La bataille du Fossé et le rôle des juifs



La Dernière Tentative de l'Ennemi

Ce jour-là, l'ennemi ne tenta plus rien; mais il se livra à de grands préparatifs pendant la nuit. Khâlid tenta vainement avec un groupe de cavaliers de franchir la tranchée. Le lendemain matin, les Musulmans découvrirent toute la force de l'ennemi déployée tout au long du retranchement. Les combattants ennemis essayèrent par tous les moyens de gagner le côté musulman du retranchement, mais échouèrent sur toute la ligne. La tranchée remplit bien sa mission; elle ne put être traversée, et pendant toutes les opérations, cinq Musulmans seulement furent tués. L'ennemi, malgré son grand nombre, était paralysé par la vigilance des postes avancés des Musulmans. Il prétendit considérer la tranchée comme un subterfuge sans mérite, étant un artifice étranger auquel aucun Arabe n'était familier.

L'infidélité des Juifs de Quraydhah

Entre temps, Abfl Sufiyân demanda aux Juifs de Quraydhah de tenir leur engagement de participer à l'attaque générale le jour suivant; mais les Juifs eurent des soupçons sur les Quraych et leurs alliés, et craignirent que si par malheur le combat ne s'engageait pas, les assiégeants pourraient se retirer tranquillement en les laissant à leur propre sort. Pour être à l'abri d'une telle éventualité, ils demandèrent que les Quraych leur laissent quelques otages à titre de garantie, et prétextèrent leur Sabbat pour ne pas combattre le jour suivant. Cette attitude suscita à son tour la méfiance des Quraych qui soupçonnèrent les Juifs de leur avoir demandé des otages dans le seul but de les remettre à Mohammad qui leur assurerait la paix en contrepartie. Abh Sufiyân et les chefs des confédérés furent ainsi grandement découragés. Leur espoir si longtemps centré sur les Juifs de Quraydhah pour qu'ils attaquent dans la ville même l'arrière de l'armée du Prophète tourna à présent en une crainte de l'attitude hostile et traîtresse de ces mêmes Juifs.

Troubles dans le Camp de l'Ennemi

Démoralisés par la perte de leur commandant le plus courageux, `Amr Ibn `Abd Wud, et inquiets qu'ils étaient après deux tentatives vigoureuses mais infructueuses, les Quraych et leurs alliés n'avaient plus le courage de tenter une nouvelle attaque générale. Aussi la discorde commença-t-elle à les opposer les uns aux autres. Les bédouins n'avaient plus de fourrage pour leurs chevaux et leurs chameaux qui mouraient chaque jour en grand nombre. Les provisions commencèrent à manquer cruellement. Surtout le mauvais temps les indisposait d'une façon intolérable. La nuit leur apportait froid glacial et tempête. Un orage de vent et de pluie faisait soulever le sable qui les frappait en plein visage, renversait leurs tentes, éteignait leurs feux, projetait leurs ustensiles et faisait fuir leurs chevaux. Ils prétendirent que tout cela était dû à la magie noire et à la sorcellerie de Mohammad qui ne tarderait pas à tomber sur eux avec toutes ses forces. Ils étaient ainsi frappés de terreur.

Le Prophète resta occupé à des prières ferventes pendant les trois derniers jours, implorant l'aide du Tout Puissant Allah dans les termes suivants : "Ô Seigneur ! Révélateur du Livre Sacré, Toi Qui es prompt dans Tes comptes : Déroute l'armée des confédérés ! Mets-les en déroute, et fais-les trembler, Ô Seigneur !". La quatrième nuit, ayant terminé ses prières, il demanda à Abû Bakr s'il voulait bien se rendre dans le camp de l'ennemi pour surveiller leurs activités. Abi Bakr répondit : "Je demande pardon à Allah et à Son Prophète". Le Prophète promit alors le Paradis à quiconque accepterait de prendre ce risque, et il se tourna vers `Omar, lequel s'excusa de la même façon. La troisième personne à laquelle le Prophète s'adressa fut Huthayfah, qui accepta sur-le-champ, et se rendit dans le camp de l'ennemi à la faveur de la nuit. Il put constater les ravages faits par la tempête et voir Abû Sufiyân sombrer dans une très mauvaise humeur. Il revint à son camp et rapporta au Prophète en détail tout ce qu'il avait vu chez l'ennemi. Le Prophète fut très content de sentir que son appel à Allah avait été satisfait. "Ô vous qui croyez ! Souvenez-vous des bienfaits d'Allah envers vous : lorsque les armées marchèrent contre vous, Nous avons envoyé contre elles un ouragan et des armées invisibles. Allah voit parfaitement ce que vous faites" (Sourate al-Ahzâb, verset 9).

