L'expédition de Motah, la conquête de la Mecque et d'autres événements



Lorsque tous les préparatifs furent presque terminés, le Prophète ordonna à ses partisans de Médine d'être prêts à l'expédition en leur recommandant de garder le plus grand secret afin que pas le moindre indice de leur mouvement ne parvienne à la Mecque. Malgré toutes ces précautions, le secret fut presque découvert. En effet, Habîb Ibn Balta`a, l'un des Muhâjirin, partisan du Prophète, digne de foi, et dont la famille était restée à la Mecque, écrivit une lettre à un ami resté lui aussi dans cette ville et l'envoya par une femme nommée Sara. Elle était déjà sur la route de la Mecque, lorsque le Prophète apprit par une source céleste l'envoi de cette missive. Aussi dépêcha-t-il Ali et Zubayr, accompagnés par quelques autres bons cavaliers, à la poursuite de la messagère. Ils la rattrapèrent et la fouillèrent soigneusement mais sans trouver la lettre sur elle. Tous les hommes abandonnèrent la recherche et s'en retournèrent bredouilles, excepté Ali qui pensa que le Messager de Dieu ne pouvait pas se tromper ni être mal informé. Rendu furieux par cette déception, il tira son cimeterre, et le brandissant au-dessus d'elle, il jura de lui trancher la tête si elle ne donnait pas la lettre. La femme trembla de terreur, sortit la lettre des longues tresses de ses cheveux. Son contenu était le suivant :"De Habîb Ibn Balta`ah aux Mecquois. Santé ! Envoyé de Dieu est en train de se préparer pour vous attaquer à l’improviste ! Aux armes !" L'auteur de la lettre ayant été découvert, fut convoqué par le Prophète. Il affirma qu'il était un Croyant sincère, et se justifia en affirmant que sa famille était sans protection à la Mecque et qu'il avait voulu la sauver en assurant d'une façon ou d'une autre la protection de quelques Mecquois. Prenant en considération les services qu'il avait déjà rendus, le Prophète accepta son repentir et lui pardonna. Les neuf premiers versets de la Sourate al-Mumtahanah furent par la suite révélés pour mettre les autres en garde de refaire la même chose.

La Marche sur la Mecque

Le l0 Ramadhan de l'an 8 de l'Hégire (le 1 Janv. 630 A.J.-C.) la marche commença. Sur la route, le Prophète demanda un verre plein d'eau pour rompre son jeûne en présence de tous ses hommes qui observaient, eux aussi, le rite puisqu'on était au mois du Jeûne. Son exemple fut suivi par tous à l'exception de quelques-uns dont il dit qu'ils seraient considérés comme pécheurs et comme désobéissant au Seigneur et à Son Prophète s'ils persistaient à observer leur jeûne.

C'était la plus grande armée que Médine eût jamais lancée dans la bataille. La force comptait, outre les Muhâjizin et les Ançâr les bédouins de Ghifâr d'Aslam de Johaynah et d'Achja`. Les Mozaynah, les Solaym et les Khozâ`ah rejoignirent l'armée sur la route. Il y avait mille bédouins de Mozaynah et mille de Solaym. La force comptait en tout dix mille hommes à la tête desquels marchait le Prophète en direction de la Mecque. Le Prophète avait amené avec lui deux de ses femmes Om Salma et Zaynab Bint Johach, excluant `Âyechah qui ne l'avait plus accompagné dans une expédition depuis l'affaire de l'expédition de Banî Moçtalaq.

Lorsqu'ils arrivèrent à Johfa ou Thul Holayfah, `Abbâs, l'oncle du Prophète, accompagné de sa famille qui émigrait à Médine, rencontra le Prophète, lequel le retint pour lui tenir compagnie, et envoya sa famille à Médine. L'armée se mit à marcher aussi rapidement que possible afin de pouvoir camper le soir du septième ou huitième jour à Marr-al-Zohrân, en bordure du territoire sacré, au nord-ouest de la ville. Une fois arrivée à ce point, l'armée fut autorisée, pour la première fois depuis le début du voyage, à allumer librement le feu sur les sommets de la montagne de Marr al-Zohrân. Les hauteurs de la montagne furent ainsi rapidement embrasées avec dix mille feux, et les Mecquois qui n'avaient pas été prévenus de ce danger imminent furent frappés de teneur à la vue de ce spectacle.

