L'expédition de Motah, la conquête de la Mecque et d'autres événements



"Jetant un coup d'œil en bas, sur la plaine, il aperçut avec affliction et indignation les reflets des sabres et des lances, et Khâlid, qui commandait l'aile gauche, en pleine course de carnage. Ses troupes composées d'hommes de tribus bédouines, convertis à l'Islam, étaient exaspérées par une volée de flèches lancées par l'armée de Quraych. Là, le guerrier furieux, fonça sur le regroupement le plus dense de l'ennemi avec sa lance et son sabre, suivi rapidement par ses troupes qui mirent les adversaires en fuite, et traversèrent pêle-mêle avec eux les portes de la Mecque. Seuls les commandements du Prophète appelant à la modération purent préserver la ville d'un massacre général". Dans cette échauffourée, seulement vingt-huit Mecquois furent tués.

Amnistie Générale décrétée par le Prophète

Peu après, le Prophète remonta sur son chameau et se rendit directement au Sanctuaire de la Ka`bah où il fit les salutations rituelles à la pierre Sacrée, accomplit les sept tournées autour du Sanctuaire, et offrit les prières de dévotion. A la vue des chefs hautains et des autres Mecquois qui avaient voulu détruire sa Religion, toutes les souffrances et les blessures qu'ils lui avaient faites : leurs persécutions impitoyables, leur traitement brutal réservé à ses partisans et adeptes, les privations auxquelles ils l'avaient condamné, lui et les Hâchimites, en leur imposant le blocus et la proscription à Chi`b Abî Tâlib, les attentats à sa vie qu'ils avaient entrepris sans succès, la chasse à l'homme qu'ils avaient organisée en vue de l'assassiner et qui l'avait conduit à fuir de sa maison à la faveur de la nuit, tous ces souvenirs durent passer par sa mémoire à ce moment-là. A présent il avait le pouvoir de se venger de tous les maux qu'on lui avait infligés. La ville était à sa merci. Mais la magnanimité, la générosité et la patience dont fit preuve le Prophète alors ne sauraient retrouver un exemple similaire dans l'histoire : "A quoi pouvez-vous vous attendre de ma part ?" leur demanda-t-il. "La miséricorde ! O Noble et Généreux Maître ! ", Le supplièrent-ils. Les larmes perlèrent dans les yeux du Prophète, lorsqu'il les entendit crier miséricorde. "Je vais vous parler, leur dit-il, comme Joseph parla à ses frères. Je ne vais pas vous faire de reproches aujourd'hui : Dieu vous pardonnera, car IL est Miséricordieux et Affectueux. Allez, vous êtes libres !" Y a-t-il une attitude plus sublime ? (Que la Paix éternelle soit sur Mohammad et sur sa descendance).

La Destruction des Idoles de la Ka`bah

Il y avait trois cent soixante idoles tout autour de la Ka`bah. Le Prophète, pointant son bâton vers chacune d'elles, récita ce verset : "La vérité est venue, l'erreur étant périssable, a disparu" (Sourate Banî Isrâ'il, l7 :81) et les idoles tombèrent sur leur face. Les images d'Ibrahim, d'Ismâ`îl et des Anges, sous forme féminine, qui couvraient les murs de la Ka`bah, disparurent. La grande idole, appelée Hobal, considérée comme la déité de la Mecque, était fixée dans une position élevée et difficilement accessible. Pour la détruire, le Prophète incita Ali à monter sur ses épaules. Ali exécuta le désir du Prophète, monta sur ses épaules, arracha l'idole et la jeta par terre. Elle se brisa en éclats. Une proclamation fut faite dans les rues de la Mecque intimant l'ordre à quiconque croyait en Dieu et au Jour du Jugement de détruire toute image ou toute idole pouvant se trouver dans sa maison. Quelques personnes furent chargées de détruire les idoles dans les habitations avoisinant la Mecque.

L'Attribution des Postes relatifs à la Ka`bah

L'heure de la prière de midi étant venue, Ali, qui avait repris la clé du Sanctuaire à son ex-conservateur, `Othmân Ibn Talhah Ibn `Abd-al-Dar, la donna au Prophète, lequel ouvrit la porte, entra dans le Sanctuaire, et y accomplit les prières. Bilâl lança son appel à la prière du haut du toit du Sanctuaire. Après les prières, le Prophète rendit la clé miséricordieusement à `Othmân Ibn Talhah, lui réattribuant la garde de la clé, comme poste héréditaire et perpétuel. `Othmân fut si touché par la justice du Prophète qu'il embrassa volontiers l'Islam sur-le-champ, alors qu'il avait refusé au début de transmettre la clé à Ali, afin d'empêcher le Prophète d'accéder au Sanctuaire. Puis se tournant vers son oncle `Abbâs, le Prophète le confirma dans son poste de fournisseur d'eau des pèlerins. Ces postes sont encore détenus par les descendants respectifs des deux personnages précités. Il confia à quelques Khozâ`ites la mission de réparer les colonnes de démarcation entourant le territoire sacré, décrétant la Ka`bah comme étant dorénavant un Sanctuaire inviolable à l'intérieur duquel il serait interdit de répandre le sang et même d'abattre un arbre.

Hommage rendu par les Mecquois au Prophète

Le Prophète se rendit ensuite sur la colline de Çafâ et convoqua les Mecquois pour qu'ils lui présentent leur hommage et lui jurent fidélité. Ces mêmes gens qui, quelque huit ans auparavant, avaient abusé de lui, et l'avaient contraint à fuir pour sauver sa vie, semblaient maintenant honteux, la tête baissée, reconnaissant Mohammad comme leur maître, leur dirigeant, et le vrai Messager de Dieu. Tous les hommes d'abord toutes les femmes ensuite, se présentèrent et prêtèrent serment de fidélité et d'allégeance au Prophète, et jurèrent de rester Musulmans sincères. Puis les hommes vinrent toucher les mains du Prophète, les femmes, un morceau de vêtement couvrant sa main.