L'Ennemi Lève le Siège

Indisposé soit par la sévérité du climat soit par la terreur que lui inspirait la manifestation de la Colère du Ciel, Abû Sufiyân décida précipitamment de lever le siège et de retourner à ses bases de départ une fois pour toutes. Convoquant les chefs des alliés, il leur fit connaître sa décision. Donnant l'ordre de lever le siège imposé au camp, et montant immédiatement sur son chameau, il prit rapidement le chemin de la Mecque, suivi par ses années. Khâlid fut chargé, avec deux cents chevaliers, de garder l'arrière des armées et de les protéger contre toute poursuite. Les Ghatafân et les alliés bédouins se retirèrent vers les déserts. Au matin, personne ne se trouvait plus dans le camp.

Ce fut une grande joie pour les Musulmans de découvrir ce matin-là la soudaine disparition de l'ennemi et le dégagement inattendu de leur camp. Ils démolirent ce camp dans lequel ils avaient tant souffert du siège pendant les vingt-quatre derniers jours des mois de Chawwal et Thilqa`dah, de l'an 5 de l'hégire (ou de Février - Mars, 627, A.J.-C.), et dès qu'ils reçurent la permission du Prophète de quitter le terrain mitoyen de la colline de Sila, ils se dispersèrent sans tarder pour gagner leurs domiciles.

Les Banû Quraydhah

Tout de suite après le retour du Prophète du retranchement, et alors qu'il était en train de se laver les mains et le visage, après avoir 8té son armure, dans la maison de sa fille bien-aimée, Fatima, chez laquelle il avait l'habitude de se rendre avant de regagner sa propre maison à son retour de chaque expédition ou voyage, l'Ange Gabriel lui apporta l'ordre de se diriger immédiatement vers les Juifs de Quraydhah. Le Prophète y envoya sur-le-champ Ali avec son Etendard, et il l'y suivit avec son armée pour assiéger la forteresse des Juifs, lesquels, ne s'attendant pas à un tel siège, commencèrent à en souffrir rapidement. Aussi songeaient-ils à capituler, mais leur récente trahison n'était pas encore oubliée. Elle avait causé la plus grande anxiété aux Musulmans jusqu'à la veille. S'ils avaient attaqué l'arrière des lignes musulmanes conformément à leur pacte avec les Quraych, ils auraient provoqué la faillite totale des Musulmans. Comme nous l'avons déjà dit, personne, se trouvant à la place du Prophète pendant les jours du retranchement, n'aurait été capable d'oublier leur trahison.

C'était donc à leur tour de souffrir des conséquences de leur comportement déloyal. Le Prophète refusa de leur faire aucune confiance. Cependant, lorsqu'ils le prièrent de permettre à Abû Lobâbah, de la tribu d'Aws - dont ils exaltèrent l'ancienne amitié avec eux - de leur rendre visite et de discuter avec eux, le Prophète accepta de bon cœur de leur accorder cette faveur. Abû Lobâbah alla chez eux et se concerta avec eux, non pas avec sa langue, mais symboliquement avec ses mains en dessinant des gestes sur sa gorge pour leur signifier qu'ils étaient condamnés et qu'ils devaient agir désespérément.

