L'expédition de Motah, la conquête de la Mecque et d'autres événements



La conversion de Khâlid Ibn Al-WAlid et de `Amr Ibn Al-`Âç

Etant donné que Maymûnah appartenait aux hauts cercles de la noblesse mecquoise, à la fois par naissance et par liens familiaux, le Prophète s'était attendu à la croissance de son influence par son mariage avec elle, et avait donc accepté volontiers la proposition de son oncle `Abbâs, et il ne fut pas déçu. Une autre sœur de Maymûnah était mariée à Moghîrah, un chef parmi les nobles de la Mecque (mais il était un infidèle exécrable, comme y fait allusion le Coran (Sourate al-Muddathir, versets l1-26). C'est après le mariage de sa cousine Maymûnah avec le Prophète, que Khâlid Fils de WAlid se repentit, la huitième année de l'Emigration, et entra dans la nouvelle religion. Ces deux hommes avaient été jusque là des opposants résolus du Prophète et de sa foi. Khâlid avait pris une part active contre le Prophète dans la bataille d'Ohod, et dirigé sans succès plusieurs tentatives pour briser la ligne de retranchement des Musulmans dans la Bataille du Fossé. `Amr Ibn al-`Âç avait souvent usé de ses talents poétiques en défaveur et au détriment du Prophète ("Lorsque le Prophète annonça pour la première fois sa Mission, ce jeune homme (`Amr Ibn Al-`Âç) composa à son encontre des satires et des madrigaux humoristiques qui étaient du goût poétique des Arabes et qui eurent une large diffusion. Ils entravèrent, plus que la pire persécution, la croissance de l'Islam"). Chacun de ces deux hommes deviendra une figure de proue de l'histoire de l'Islam.

La Chaire

Jusqu'ici, le Prophète prononçait ses sermons en s'appuyant sur un tronc de palmier enfoncé dans le sol du masjid. Au cours de la huitième année de l'Hégire, une chaire à trois marches fut préparée pour cet usage. Désormais, pour faire ses sermons, il s'asseyait sur la marche supérieure de la chaire et posait ses pieds sur la marche inférieure. Lorsque Abû Bakr accéda au Califat, il s'assit sur la marche moyenne, plaçant ses pieds sur la première marche. Quand `Omar lui succéda, il s'assit sur la première marche en mettant ses pieds sur le sol. Son successeur, `Othmân suivit pendant six ans l'exemple de son prédécesseur, mais par la suite, il remonta de deux marches pour s'asseoir sur la marche supérieure que le Prophète avait l'habitude d'utiliser. Mu`âwiyeh rehaussa la chaire de trois étages supplémentaires pour en compter désormais six, et il se plaçait sur la marche supérieure.

La Campagne de Mo'tah

Après son retour du Pèlerinage (`Omrat al-Qadhâ') de la Mecque, le Prophète avait passé environ six mois à Médine lorsqu'il reçut la nouvelle de l'assassinat de son messager Hârith Ibn `Omayr qu'il avait envoyé porteur d'une missive pour le Gouverneur de Basra, l'invitant à embrasser l'Islam. Le messager avait été tué lors de sa halte à Mo'tah, par Charahbil, le Chef de Ma`ab ou Mo'tah. La triste nouvelle chagrina profondément le Prophète qui résolut de punir le chef fautif afin que ses ambassadeurs soient respectés dans l'avenir. Rassemblant, pour ce faire, une armée de trois mille hommes, au mois de Jumâdî-I de l'an 8 de l'Hégire (Sep. 629 A. J.-C.), le Prophète fit porter à son ex-serviteur affranchi une bannière blanche pour commander l'expédition, et lui donna l'ordre de presser le pas afin de surprendre le peuple de Mo'tah, de les appeler à l'Islam ou de les combattre au nom du Seigneur s'ils refusaient d'embrasser la Religion. Si, ordonna-t-il, Zayd venait à être tué dans la bataille, Ja`far (le frère de `Ali) devrait prendre le commandement, et si ce dernier venait à être tué à son tour, `Abdullah Ibn Rawaha devrait le remplacer, et au cas où celui-ci tomberait lui aussi, l'armée devrait choisir quelqu'un dans ses rangs pour assumer le commandement. Cet ordre s'avérera être une prophétie.

En effet, arrivé à Ma`an, Zayd fut informé que l'Empereur romain Héraclius campait à Ma`ab, sur le territoire de Belqa, avec une armée forte de cent mille combattants. En fait c'était Théodorus, le frère de Héraclius, qui se trouvait à la tête d'une force formidable renforcée par les hommes que Charahbil avait recrutés chez les tribus voisines pour venir à son aide, après avoir appris la nouvelle de l'expédition musulmane. Zayd fit halte à Ma`an où les chefs de l'armée musulmane discutèrent, pendant deux jours entiers, des difficultés de leur position. Beaucoup d'entre eux suggérèrent d'informer le Prophète de la situation et d'attendre ses instructions. Toutefois, `Abdullah Ibn Rawahah s'opposa à cette solution et recommanda une avance immédiate. Il dit : "Est-ce que nous devons compter sur notre nombre ou sur l'aide du Seigneur, le Tout-Puissant ? Nous combattons pour le Seigneur et dès lors nous ne pourrons jamais être des perdants. Victoire ou Martyre ! Nous devrons avoir l'un ou l'autre. Aussi il n'y a pas à hésiter, il faut foncer". Encouragés par ce discours ardent, ils crièrent tous d'une seule voix : "Par Dieu ! Le fils de Rawahah a dit la vérité. Avançons". L'armée se mit donc en marche.