Les Personnes Proscrites

Seuls onze hommes et six femmes avaient été exclus de l'amnistie générale étendue aux Mecquois. Ils furent proscrits et le Prophète ordonna à ses compagnons de les tuer où qu'ils les trouvent. Houwayrith et Hârith, les deux ennemis invétérés de l'Islam furent exécutés par Ali dès qu’il les eut trouvés. "Parmi les exclus de l'amnistie, il y avait un autre apostat nommé `Abdullah B. Sa`d (dit Ibn Abî Sarh) que Mohammad avait employé à Médine pour transcrire les passages du Coran qu'il lui dictait". (Il s'ingéniait à changer les mots dictés. Une fois son méfait découvert, il fuit de Médine comme apostat). "Son frère adoptif (`Othmân B. `Affân, qui deviendra plus tard le troisième calife) lui avait donné refuge jusqu'à ce que le calme fût restauré. Après quoi, il implora le Prophète de lui pardonner. Le Prophète, peu désireux d'accorder son pardon à un si grand offenseur, resta silencieux pendant un certain temps, mais à la fin il lui fit grâce. Lorsque `Abdullah se retira, Mohammad s'adressa à ses compagnons qui étaient assis autour de lui, en leur disant : "Pourquoi aucun d'entre vous ne s'est-il levé pour lui briser le cou. Je suis resté silencieux dans l'attente d'un tel geste". "Mais tu ne nous as fait aucun signe dans ce sens", répondit l'un d'eux. "Donner des signes, c'est trahir. Il n'est pas convenable pour un Prophète d'ordonner la mort de quiconque d'une telle façon".

Parmi les onze hommes proscrits quatre seulement furent exécutés. Les autres avaient échappé à la peine capitale, ayant obtenu leur grâce d'une façon ou d'une autre. Quatre des femmes condamnées furent mises à mort, et les deux autres pardonnées. Avec sa magnanimité incroyable et son endurance incomparable, le Prophète gagna les cœurs de toute la population de la Mecque, au point qu'au cours des deux premiers jours de son arrivée, presque tous les habitants de la Mecque, renonçant à leur idolâtrie profondément enracinée, embrassèrent sa Religion et le reconnurent comme Prophète de Dieu.

La Conduite cruelle de Khâlid

Les Banû Juthaymah, qui vivait sur un territoire situé à un jour de marche de la Mecque, avaient déjà embrassé l'Islam, mais aucun d'eux n'était encore venu présenter ses respects au Prophète alors qu'il se trouvait tout près. Le Prophète délégua donc Khâlid avec un petit détachement pour une mission de renseignement et avec des instructions formelles l'invitant à éviter de provoquer un conflit. Khâlid s'était réjoui au fond de lui-même d'avoir cette mission qui lui offrait la possibilité de venger la mort de son oncle Alfaka que les Juthaymites avaient tué en même temps que `Abdul-Rahmân, père de `Awf, quelques années auparavant, en pillant une caravane en provenance du Yémen. Khâlid et ses hommes se dirigèrent vers leurs demeures et firent halte à l'extérieur. Un groupe de Juthaymites prit les armes et sortit à leur rencontre, ne sachant pas s'ils étaient des amis ou des ennemis. Khâlid les saluant sur un ton arrogant, leur demanda s'ils étaient Musulmans ou infidèles. Ils répondirent d'une façon hésitante qu'ils étaient des "Musulmans". "Pourquoi, donc demanda Khâlid, êtes-vous sortis avec des armes à la main ?" "Parce que, répondirent-ils, nous vous avons pris pour des gens de quelque tribu hostile, venus ici pour nous attaquer par surprise". Khâlid leur ordonna sèchement de déposer leurs armes. "Ils offrirent une soumission immédiate, avouèrent qu'ils étaient des convertis et déposèrent leurs armes conformément à l'ordre de Khâlid. Mais celui-ci, mû par l'ancienne inimitié et donnant avidement preuve de sa cruauté sans scrupule qui marquera sa carrière par la suite et qui lui vaudra le titre de "l'Epée de Dieu", les fit prisonniers et ordonna leur exécution".

Ali Envoyé pour Réparer l'Effusion de Sang

En recevant la nouvelle de cet outrage gratuit, le Prophète fut affligé, levant les mains vers le ciel et appela Dieu à témoigner qu'il était innocent de ce que Khâlid avait fait. A son retour, Khâlid, réprimandé vertement, rejeta la responsabilité du massacre sur `Abdul-Rahmân, mais le Prophète, indigné, repoussa cette accusation, et envoya Ali avec une somme d'argent pour la distribuer parmi les familles des victimes en guise de réparation de l'effusion de sang, et pour leur restituer ce que Khâlid leur avait arraché.

Le généreux Ali exécuta fidèlement sa mission. S'enquérant de la perte et des souffrances subies par chaque individu, il lui paya autant d'indemnité qu'il demanda. Une fois que tout le sang répandu eut été expié, et que toutes les souffrances eurent été indemnisées, Ali distribua l'argent qu'il avait porté sur lui, parmi la population, égayant chaque cœur par sa bonté. Le Prophète applaudit à cette générosité, loua et remercia Ali. Khâlid fut blâmé et désavoué.



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