L’apport du prophète Mohammad et des Imâms à la médecine traditionnelleDe la prévention par l’alimentation
"Mangez et buvez ; et ne commettez pas d’excès" (Coran ; 7:31) En tant que guide des musulmans, le prophète Mohammad et les douze Imâms du chiisme ne se sont pas seulement limités à assurer la guidance spirituelle de leur adeptes, mais ont également transmis de nombreux principes et conseils concernant la vie matérielle et la santé du corps ; ce dernier étant un "dépôt" que l’homme a la charge de préserver, la "monture" de l’âme sans laquelle la vie et le perfectionnement spirituel qu’elle permet serait impossible. Dans cette optique, un corps sain contribue à avoir un esprit sain, et à mieux se concentrer sur sa progression spirituelle. Dans ce sens, la santé a été hautement valorisée dans les traditions prophétiques et imâmites, l’Imâm ’Ali déclarant qu’"il n’y a pas de plus beau vêtement que la santé" [1], tandis que l’Imâm Sâdeq rappelle que "la santé est une grâce cachée. On l’oublie lorsqu’elle est présente, et on s’en rappelle lorsqu’elle est défaillante." [2] Dans différentes circonstances et notamment lorsqu’ils étaient confrontés à la maladie de leurs proches ou disciples, le Prophète et les Imâms ont prodigué de nombreux conseils pour guérir certaines douleurs en utilisant des ingrédients naturels. L’essentiel de leurs enseignements est néanmoins constitué de ce que nous pourrions qualifier de "conseils préventifs", destinés à adopter une hygiène alimentaire et de vie saine afin de se prémunir des maladies. L’ensemble de ce corpus a posé les bases d’une véritable "médecine musulmane" qui sera largement reprise par de nombreux grands médecins et penseurs après eux. Cet aspect de leur enseignement révèle également la précision de leurs connaissances à la fois sur les propriétés des différents aliments et le fonctionnement du corps. Les enseignements du prophète Mohammad ont pour la plupart été rassemblés dans l’ouvrage Tibb al-Nabi par Soyouti. Parmi les enseignements des Imâms qui nous sont parvenus, ceux des Imâms Sâdeq et Rezâ comptent parmi les plus riches dans ce domaine. L’Imâm Sâdeq a notamment accordé une attention particulière à la médecine et à la physiologie humaine, en exposant de nombreux principes et règles de vie permettant de préserver sa santé non seulement corporelle, mais aussi celle de son âme. L’Imâm Rezâ est l’auteur d’une Risâlat al-Zhahabiyya (Traité doré) où il présente de manière détaillée le fonctionnement du corps humain et de ses systèmes circulatoires. De nombreuses pages sont consacrées à des conseils permettant d’avoir un corps sain, en mettant un accent tout particulier sur l’hygiène et la nourriture, qui doit être équilibrée et adaptée en fonction des saisons et de l’âge. [3] Les propos de l’ensemble des Imâms touchant au domaine de la médecine ont été rassemblés dans un grand ouvrage intitulé La médecine des Imâms, aujourd’hui disparu. Néanmoins, de nombreux fragments ont été rapportés dans le monumental recueil de hadiths Bihâr al-Anwâr de ’Allâmeh Majlessi, ainsi que dans Wasâ’il al-Shi’a de Horr ’Ameli. [4] Nous en trouvons également des extraits dans Al-Tawhid de Al-Mufaddal. [5] De nombreuses paroles du Prophète et des Imâms abordent des principes généraux permettant un mode de vie sain, en insistant particulièrement sur le respect des règles d’hygiène et la façon de se nourrir. Le Prophète incite ainsi à manger peu [6] et l’Imâm ’Ali souligne que "la faim et la maladie sont inconciliables". [7] A l’inverse, les effets néfastes – tant physiques que psychologiques - de la gloutonnerie sont mis en relief, l’Imâm Sâdeq soulignant qu’elle suscite dureté du cœur et attise les passions [8], tandis que l’Imâm ’Ali établit un lien de causalité entre le fait de manger abondamment et une perte de perspicacité. [9] La consommation abondante d’eau, surtout après avoir consommé des aliments gras, est également déconseillée. [10] De nombreux hadiths traitent également de la façon de prendre un repas : il est recommandé de se laver préalablement les mains [11], de commencer le repas avec une pincée de sel [12] , de bien mastiquer les aliments [13], et de réduire ses repas du soir. [14] De manière générale, l’approche des Imâms par rapport à la santé est avant tout préventive, et vise donc avant tout "à prévenir plutôt qu’à guérir". De nombreux hadiths incitent néanmoins la personne malade à se soigner en cas de maladie, en soulignant que Dieu "n’a fait descendre aucune douleur sans qu’Il n’ait amené avec elle un remède, sauf la mort et la vieillesse" [15], tout en invitant à éviter toute précipitation dans la prise de médicament : "Ovite les médicaments tant que ton corps supporte la maladie mais s’il ne la supporte plus, alors le médicament s’impose" [16], et en rappelant que la faim est le plus bénéfique des remèdes. [17] Concernant la façon de soigner des Imâms, elle peut être résumée à cette parole de l’Imâm Sâdeq : "Je soigne le chaud par le froid et le froid par le chaud, l’humide par le sec et le sec par l’humide. Je renvoie toute chose à Dieu Tout-Puissant et j’applique ce que Son messager a dit : "Sache que l’estomac est la maison du mal et la prévention [c’est-à -dire ne pas manger ce qui est nuisible] est le médicament", et je ramène le corps à ce à quoi il était habitué." [18] Nutrition et prévention au cœur de la médecine prophétique et imâmite
Le principe de base sur lequel repose les enseignements médicaux du Prophète et des Imâms est donc le suivant : le ventre est à l’origine de tous les maux et maladies ; il convient par conséquent d’apporter une grande attention à la nourriture tant sur le plan de la quantité que de la qualité. "Que l’homme considère donc sa nourriture" [19] (80:24).
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