La Soumission d'Abû Sufiyân

Abû Sufiyân sortit avec Hâkim (le neveu de Khadîjah) et Bodayl (un chef Khozâ`ite) en mission de reconnaissance. Se dirigeant tout droit vers Marr al-Zohrân, il tomba sur `Abbâs qui, par sentiment de sympathie pour les habitants de sa ville, s'était écarté de l'armée dans l'espoir de rencontrer un voyageur à qui il pourrait confier la mission d'informer les Mecquois de l'approche d'une grande armée et de leur conseiller de se rendre s'ils voulaient éviter la destruction. `Abbâs ayant reconnu Abti Sufiyân à sa voix, s'approcha de lui. Celui ci demanda impatiemment à `Abbâs ce qui se passait sur les hauteurs de ces montagnes-là, `Abbâs lui dit que c'était Mohammad qui y campait avec dix mille partisans dans le but d'envahir la ville le lendemain matin. A ces nouvelles, Abû Sufiyân tomba dans un état de profonde rêverie. `Abbâs lui conseilla alors de se soumettre immédiatement au Prophète. Se rendant compte qu'il n'y avait aucun espoir de pouvoir s'opposer à l'avancée de la force musulmane, il se résigna aux recommandations de `Abbâs, lequel le fit monter derrière lui sur son cheval, l'amena jusqu'au Camp et informa le Prophète de la visite de son ami distingué. Le Prophète ordonna à `Abbâs de le ramener le lendemain matin.

Alors que `Abbâs se dirigeait vers la tente du Prophète, il était passé devant la tente de `Omar, lequel, apercevant Abû Sufiyân en compagnie de `Abbâs, se précipita sur lui pour le tuer. Bien qu'il eût été empêché de commettre cette mauvaise action par `Abbâs qui lui avait dit qu'Abû Sufiyân était pour le moment sous sa protection, il continua cependant à les suivre, brandissant son épée, et ce jusqu'à ce qu'ils se fussent rendus auprès du Prophète. `Omar ne s'était retiré qu'après avoir entendu le Prophète garantir un refuge pour Abû Sufiyân chez `Abbâs à condition qu'il soit ramené auprès de lui le lendemain matin. D'aucuns s'étonnèrent que `Omar, qui n'avait jamais abattu aucun combattant ennemi dans aucune bataille, s'apprêtât à dégainer son épée pour mettre à mort un prisonnier !

Lorsque Abû Sufiyân réapparut le lendemain devant le Prophète en compagnie de `Abbâs, on lui demanda s'il croyait qu'il n'y a de dieu que l'Unique et le Tout-Puissant Dieu. Il répondit par l'affirmative. Puis on lui demanda s'il croyait que Mohammad était le Prophète du Seigneur. Là, Abû Sufiyân hésita et dit qu'il avait quelques doutes là-dessus. "Malheur à toi! Lui dit `Abbâs. Ce n'est pas le moment de faire montre de fierté futile ni d'avoir de scrupules ! Atteste et professe une fois pour toutes et très clairement qu'il n'y a de dieu qu'Allah et que Mohammad est Son Prophète, sinon ta tête sera séparée de ton corps". Abû Sufiyân s'exécuta immédiatement, et ainsi, le grand dirigeant des Quraych se retrouva aux pieds du Prophète comme converti. En même temps, Hâkim et Bodayl se convertirent à l'Islam eux aussi. Le Prophète renvoya rapidement Abû Sufiyân à sa ville pour annoncer aux gens que quiconque se réfugiait dans sa maison (d'Abû Sufiyân) ou dans le Sanctuaire de la Ka`bah ne serait pas inquiété et que les occupants des maisons dont les portes resteraient fermées ne seraient pas molestés. Il n'est pas difficile pour le lecteur de se rappeler les positions extrêmement hostiles d'Abû Sufiyân à l'égard de l'Islam et de son fondateur. Il avait été le pire des ennemis du Prophète à la vie duquel il n'avait pas hésité à attenter. Maintenant la Providence le mettait à la merci du Prophète qui pouvait se venger de lui en prononçant un seul mot ou un seul ordre pour qu'il fût décapité ou enchaîné pour servir d'exemple et terrifier les Mecquois. Mais le contraste entre les nobles Hâchimites et les Omayyades est très net lorsqu'on regarde la magnanimité incomparable dont fit preuve le Prophète envers son adversaire déchu. Notre noble et bienveillant Prophète Mohammad (Que la Paix soit sur lui et sur ses nobles descendants) non seulement pardonna à Abû Sufyân, mais il lui permit de rehausser sa position encore plus parmi son peuple en lui accordant le privilège de pouvoir donner refuge à ceux qui le lui demanderaient. Quelle autre attitude pourrait être aussi magnanime ?

