II. Après la Hijra



  Les musulmans se regardèrent les uns les autres les plus courageux parmi eux n'osèrent pas relever le défi, non par crainte de la mort, mais de peur que leur défaite devant cet ennemi redoutable pourrait briser le moral des musulmans.

  Une fois encore, Ali sauva la situation et releva le défi. Ce n'étaient que quelques instants et ce fut le soulagement général des musulmans lorsqu virent Amr trébucher sous le coup fatal d'Ali (as).

  Les cinq autres mécréants prirent la fuite et Ali rattrapa l'un d'entre eux dans le fossé et le tua.

  Ce duel releva sensiblement le moral des musulmans, alors que celui des mécréants commençait déjà à se dégrader surtout après l'échec de la tentative de pénétration des cavaliers de Khaled Ibn Walid et les rumeurs diffusées par des musulmans infiltrés parmi eux et selon lesquelles leurs alliés juifs auraient pactisé avec le Prophète (SAW).

  Ceci durant, quelques autres tribus arabes alliées de Qouraych commencèrent à se demander s'ils avaient choisi le meilleur parti et acceptèrent l'offre du Prophète (SAW) de se retirer vers leur terre en contre partie du tiers de la récolte des dattes de Médine.

  Mais la détermination d'Abou Soufian, le commandant général des alliés arabes, ne fut altérée que lorsque Dieu, Le Tout Hautn, intervint en envoyant sur aux des vents inhabituels que semèrent le trouble et l'angoisse parmi les mécréants.

  Et, voyant que toutes les conditions humaines et naturelles ne pouvaient plus permettre la poursuite du siège, Abou Soufian lança l'ordre de retraite et ce fut alors la fin de la plus dure épreuve qui avait menacé l'existence de la première entité Islamique de l'histoire.

L'armistice de Houbeydiwa.

  
  Pendant la sixième année de l'hégire, le Prophète se vit dans un rêve en train de tourner autour de la Ka`bah et d'accomplir toutes les cérémonies du pèlerinage avec ses partisans. Le matin suivant, il communiqua ce qu'il avait vu dans son rêve à ses adeptes, lesquels furent très heureux de cette nouvelle, étant donné qu'ils brûlaient déjà d'envie de revoir leur ville natale et leurs maisons qu'ils avaient été forcés d'abandonner six ans avant. C'était le premier jour du mois de Thilqa`dah, pendant lequel il était interdit de faire la guerre dans toute l'Arabie, et à fortiori sur le territoire sacré de la Mecque. Par conséquent, la `Omrah, ou le Petit Pèlerinage, pouvait être accomplie durant ce mois-là sans aucun risque de voir les Quraych ou les Mecquois déclencher les hostilités. Des préparatifs rapides en vue du pèlerinage furent faits, après que le Prophète eut annoncé qu'il voulait seulement accomplir le Pèlerinage. Les préparatifs du voyage ayant été terminés au début du mois, le Prophète conduisit environ quatorze cents de ses partisans à Holayfah, sur le chemin de la Mecque. Ils prirent avec eux soixante-dix chameaux pour le sacrifice. Ils ne portaient pas d'armes, sauf le sabre rengainé de voyageur. Seule une des femmes du prophète, Om Salma, l'accompagna dans ce Pèlerinage.

  La nouvelle de la marche du Prophète parvint rapidement à la Mecque. Malgré l'attitude non belliqueuse et pacifique des pèlerins, et bien qu'ils n'eussent pas d'armes sur eux, les Quraych les soupçonna de tricherie. Aussi, rassemblant une force considérable et bien armée, sortirent-ils de la Mecque pour camper à environ dix kilomètres de la ville, et occuper une position sur la route de Médine. Pour contrer l'avance de Mohammad, ils lancèrent un corps expéditionnaire de deux cents cavaliers sous le commandement de Khâlid Ibn al-Walîd et `lkrima Ibn Abî Jahl. Le Prophète continua sa marche jusqu'à ce qu'un informateur l'ait mis au courant du mouvement des Mecquois, et peu après, les cavaliers mecquois apparurent à l'horizon.

