à Ali : "Neveu ! (Car il était un ami d'Abû Tâlib, le père de `Ali) Par Dieu, je ne voudrais pas te mettre à mort". Ali répliqua : "Mais par Allah, je suis là pour te tuer". Enragé par cette réponse, `Amr descendit immédiatement de son cheval, et lui coupant les jarrets, pour vaincre ou mourir, il s'avança vers `Ali. Ils engagèrent le duel immédiatement, et tournant chacun autour de l'autre pour le prendre de flanc, ils soulevaient une telle tempête de poussière qu'il était difficile de les distinguer. On n'entendait que le bruit de leurs coups d'épée. Enfin on entendit la voix de Ali criant "Allàh-u-Akbar" (Allah est le plus grand) en signe de victoire. Lorsque le sable se dissipa, on vit Ali posant son genou sur la poitrine de l'adversaire et coupant sa tête. Le Décret Divin que le Prophète avait vu écrit en lettres de Lumière Céleste dans les cieux, la nuit du Mi`râj, se réalisa là encore, comme dans bien d'autres occasions similaires.

Voyant le sort subi par leur héros renommé, les compagnons de `Amr dans cette entreprise malheureuse éperonnèrent leurs chevaux pour rebrousser chemin et fuir. Ils gagnèrent tous l'autre c6té de la tranchée, sauf Nawfal dont le cheval ne réussit pas le saut et qui tomba dans le Fossé. Submergé par une averse de pierres lancés par les Musulmans, il criait : "Plutôt mourir par l'épée que de la sorte". Ayant entendu ce cri, Ali sauta dans le fossé pour l'achever.

La SÅ“ur de `Amr Ibn `Abd Wed

Contrairement à la coutume, Ali n'ôta à `Amr ni son armure ni ses vêtements. Lorsque la sœur de `Amr vint voir le corps de son frère, elle fut frappée d'admiration pour la noble conduite de son adversaire, et lorsqu'elle apprit qui il était, elle devint fière de son frère pour avoir été vaincu par celui qui était connu comme l'Unique Héros de caractère sans tache.

Aussi s'exprima-t-elle dans les termes suivants : "Si son vainqueur était une autre personne que celui qui l'a tué effectivement, je pleurerais la mort de `Amr toute ma vie. Mais (je suis fière de savoir que) son adversaire était l'unique héros irréprochable".

La Vaillance de Ali Exaltée par le Prophète

Le toujours victorieux `Ali, le "Lion d'Allah", se signala, là encore, par son courage, comme dans les batailles de Badr et d'Ohod. Le Prophète déclara à cet égard que les actes héroïques de Ali dans le combat, le "Jour du Fossé" étaient plus méritoires que les actes de piété accomplis jusqu'à la fin de ce monde par ses adeptes.



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