Mais leur conscience coupable ne leur permit pas d'agir avec lucidité. Finalement, après vingt-cinq jours de siège, ils offrirent de se rendre à condition que Sa`d Ibn Mo`âth, le chef de leurs alliés - les Banî Aws - fût désigné pour décider de leur sort. Le Prophète accepta leur reddition. Ils sortirent donc comme prisonniers et Sa`d fut convoqué pour prendre une décision sur le sort qui leur serait réservé. Sa`d, qui avait été grièvement blessé dans la bataille du Fossé, était en traitement. Lorsqu'il apparut à dos de mulet, affaibli et éreinté, soutenu par ses amis, mais le visage toujours majestueux et imposant, il fut vite entouré par les hommes de sa tribu qui le poussaient à traiter les prisonniers avec indulgence, lui rappelant leur amitié et les services qu'ils avaient rendus de temps en temps, comme dans les batailles de Bo`ath. Quand il s'approcha, le Prophète lui commanda de prononcer son jugement sur les Banî Quraydhah. Sa`d se tourna vers les siens qui n'avaient pas cessé de l'inciter à faire preuve de miséricorde envers les Juifs, et leur demanda s'ils étaient disposés à accepter solennellement ce qu'il déciderait. Après avoir entendu un murmure général de consentement, Sa`d décréta que les captifs mâles devraient être passés par l'épée, leurs femmes et enfants vendus comme esclaves, et leurs biens confisqués et divisés entre les assiégeants. Cette sentence fut exécutée.

Le chef des Nadhirites, Hoyay Ibn Akhtab, celui qui s'était rendu coupable d'inciter les Quraydhah à rompre le pacte de neutralité conclu avec le Prophète, et donc de leur causer cette calamité, fut parmi les tués, tout comme Ka`b Ibn Asad, le chef des Quraydhah.

Zaynab Bint Johach

Zaynab, une fille d'une beauté extraordinaire, était la fille d'Aminah, fille `Abdul-Muttalib, le grand-père du Prophète. Elle était donc une cousine de Mohammad qui l'avait éduquée quand elle était jeune fille, sous son contr6le personnel. Lorsqu'elle devint une femme, le Prophète lui proposa de se marier avec Zayd, l'esclave affranchi qu'il considérait avec une affection paternelle. Elle refusa tout d'abord ce mariage, mais finit par y consentir plus tard. Toutefois, elle n'était guère heureuse dans son mariage, et son mari la traitait avec dédain. Chaque; jour des querelles éclataient entre eux, et Zayd se plaignit d'elle auprès du Prophète auquel il exprima son désir de la répudier.

Le Prophète l'en dissuada. A la longue, Zayd ne pouvant plus supporter la situation, il se sépara d'elle, en l'an 5 de l'hégire. Pensant être la cause du malheur de sa cousine qu'il avait mariée contre sa volonté, le Prophète se sentait mal à l'aise et la dédommagea en l'épousant lui-même.

Il convient de noter ici qu'un esclave était toujours considéré avec mépris par son maître et par le grand public, et il n'obtenait pas en général un statut d'égalité avec eux-mêmes après son affranchissement. Que dire alors du mariage mixte ! En mariant sa propre cousine à Zayd, le Prophète avait donné un exemple aux gens pour qu'ils ne traitent pas un esclave comme un être dégradé ou inférieur. En outre, beaucoup de coutumes avilissantes prévalaient en Arabie avant l'avènement du Prophète. Par exemple, le fils le plus âgé héritait de son père ses veuves. De plus le fils adoptif héritait de tous les biens et titres de son père adoptif resté sans progéniture de lui-même, privant ainsi tous les autres héritiers légitimes de son héritage. Les gens étaient en somme plongés profondément dans la cruauté et le vice. L'infanticide féminin n'était pas considéré comme un crime pour eux. C'est pour condamner et abolir de tels vices et immoralités et mettre fin à la torpeur spirituelle que le Prophète naquit en Arabie. Et le voilà qui reçoit présent, du Seigneur Suprême, cet ordre : "Et quand Zayd eut cessé tout commerce avec son épouse, Nous te l'avons donnée pour femme afin qu'il n y ait pas de faute d reprocher aux Croyants au sujet des épouses de leurs fils adoptifs quand ceux-ci ont décidé une affaire nécessaire les concernant. L'ordre de Dieu doit être exécuté" (Sourate al-Ahzâb, 33 :37), ordre d'épouser Zaynab afin de donner aux Musulmans un exemple pour qu'ils ne traitent plus un fils adoptif comme un fils réel. Par conséquent, le Prophète épousa Zaynab Bint Johach après le délai requis à la suite de sa séparation d'avec Zayd.

 



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