  Désormais, il n'était plus possible pour le Prophète de continuer à avancer, étant donné qu'il n'était pas venu dans l'intention de livrer bataille aux Mecquois. Il tourna donc à droite pour arriver à Hudaybiyyah, à la limite du territoire sacré autour de la Mecque. Là, son chameau, Qaswah s'arrêta de lui-même et s'agenouilla, refusant de faire un pas de plus en avant. Les gens dirent qu'il avait des ennuis, mais le Prophète considéra son arrêt spontané comme un présage divin lui indiquant de ne pas aller plus loin. Aussi campa-t-il à Hudaybiyyah. Il n'y avait pas d'eau disponible à cet endroit, car malgré l'existence de quelques puits, ceux-ci étaient ensablés. Le Prophète sortit alors une flèche de son carquois et la planta dans l'un de ces puits. L'eau jaillit alors à gros bouillons, au grand soulagement de tout le camp. Les Quraych envoyèrent alors successivement trois messagers au Prophète pour s'informer sur la raison de sa venue là. `Orwah, un chef de' Tâ'if et l'un des trois messagers, dit au Prophète que les Mecquois étaient exaspérés et qu'ils étaient décidés à périr plutôt que de lui permettre d'entrer à la Mecque. Il partit en disant que les Mecquois ne supporteraient pas la populace qui l'accompagnait ni ne la laisseraient s'approcher de la ville, et jura qu'il était en train de se représenter celle-ci désertée par cette populace dès que les Mecquois l'attaqueraient. Là, Abû Bakr commença à être très irrité par ces assertions. Le Prophète répondit, toutefois, à chacun des trois messagers que c'était par un pur désir pieux de visiter le sanctuaire sacré et d'accomplir les rites sacrés liés à ce lieu qu'il avait entrepris ce voyage de Pèlerinage. Les messagers virent même la file de chameaux de sacrifice avec des marques sur leur cou, indiquant qu'ils étaient attachés depuis longtemps dans ce but pieux. A leur retour, ils exprimèrent leur conviction de la sincérité des intentions pacifiques de Mohammad, mais ils ajoutèrent que les Quraych resteraient fermes et qu'ils ne les écouteraient pas.

  Le Prophète envoya à son tour l'un de ses hommes (Kharrach B. Ommayyah) sur son propre chameau appelé Tha`lab, aux Quraych pour leur donner toutes les assurances qu'il n'était pas venu avec un dessein hostile, mais ils le traitèrent brutalement, estropièrent le chameau sur lequel il était venu, et menacèrent même sa vie. Et sans l'intervention de deux Ahabich qui l'aidèrent à fuir, il aurait été tué. Le Prophète exprima son désir que `Omar fasse la même commission, mais ce dernier s'excusa, prétextant qu'il n'était pas en bons termes avec les Quraych, et proposa `Othmân comme étant l'homme qui convenait à cette tâche. Finalement c'est celui-ci qui fut envoyé pour leur faire savoir que le Prophète était venu uniquement dans l'intention de visiter la Maison Sacrée et qu'une fois qu'il aurait abattu les chameaux sacrificatoires, il repartirait avec tous ses partisans. Mais les Quraych répondirent qu'ils avaient juré de ne pas permettre à Mohammad d'entrer dans la ville cette année et que s'il (`Othmân) désirait lui-même visiter la Ka`bah, il pourrait le faire. `Othmân déclina l'offre, et décida de retourner au camp, en leur disant qu'il ne pouvait se permettre de le faire, sans que le Prophète n'ait accompli le premier les rites du Sanctuaire. Entre-temps, son voyage de retour ayant duré trop longtemps, une rumeur de son assassinat par les Quraych circula dans le camp musulman. Le Prophète était très affligé par cette nouvelle.