Avant qu'Abû Sufiyân eût quitté le Camp, les Forces avaient été placées en rangs. Se tenant debout à côté de `Abbâs, il observa chaque colonne et impressionné par le spectacle, il s'exclama, l'air étonné : "Ton neveu est un roi puissant, sans aucun doute!" `Abbâs répondit sur un ton de reproche qu'il était plus qu'un roi, un Prophète puissant. Ayant reconnu la vérité, Abû Sufiyân retourna vite à la Mecque où il cria à haute voix que Mohammad était aux portes de la ville avec une grande force, que toute résistance et toute opposition étaient vouées à l'échec, que par conséquent la seule issue raisonnable était une reddition inconditionnelle, et que Mohammad avait garanti la sécurité de ceux qui se cloîtreraient dans leurs maisons ou qui se réfugieraient dans le Sanctuaire de la Ka`bah ou dans sa propre maison. Les gens, terrifiés, n'avaient d'autre possibilité que de suivre son conseil. Aussi fuirent-ils en toutes directions pour s'enfermer chez eux ou chercher secours à la Ka`bah.

L'Entrée du Prophète à la Mecque

Entre-temps, l'armée avait reçu l'ordre de faire mouvement vers la Mecque. Arrivé à Thû Towâ, près de la ville, et n'ayant rencontré jusque là aucune résistance à sa progression, le Prophète fit un grand salut, sur son chameau, et accomplit la prière en signe de gratitude envers Dieu. Dans son "Life of Muhammad" page l50, W. Irving fait la relation suivante de l'entrée du Prophète dans la Mecque : "A l'entrée de la Mecque, Mohammad, qui ne savait pas quelle sorte de résistance il rencontrerait, avait soigneusement réparti ses forces avant de pénétrer dans la ville. Alors que le principal corps s'avançait directement, de puissants détachements progressaient sur les hauteurs, de deux c6tés. `Ali qui commandait un grand corps de cavaliers avait reçu la mission de porter le drapeau sacré qu'il devait planter sur la Montagne de Hajun et de l'y maintenir jusqu'à ce qu'il fût rejoint par le Prophète.

"Des ordres formels avaient été donnés à tous les généraux afin qu'ils fassent preuve de patience et qu'ils n'attaquent en aucun cas les premiers, car Mohammad désirait de tout cœur plutôt gagner la Mecque par la modération et la clémence que la soumettre par la violence. Il est vrai que tous ceux qui opposèrent une résistance armée furent abattus, mais personne parmi ceux qui s'étaient rendus sans résistance ne fut inquiété. Surprenant l'un de ses Capitaines (Sa`d b. `Obâdah) en train d'affirmer dans un excès de zèle qu'il n'y avait pas de lieu sacré le jour de la bataille, il le fit immédiatement remplacer par un Commandant plus calme. Le corps principal de l'armée avançait sans violences. Mohammad l'abandonna, faisant avancer la garde arrière. Il portait une veste écarlate et il était monté sur son chameau favori, al-Qaswa. Il continuait à avancer, mais lentement, car son mouvement était ralenti par l'immense multitude qui se pressait autour de lui. Arrivé sur la montagne de Hajun où Ali avait planté l'étendard de la foi, il eut une tente dressée pour lui. Là il descendit de son chameau, ôta sa veste et enfila le turban noir et le costume de pèlerinage.



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