Récit de l’entrée de Mûsâ (as) dans Madian et de sa rencontre avec Shu‛ayb (as) au regard du Coran et des hadiths



Tabarsî et les autres rapportent de Salama ibn Dînâr : « Lorsque Mûsâ (as) se met en route à la suite de la fille de Shu‛ayb (as), il observe que de temps à autre, sous l’effet d’un vent énergique [secouant ses vêtements], les courbes du corps de la jeune fille apparaissent. Or, ce spectacle ne convient pas à Mûsâ (as) qui est de lignée prophétique et un homme fervent. C’est pourquoi il se voit contraint de baisser les yeux et d’éviter de regarder le corps de la jeune fille. Cependant, il ne résiste plus et dit à cette jeune fille : ‘Je marche devant et toi tu viens derrière moi. Si tu vois que je fais fausse route, jette une petite pierre au-devant de mes pieds pour m’orienter sur le bon chemin, car nous, fils de Ya‛qûb (as) ne regardons pas le dos des femmes.’ Sephora se place derrière Mûsâ (as) et ils reprennent leur chemin jusque chez Shu‛ayb (as). Â» Dieu dit dans le Coran : « Une des femmes vint à lui en s’approchant timidement. Elle dit : ‘Mon père t’appelle pour te récompenser d’avoir abreuvé nos bêtes.’ Â» (sourate Al-Qasas ; 28 : 25). Le pronom dans ihdâhumâ / إحداهما / l’une des deux, se rapporte à amra’atayn / امرأتين / les deux jeunes filles, et s’il rend le mot istihyâ’ / استحياء indéfini, c'est-à-dire sans alif ni lâm, c’est pour insister sur l’importance de la situation. Ce qui désigne que sa démarche est istihyâ’ / استحياء, c’est le fait que sa pudeur et sa chasteté transparaissent dans sa façon de marcher. Le mot mâ / ما dans la phrase liyajziyaka ‘ajra mâ saqayta lanâ / ليجزيك أجر ما سقيت لنا à l’infinitif donne ce sens à la phrase : « Notre père te fait mander afin de te rétribuer pour avoir abreuvé nos moutons. Â»

Est-ce que le vieillard de Madian était bien Shu‛ayb (as) ?

Jusqu’ici, nous n’avons pas parlé du nom de ce vieil homme madianite au cÅ“ur ardent qui, à cause de son grand âge, ne peut faire paître lui-même ses moutons ni les emmener au puits. La raison incombe aux divergences à ce propos entre les historiens et les exégètes : la plupart d’entre eux croient qu’il s’agit de Shu‛ayb (as) le prophète, qui était célèbre avant ces événements. D’autres, comme Sa‛îd ibn Jabîr, rapportent qu’il s’agit de Yathrûn, ou Yatrûn, ou Yathra (9) , le frère de Shu‛ayb (as). Shu‛ayb (as) est mort avant lui et est enterré entre la source de Zamzam et la station d’Ibrâhîm (as), auprès de la Ka‛ba. Ibn ‘Abbâs rapporte également qu’il s’agit du frère de Shu‛ayb (as), qui se nomme Yathrûn. D’un autre côté, certains pensent que Shu‛ayb (as) est né des années, voire des siècles avant Mûsâ (as), et qu’ils ne sont donc pas contemporains. Selon des hadiths rapportés des Gens de la demeure prophétique (as), la première version semble être la plus probable.

La rencontre entre Mûsâ (as) et Shu‛ayb (as), et l’hospitalité de Shu‛ayb (as)

Shu‛ayb (as) accueille Mûsâ (as) chaleureusement et lui dit : « Ne sois en aucune façon inquiet au sujet du tort causé par les tyrans dont tu t’es libéré. Cette ville se trouve hors de la juridiction du pouvoir des tyrans pharaoniens. Â» Mûsâ (as) narre pour Shu‛ayb (as) ce qui lui est arrivé. Shu‛ayb (as) le réconforte et lui dit : « Ne souffre pas de l’exil et de la solitude, tout s’arrange, à la grâce de Dieu. Â» Mûsâ (as) comprend qu’il se trouve auprès d’un grand maître duquel jaillissent des fontaines de savoir et de connaissance, et Shu‛ayb (as) pressent qu’il se trouve face à un élève méritant et pur.

Ce qui est intéressant est que l’on rapporte qu’au moment où Mûsâ (as) arrive chez Shu‛ayb (as), ce dernier est auprès de la nappe en train de manger. Lorsqu’il voit Mûsâ (as) (ce jeune étranger inconnu), il dit : « Assieds-toi, mange de cette nourriture. Â» Mûsâ (as) dit : « A‛ûdhu bil-Lâh / Que Dieu m’en préserve. Â» Shu‛ayb (as) lui dit : « Pourquoi dis-tu cela ? N’as-tu pas faim ? Â» Mûsâ (as) répond : « Si bien sûr, j’ai faim, mais je crains que tu considères cette nourriture comme mon salaire pour avoir aidé tes filles à abreuver les moutons, or je fais partie d’une famille qui n’échange l’acte destiné à l’autre monde contre aucune chose de ce monde, fût-ce de l’or pur. Â» Shu‛ayb (as) dit : « Non, ce n’est pas dans mon intention, au contraire, il est de mon habitude de faire montre de respect envers un invité. Â» Mûsâ (as) prend alors place auprès de la nappe, et mange. (Bihâr al-Anwâr, Vol. 13, pp. 21 et 58). Sur ces entrefaites : « Une des deux femmes dit : ‘Ô mon père ! Engage-le à ton service, moyennant salaire. Il est vraiment le meilleur de ceux que tu pourrais engager. Il est fort et digne de confiance.’ Â» (sourate Al-Qasas (Le récit) ; 28 : 26). Shu‛ayb (as) répond : « Sa force s’est montrée quand il a ôté seul la grosse pierre de l’orifice du puits et a tiré de l’eau à l’aide du grand dalou, mais comment connais-tu sa probité ? Â» La jeune fille répond : « En chemin, il m’a dit : ‘Viens derrière moi afin que le vent ne soulève pas ton vêtement’, ce qui est la preuve de sa chasteté, de sa pureté et de sa probité. Â» (Bihâr al-Anwâr, Vol. 13, pp. 58 et 59). Une jeune fille ayant été éduquée dans le giron d’un grand prophète (as) doit s’exprimer ainsi, avec courtoisie et justesse, elle doit, succinctement et avec le moins de paroles possible, délivrer une parole véridique. D’où cette jeune fille sait-elle que ce jeune homme est à la fois fort et bienfaisant, alors qu’elle l’a vu pour la première fois auprès du puits et qu’elle ne sait rien sur lui ni sur sa vie ?