  La nécessité de livrer bataille à l'ennemi étant devenue ainsi inévitable, il convoqua tous les pèlerins autour de lui. Et se plaçant sous un arbre, il prit de chacun d'eux l'engagement sous serment d'une adhésion irréversible à lui, de ne pas fuir, et de combattre jusqu'à la fin. Cet engagement est appelé "L'Engagement sous l'Arbre" (cf. Sourate A1-Fat-h, verset 18, "Dieu était satisfait des Croyants quand ils te prêtaient serment sous l'Arbre. IL connaissait le contenu de leurs cÅ“urs. IL a fait descendre sur eux la tranquillité. IL les a récompensés par une prompte victoire"). IL est mémorable dans l'histoire de l'Islam, car il illustre le dévouement et la loyauté des Musulmans envers leur Prophète, et comment ils se glorifièrent de leur ferveur religieuse et pensèrent qu'ils avaient mérité le salut, alors que les plus raisonnables d'entre eux étaient conscients des actes condamnables commis plus tard par certains adeptes du Prophète, après "L'Engagement sous l'Arbre" et après la mort du Prophète. Les hommes qui n'étaient pas présents à cette occasion regrettèrent de n'avoir pas eu cette chance.

  On découvrit plus tard un groupe de quatre-vingts Mecquois qui guettaient le camp des Musulmans, cherchant à attraper les personnes égarées. Tous ces hommes furent entourés, faits prisonniers, et amenés auprès du Prophète, lequel, par sagesse, les traita très généreusement. Les Mecquois, craignant le déclenchement d'une bataille, après avoir appris la teneur de l'engagement sous l'Arbre, dépêchèrent Suhayl Ibn `Amr et quelques autres représentants au camp musulman pour conclure un traité de paix avec Mohammad. Après de longues discussions, les termes de la paix furent posés et le Prophète demanda à `Ali, son lieutenant, de transcrire les termes du Traité au fur et à mesure qu'ils seraient dictés. Le texte du Traité commença ainsi : "Au nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux". Mais Suhayl fit objection et dit qu'il fallait qu'il commence par la formule que les Mecquois avaient l'habitude d'utiliser, à savoir : "En Ton nom, Ô Dieu !" Le Prophète concéda et demanda à `Ali d’écrire : "Bismeka Allâhomma". Puis il dicta : "Ceci est le Traité conclu entre Mohammad, le Prophète d'Allah et Suhayl Ibn `Amr". Là encore, Suhayl objecta que si les Mecquois le reconnaissaient comme Prophète d'Allah, ils n'auraient pas porté les armes contre lui. Il demanda au Prophète de mettre le nom de son père au lieu de l'expression "Prophète d'Allah". Le Prophète céda une seconde fois, mais `Ali avait déjà écrit les mots "Mohammad, le Prophète d'Allah". Le Prophète ordonna à `Ali d'effacer les mots contestés, mais comme ce dernier semblait hésiter, il prit les instruments d'écriture, effaça l'expression "le Prophète d'Allah" et la remplaça par les mots : "fils de `Abdullah". IL prophétisa en même temps, en s'adressant à `Ali, qu'il devrait lui aussi céder, à son époque, dans une occasion similaire. Cette prophétie fut réalisée lors de la conclusion d'un traité entre `Ali et Mu`awiyeh, quelque trente ans plus tard.

  Les clauses suivantes furent inscrites dans le traité : aucune des deux parties ne commettra d'agression ni d'attaque contre l'autre partie ou ses alliés pendant les dix années à venir. Quiconque désirera se joindre à Mohammad et entrer en ligne avec lui sera libre de le faire, et de même, quiconque désirera se joindre aux Quraych et entrer en traité avec eux aura la liberté de le faire. Si quelqu'un passe à Mohammad et qu'il est réclamé par son tuteur, il devra lui être renvoyé, mais si quelqu'un parmi les partisans du Prophète passe aux Quraych, il ne sera pas extradé. Mohammad et ses partisans retourneront cette année à leur base de départ sans entrer dans l'enceinte sacrée. L'année suivante, ils pourront visiter la Mecque pendant trois jours après que les Quraych s'en seront retirés. Mais ils devront y entrer sans aucune arme, excepté celle de voyageur, c'est-à-dire chaque homme avec une épée rengainée.

