Réflexion sur la notion de miracle et de prodige en islam à travers l’exemple de Karbalâ’i Kâzem, "signe" vivant de la foiSavoir inspiré et guide divin dans le chiisme
L’histoire de Karbalâ’i Kâzem ne se situe pas dans la catégorie du "miracle" (mu’jiza) au sens strict tel qu’il est défini en islam, qui n’inclut que les actes des prophètes et s’accompagne d’une mise au défi (tahaddi), mais plutôt dans celle de "prodige" (karâma) qui désigne les actes extra-ordinaires accomplis par les saints, même si la quiddité de ces actes est la même. Le prodige dont il a été ici question relève de l’ordre du don et ne peut, selon les croyances chiites, être que le fait du Douzième Imam ou l’Imam du Temps qui vit actuellement dans le monde, et dont le rôle dans la cosmologie et l’épistémologie chiite est essentiel. [29] L’existence humaine limitée ne peut comprendre l’absolu divin ; cependant, dans Son infinie miséricorde, Dieu a choisi de se révéler à Ses créatures au travers de certains de Ses attributs comme la Bienveillance ou la Magnificence. Les Imâms sont considérés comme la manifestation la plus parfaite de ces qualités dans une existence limitée, et permettent donc aux croyants d’essayer de saisir l’Absolu à travers eux. [30] Cependant, ils ne possèdent ces qualités que grâce et en Dieu et non par eux-mêmes de façon indépendante car sinon, ils deviendraient à leur tour des dieux. Ils ne sont en quelque sorte que le reflet parfait des Attributs divins, permettant à l’inconnaissable de se manifester selon les conditions dans ce monde. Il est donc l’horizon et le but de tout croyant désirant connaître Dieu – ou du moins ce qu’il peut en connaître, c’est-à -dire l’aspect manifesté. [31] Si la dimension historique de l’Imâm ne manifeste le sens profond et caché de la Révélation que pendant une période limitée, sa dimension cosmologique fait de lui l’Initiateur par excellence à toute époque, en effusant la connaissance dans le cœur de tout croyant prêt à le recevoir. [32] Selon les interprétations données à l’époque, Karbalâ’i Kâzem aurait donc été l’objet d’un don au travers de la personnalité de l’Imâm du Temps, intermédiaire entre ciel et terre et principe dispensateur des connaissances divines. L’histoire de Karbalâ’i Kâzem laisse en tout cas entendre que l’essentiel n’est sans doute pas dans les madreseh religieuses ni dans la maîtrise de la technicité des concepts théologiques. Il constitue un nouvel appel à réfléchir sur la signification profonde de la foi et l’importance de chaque intention et acte, ainsi qu’à méditer sur le sens de ce verset évoquant la résurrection : "Le jour où l’on sera ressuscité, le jour ou ni les biens, ni les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Dieu avec un cœur sain". [33]
Sources :
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