La réponse à cette question est claire : elle a réalisé sa force au moment où il a écarté les bergers du puits afin de payer leur droit aux opprimés et qu’il a seul ramené le dalou du fond du puits. Quant à sa probité, elle s’est manifestée lorsqu’en chemin vers la demeure de Shu‛ayb (as), il s’est montré insatisfait de voir cette jeune fille marcher devant de lui, car le vent risquait de soulever ses vêtements. Ses deux vertus apparaissent en sus dans le récit sincère de ses aventures qu’il fait à Shu‛ayb (as), sa force étant révélée par son combat contre les Egyptiens, et sa probité dans le fait que jamais il n’a composé avec les oppresseurs, ni n’a fait bonne figure face à eux. La phrase inna khayra mani ista’jarta… / إن خير من استأجرت / « Il est vraiment le meilleur… Â» mentionne la cause de ista’jirhu / استاجره / traduire, qui provient de l’emploi du sujet de la cause à la place de l’objet, d’où la reconnaissance des mérites de Mûsâ (as) apparaissant dans le verset : « Il est fort et digne de confiance. Â» (sourate Al-Qasas (Le récit) ; 28 : 26). Si la fille de Shu‛ayb (as) présente Mûsâ (as) en tant qu’homme fort et probe, cela indique que cette jeune fille a observé sa force dans sa manière d’abreuver les moutons, et sa probité dans sa manière de s’adresser à elle et à sa sÅ“ur, mais aussi parce que la situation a stimulé sa ghayra (10) quand il les a aidé à abreuver leurs moutons. De même, dans ses manières en chemin vers la maison de son père, elle a vu des choses qui lui ont fait comprendre combien Mûsâ (as) est probe. Tout ceci montre que la personne qui dit : « â€˜Ã” mon père ! Engage-le à ton service, moyennant salaire. Il est vraiment le meilleur de ceux que tu pourrais engager. Il est fort et digne de confiance’ Â» (sourate Al-Qasas (Le récit) ; 28 : 26), est bien cette jeune fille qui a été envoyée à Mûsâ (as) par son père afin de l’inviter à la maison, ce que confirment les hadiths des Imâms des Gens de la demeure prophétique (as) et qui correspond à l’avis de la plupart des exégètes.

Deux conditions importantes pour une direction intègre

La courte phrase rapportée de la fille de Shu‛ayb (as) dans les versets précédents qui relatent la façon dont Mûsâ (as) se trouve embauché, résume d’une manière sommaire et concise les conditions les plus importantes et les plus essentielles propres à la direction : la force et la probité. Il est évident qu’il n’est pas ici uniquement question de force corporelle, mais aussi de capacité à assumer des responsabilités. Un médecin capable et probe est un médecin qui dispose d’une connaissance conséquente et qui la maîtrise parfaitement. Un directeur capable est un individu connaissant bien l’étendue de sa fonction, qui est informé à propos des objectifs, qui maîtrise la mise en Å“uvre d’un programme, prend des initiatives et dispose de l’habileté nécessaire à l’organisation de tâches diverses. Il définit les objectifs et mobilise les forces nécessaires à leur réalisation. Il doit être en même temps compatissant, bienveillant, probe et bienfaisant. Ceux qui, délégant les responsabilités et les tâches, se satisfont uniquement de la probité et de la pureté sont autant dans l’erreur que ceux qui considèrent que le fait d’avoir une spécialité suffit à accepter une responsabilité. Les « spécialistes doublés de traîtres et les savants malhonnêtes Â» font autant de mal que « les bienfaisants ignorants Â» ! Si nous voulons détruire un pays, il faut en confier les affaires à l’un de ces deux groupes : les directeurs qui sont des traîtres et les purs qui sont incapables de prendre des décisions sont du même acabit ! La logique de l’islam veut que chaque action soit confiée à des gens forts, capables et probes, afin que l’ordre social soit mis en place. Si nous nous penchons sur les causes de la disparition des souverainetés au cours de l’histoire, nous verrons que le facteur principal est d’avoir confié le travail à l’un des deux groupes cités. Il est intéressant de voir que dans le programme de l’islam, le savoir et la piété vont partout de pair. Celui qui est une source d’imitation pour les autres (11) doit à la fois être un mujtahid (12) et un homme juste, le juge et le guide doivent être à la fois des mujtahid et des hommes justes (bien entendu, à côté de ces deux conditions, il existe également d’autres conditions, mais ces deux-là forment la base, l’essentiel : le savoir et la connaissance associés à la justice et à la piété).

Le mariage de Mûsâ (as) à la fille de Shu‛ayb (as)



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