L'état désastreux de l'armée Musulmane

S'approchant de Mo'tah, les Musulmans se trouvèrent face-à-face avec l'ennemi. L'armée romaine prit l'offensive et la bataille fut déclenchée. Zayd conduisant en avant sa colonne, le drapeau à la main, se battit courageusement jusqu'à ce qu'il fût tué. Il avait cinquante-cinq ans. Le drapeau fut rapidement ramassé par Ja`far qui descendit de son cheval qu'il estropia sur-le-champ, geste qui signifiait qu'il décidait de se battre jusqu'à la mort ou la victoire. Il conduisit en avant ses hommes pour attaquer, mais son corps fut rapidement couvert de blessures. Il continua à se battre vaillamment jusqu'à ce qu'il s'accrochât avec quelques Romains et qu'il perdît sa main droite. Il reprit le drapeau dans sa main gauche qui fut, elle aussi, coupée. Il tint alors l'Etendard avec les restes mutilés de ses bras, mais il reçut vite un coup sur le crâne et tomba mort. Ensuite `Abdullah Ibn Rawahah redressa le drapeau, il connut lui aussi rapidement le même sort. On ne compta pas moins de quatre-vingt dix blessures, toutes du c6té face de son corps, lorsque Ja`far fut enterré avec Zayd Ibn Hârithah et `Abdullah Ibn Rawahah dans une seule et même tombe. Ja`far avait quarante et un ans lorsqu'il fut tué. Dès lors les chefs de l'armée musulmane, suivant les instructions du Prophète, se réunirent en un conseil urgent et élurent Khâlid pour assumer le commandement. Mais les chances de remporter un succès ou même de sortir honorablement, sans vainqueur ni vaincu, s'étaient déjà affaiblies, et les hommes avaient perdu courage. Ils avaient d'ores et déjà pris la décision de prendre la fuite. "Se mettant à leur poursuite, les Romains firent de gros dégâts parmi les fugitifs". Khâlid ne put que retirer du champ de bataille le reste dispersé de son armée avec le moins de pertes possibles, pour le sauver de la destruction totale. Il le conduisit directement à Médine.

Comme l'armée s'approchait de la ville, les gens sortirent à la rencontre des survivants, jetant sur leurs visages des poignées de sable et criant des reproches : "Vous avez fui ! Vous avez fui l'ennemi alors que vous combattiez pour le Seigneur". Toutefois, on dit que Khâlid avait reçu le titre de Sayfullâh ou "l'Epée de Dieu" à cette occasion. Lorsque Om Salma, la femme du Prophète, demanda un jour à la femme de Salama Ibn Hichâm Ibn Moghîrah pourquoi ce dernier n'était pas sorti même pour accomplir la prière avec le Prophète, elle lui répondit que les gens le taquinaient en le traitant comme un fugitif de Mo'tah, et que pour cela il s'abstenait de sortir de chez lui.

Les Lamentations du Prophète

Les péripéties de la bataille avaient été rapportées instantanément au Prophète à Médine, et il les avait transmises tout de suite à son entourage. Le jour même où Ja`far avait été tué, le Prophète était allé chez lui pour embrasser ses enfants tendrement et verser un flot de larmes en signe d'affliction. Asmâ', la femme de Ja`far, ayant deviné la vérité, s'était mise à gémir si bruyamment que les femmes s'étaient rassemblées autour d'elle. Le Prophète était retourné alors chez lui pour demander aux membres de sa propre famille d'envoyer la nourriture chez les Ja`far, parce que, avait-il dit, il n'y aurait pas de nourritures cuisinées là-bas étant donné que cette famille était plongée dans le chagrin causé par la perte de Ja`far. Le Prophète était allé par la suite visiter la famille de Zayd, et prenant la petite fille de Zayd dans ses bras, il pleura avec des sanglots. La fille pleurait d'amertume et à cette scène tout le monde fut ému. Quelqu'un dans l'assistance demanda, toutefois au Prophète : "Pourquoi cela ! Ô Prophète de Dieu ?" "C'est, dit-il, l'ardente affection qui s'agite dans le cÅ“ur d'un ami pour son ami". Le lendemain matin, le Prophète était entré en souriant dans le masjid, et lorsque les gens l'avaient accosté, il dit : "Hier, ce que vous avez vu sur moi était dû au chagrin que j'avais éprouvé pour le massacre de mes compagnons, mais par la suite je les ai revus au Paradis, confortablement installés, et j'ai vu un Ja`far avec deux ailes, comme les anges". Depuis lors, Ja`far est connu sous le nom de Ja`far al-Tayyâr ou Ja`far Thul-Janâhayn (le martyr ailé).