  Certains parmis les partisans éminents du Prophète, s'étant fiés à son rêve, ne pouvaient s'attendre qu'à une victoire totale sur les Mecquois. Or, constatant à présent que ces derniers avaient l'avantage sur le Prophète qui sollicitait une permission (d'entrer dans l'enceinte sacrée) qu'ils s'entêtaient à lui refuser, ils furent exaspérés par la déception après de longs jours de fatigue et d'inquiétude. `Omar Ibn al-Khattâb dit carrément qu'il n'avait jamais jusqu'à présent suspecté si fort la véracité du fait que Mohammad était le Prophète d'Allah, et il osa même s'adresser à lui dans les termes suivants : "N'es-tu pas un vrai Prophète d'Allah ?" "Si, sans aucun doute", répondit le Prophète. `Omar lui demanda encore : "N'avons-nous par raison et notre ennemi n'a-t-il pas tort ?" "Bien sûr ! Nous avons raison et nos adversaires ont tort". `Omar conclut : "Pourquoi devrions-nous donc mettre une tache à notre foi et supporter le choc de l'humiliation ?" Le Prophète répondit : "Je ne suis que le Messager d'Allah, et je ne peux rien faire contre Sa Volonté". Toutefois, `Omar ne fut pas satisfait des réponses du Prophète, puisqu'il tint des propos similaires indignés devant Abû Bakr : "Quoi ! Mohammad n'est-il pas le Prophète d’Allah ? Ne sommes-nous pas Musulmans ? Ne sont-ils pas des infidèles ?". "Si ces clauses avaient été fixées par toute autre que Mohammad lui-même - fût-il le Commandeur de ma propre nomination - j'aurais jugé indigne de moi des les accepter".

  Alors que le Traité était en train d'être rédigé, Abû Jandal, fils de Suhayl, un converti à l'islam, mais que son père avait confiné à la Mecque, s'enfuit et gagna le camp de Mohammad. Il fut vite découvert et réclamé par son père Suhayl en vertu des termes du traité. Le Prophète ordonna son retour à son tuteur. Abû Jandal se mit alors à crier. Le Prophète l'exhorta à patienter, et lui promit qu'Allah lui accorderait bientôt la liberté et la prospérité, comme IL le ferait pour tous ceux qui étaient dans la même situation. Mais `Omar bondit pour le conforter avec des idées telles que : "Le sage des infidèles n'est pas meilleur que celui des chiens", et il l'incita à tuer son père pour compromettre toutes les négociations de paix. Abû Jandal récusa cette proposition. Le Traité fut achevé lorsque `Ali termina d'en écrire le texte. Il fut certifié par les compagnons les plus éminents du Prophète, malgré le fait qu'ils considéraient la paix ainsi obtenue, comme étant la paix la plus humiliante et la plus déshonorante. Une copie du Traité fut remise à Suhayl, lequel repartit avec ses compagnons. Le document original fut gardé par le Prophète.

