Réflexion sur la notion de miracle et de prodige en islam à travers l’exemple de Karbalâ’i Kâzem, "signe" vivant de la foiA son réveil, le soleil était déjà levé depuis longtemps : la nourriture qu’il avait consommée la veille ne lui avait pas permis de se réveiller pour la prière de l’aube. Il fit ce genre de rêve à plusieurs reprises, et développa par la suite une véritable peur à l’idée de consommer des repas non licites. Outre les rêves, Karbalâ’i Kâzem aurait également revu les deux jeunes seyyed à Nadjaf, dans le mausolée de l’Imâm ’Ali. [19] "Al-A’râf", verset 58. [20] Plusieurs versets du Coran font référence aux croyants qui s’efforcent de consacrer la vie d’ici-bas à préparer la vie de l’au-delà . Il est ainsi évoqué que ces derniers seront non seulement récompensés dans l’au-delà , mais aussi dans cette vie même : "Quiconque désire labourer [le champ] de la vie future, Nous augmenterons pour lui son labour. Quiconque désire labourer [le champ] de la présente vie, Nous lui en accorderons de [ses jouissances] ; mais il n’aura pas de part dans l’au-delà ". (42:20). "Quiconque désire la récompense d’ici-bas, c’est auprès de Dieu qu’est la récompense d’ici-bas tout comme celle de l’au-delà ." (4:134). [21] C’est dans ce sens que l’on peut comprendre les visions de certains mystiques à qui apparaissaient la réalité des gens sous la forme d’animaux ; ces formes correspondant à l’ensemble de leurs pensées et actes, tandis que bien peu d’entre eux apparaît sous une forme "humaine". Nous pouvons ici distinguer entre l’effet lié à l’interdit religieuse (athar taklifi) de l’effet réel (athar wadh’i). Ici, la consommation de nourriture illicite n’a pas d’effet lié à l’interdit religieux, c’est-à -dire n’est pas considéré comme un péché car elle a été réalisée involontairement. Cependant, la nourriture illicite absorbée conserve son effet réel sur le corps et l’esprit. [22] La notion de "péché" peut être considérée comme une réalité modulée (tashiki), c’est-à -dire une même réalité ayant différents degrés. Nous pouvons ainsi distinguer deux types de péchés : les péchés dit "généraux", qui sont considérés comme tels pour l’ensemble des croyants sans distinction comme le fait de rompre un pacte, de tuer quelqu’un sans raison, etc. ; et les péchés qui sont rattachés à un rang spirituel particulier. Ainsi, ce qui n’est pas considéré comme un péché pour la majorité des croyants, par exemple ne pas penser à Dieu à chaque instant, pourra être considéré comme un péché pour un mystique de haut rang, pour qui un instant d’inadvertance et d’ "oubli" aura des conséquences et une importance tout autre. Ainsi en est-il de la voie mystique : certaines choses considérées comme "licites" au début pour le pèlerin, deviendront peu à peu proscrites au fur et à mesure de son avancement spirituel. [23] Ce mot est issu de la racine arabe ’a-j-z qui évoque l’idée d’incapacité et d’impuissance, soulignant ainsi que le miracle est une chose que les gens ordinaires sont incapables (’âjiz) de réaliser. [24] Les miracles sont cependant toujours réalisés "avec la permission de Dieu" (bi-îzhn Allah) : "Et Nous avons certes envoyé avant toi des messagers, et leur avons donné des épouses et des descendants. Et il n’appartient pas à un Messager d’apporter un miracle, si ce n’est qu’avec la permission d’Allah. Chaque échéance a son terme prescrit." (13:38) [25] Cette analyse s’inspire notamment de certains éléments d’une recherche réalisée par le docteur Hossein Ghaffâri, professeur au Département de Philosophie de l’Université de Téhéran. [26] Son absence de contradictions internes est également un argument avancé pour dire qu’il ne peut être produit par un homme qui, tout au long d’une révélation de 23 ans aurait forcément été en proie à une évolution de pensée et à certaines contradictions de fond. [27] Plusieurs versets font référence au fait qu’au temps de la Révélation coranique, l’entourage du prophète Mohammad le sollicitait afin qu’il réalise des miracles matériels pour prouver l’authenticité de sa prophétie. A la suite de cela, l’autosuffisance du livre pour prouver sa véracité a maintes fois été révélé : "Et ils dirent : "Pourquoi n’a-t-on pas fait descendre sur lui des prodiges de la part de son Seigneur ?" Dis : "Les prodiges sont auprès de Dieu. Moi, je ne suis qu’un avertisseur bien clair."/ Ne leur suffit-il donc point que Nous ayons fait descendre sur toi le Livre et qu’il leur soit récité ? Il y a assurément là une miséricorde et un rappel pour les gens qui croient." ("Al-’Ankabout" ("L’araignée"), 50-51). [28] Dans le domaine sensible, on peut dès lors distinguer deux types de miracles : les événements de type extra-ordinaire comme le fait de ressusciter les morts, et les événements qui, sont la force de l’habitude, sont qualifiés "d’ordinaires" par le langage mais qui sont en réalité des miracles permanents : ainsi, à chaque instant, des millions de choses meurent et reviennent à la vie. Dans ce sens, selon le Coran, chaque chose et phénomène du monde matériel est qualifié de "signe" (âya) manifestant le divin ; ces signes naturels répondant aux versets de la révélation qui, en arabe, sont désignés par le même mot de "âyât". [29] Voir les études de Henry Corbin à ce sujet. En islam iranien, tome 4. [30] Les Imâms sont souvent qualifiés d’œil de Dieu, de main de Dieu, etc., en ce qu’ils sont la manifestation la plus parfaite des attributs divins. Cependant, Dieu ne se manifeste que par Ses attributs, tandis que Son essence demeure toujours cachée et inconnaissable. [31] C’est dans ce sens qu’il faut comprendre cette phrase du prophète Mohammad : "Je suis la Cité de la science et ’Ali en est la porte" (Anâ madinat al-’ilm wa ’Alî bâbuhâ). [32] En tant qu’incarnation de la Vérité divine, il doit également être considéré comme le sujet même de cette connaissance. [33] Coran, Sourate "Al-Shu’arâ" ("Les Poètes"), versets 87-89.
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