La Violation du Traité de Hudaybiyyah

En vertu du Traité de Hudaybiyyah, les Banû Khozâ`ah s'étaient déclarés alliés du Prophète alors que les Banfl Bakr, agissant sous la même autorité, se proclamèrent partisans des Quraych. Toutes les deux tribus habitaient des vallées contiguës à la Mecque, et un vieux conflit permanent existait en elles. Chaque clan brûlait d'envie de venger les assassinats commis par l'autre clan. Le Traité de Hudaybiyyah qui était entré en vigueur depuis bient6t deux ans stipulait que pendant les dix années à venir il ne devrait pas y avoir d'agressions commises de part et d'autre, c'est-à-dire d'une part le Prophète, de l'autre les Quraych. Mais certains notables des Quraych avaient dissimulé leurs alliés de Banf Bakr, qui attaquèrent pendant la nuit un campement, sans défiance, des Banî Khozâ ah, tuant quelques-uns d'entre eux. Les Khozâ`ites envoyèrent une délégation de quarante hommes au Prophète, lui demandant de punir les traîtres meurtriers. Le Prophète ressentit cet incident comme une violation du Traité de Hudaybiyyah, et promit de s'occuper de leur cause comme si elle était la sienne.

Lorsque les Quraych apprirent la nouvelle de la délégation, ils furent excessivement alarmés et députèrent Aba Sufiyân qui se rendit auprès de Mohammad pour remettre les choses sur la bonne voie et renouveler l'accord de paix. En arrivant à Médine, Abû Sufiyân était allé tout d'abord chez fille Om Habîbah, une femme du Prophète, sur laquelle il comptait beaucoup. Mais sa mortification commença à l'endroit même où il cherchait à réparer le tort, car à peine voulut-il s'asseoir sur un tapis dans sa maison qu'elle l'enleva en s'écriant : "C'est le lit du Prophète de Dieu et il est trop sacré pour être souillé par un idolâtre impur". Abû Sufiyân ressentit vivement l'humiliation dont il venait d'être l'objet, et maudissant sa fille, il quitta le lieu pour se rendre chez le Prophète à qui il donna quelques explications en vue de rétablir l'accord de paix, mais le Prophète ne voulant pas écouter ces explications, Abû Sufiyân ne put obtenir aucune assurance de sa part. Il sollicita ensuite l'intervention de Ali et d'Abû Bakr, mais eux aussi le renvoyèrent. Enfin il essaya d'obtenir la faveur de Fâtimah, la fille bien-aimée du Prophète et la femme de Ali, la suppliant de faire de son fils al-Hassan son protecteur. Fatima répondit qu'al-Hassan était trop jeune (il n'avait qu'environ six ans) pour prendre qui que ce soit sous sa protection, en ajoutant qu'aucune protection n'était valable contre la volonté du Prophète. Puis il retourna encore chez Ali, lui demandant de la conseiller dans sa mission ingrate. Ali lui dit qu'il (Abû Sufiyân) ne pouvait rien de plus que proclamer de la part des Quraych les relations amicales qu'ils désiraient maintenir et une continuation de sa propre protection en tant que chef des Quraych. Abû Sufiyân se leva dans la cour du masjid du Prophète et proclama à haute voix ce que Ali lui avait demandé de proclamer, et il retourna à la Mecque pour rapporter aux Quraych ce qu'il avait fait. Ces derniers le reçurent avec sarcasme et lui firent observer que sa proclamation n'était pas valable sans l'assentiment du Prophète. Ils dirent que Ali avait fait de lui un simple jouet. Abû Sufiyân répliqua qu'il savait cela, mais qu'il ne savait pas quoi faire d'autre.

Les Préparatifs en vue de la Conquête de la Mecque

La tentative avortée d'Abû Sufiyân de renouveler l'accord de paix confirma l'affirmation de la délégation Khozâ`ite et ne laissa aucun doute sur la culpabilité des Quraych. La violation des termes du Traité de Hudaybiyyah ayant été établie, le Prophète résolut de prendre la Mecque et les Mecquois par surprise. Il convoqua ses alliés de tous les quartiers de Médine, mais sans donner aucun détail sur les raisons particulières de cette réunion. L'objectif en resta secret. Un jour Abû Bakr, entrant dans la maison de sa fille `Âyechah, la trouva en train de préparer le fourniment du Prophète. L'interrogeant sur la raison de ces préparatifs, elle lui répondit qu'on projetait d'entreprendre bient6t une expédition mais dont elle ignorait la direction. Toutes les routes menant à la Mecque furent par la suite fermées afin de prévenir l'arrivée d'informations sur les mouvements du Prophète aux Quraych.



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