  Ayant conclu le Traité, le Prophète désira accomplir des cérémonies du pèlerinage adaptées à la nature des circonstances présentes. Aussi ordonna-t-il à ses compagnons d'abattre leurs chameaux sacrificatoires et de se couper les cheveux. Mais il fut attristé en constatant que personne ne suivait son ordre. IL ressentit si fortement cette désobéissance qu'il en parla à sa femme, Om Salma qui l'accompagnait dans ce pèlerinage. Mais une fois qu'il eut égorgé ses propres chameaux, et qu'il eut coupé ses propres cheveux, le premier, tous ses compagnons l'imitèrent progressivement. Ayant donc terminé les rites du pèlerinage, le Prophète se mit en marche avec tous ses partisans, en direction de ses bases de départ, et ce, après un séjour de vingt jours à Hudaybiyyah. Sur le chemin du retour et vers la fin de la première étape de sa marche, le Prophète reçut la révélation de la Sourate al-Fath qui commence ainsi : "Oui, Nous t'avons accordé une éclatante victoire", et alors qu'il était sur le dos de son chameau, il la récita à haute voix. Certains de ses compagnons furent étonnés et demandèrent si cela était une victoire. Le Prophète leur répondit que, sans aucun doute, c'était une victoire glorieuse. `Omar et les autres rappelèrent au Prophète sa promesse d'entrer à la Mecque sans obstacle et sans opposition. Ce à quoi il répondit que Dieu l'avait promis en effet, en ajoutant : "Mais quand a-t-il promis que ce serait cette année-ci ?"

  Les événements subséquents prouvèrent toutefois que la paix de Hudaybiyyah constituait une victoire glorieuse pour le Prophète sur les Mecquois. En effet, en vertu du traité, toute personne, toute famille, tout clan, toute tribu avait la liberté de rejoindre le Prophète, de professer son credo, d'influencer les autres pour qu'ils le reconnaissent en tant que leur chef spirituel, de prier selon ses enseignements sans courir le risque de subir la persécution des incroyants qui n'avaient plus la possibilité de les maltraiter ou de les mettre au ban de la société. Chaque Musulman était désormais libre d'établir des rapports sans restriction avec les non Musulmans. Ainsi, des relations mutuelles d'amitié ayant pu se rétablir, la paix et la tranquillité fut restaurées grâce au Traité. Dans un laps de temps incroyablement court tout le Hijâz chantait les louanges du Prophète qui l'aidait à sortir du paganisme obscurantiste vers la lumière joyeuse du monothéisme. Désormais l'Islam progressait d'un pas ferme à travers tout le territoire. Il n'y avait aucune personne de bon sens et de jugement parmi les idolâtres qui n'éprouvât un sentiment de profonde considération envers les commandements du Prophète. Immédiatement après le Traité, les Banû Khozâ`ah, qui avaient depuis fort longtemps une inclination pour la nouvelle Religion, entrèrent ouvertement en alliance avec le Prophète. C'était là le premier résultat concret du Traité. Bref, en deux ans après le Traité, la Mission Divine de Mohammad eut plus de succès qu'elle n'en avait eu pendant les dix-neuf années précédentes. Tout cela était le résultat glorieux de la Paix, cette même paix qui avait été considérée sur le moment comme déshonorante et humiliante et comme étant propre à rabaisser le niveau de la Religion de Dieu, et qui n'avait été possible que grâce à ce Traité que le Prophète n'avait pas hésité à conclure avec les Mecquois, malgré les remontrances de ses principaux compagnons. C'est évidemment subséquemment à ce même Traité que deux ans plus tard, il fut suivi par dix mille hommes dans sa marche pour la Conquête de la Mecque, alors qu'à présent, à Hudaybiyyah, il n'avait pu amener avec lui qu'à peine mille cinq cents partisans. C'était là vraiment une grande victoire, dépassant toutes les autres dans ses effets de grande portée. Sans combat ni effusion de sang, le Traité fit plier les infidèles et les amena à reconnaître ce même Mohammad - dont ils avaient abusé et qu'ils avaient persécuté et banni - comme une Force indépendante, au point de conclure avec lui un Traité lui donnant le droit d'occuper en toute quiétude et pendant trois jours, leur cité, l'année suivante.

Des Pays Étrangers appelés à l'Islam


Avec la conclusion du Traité de Hudaybiyyah, le Prophète se débarrassa de tous les ennuis venant des Mecquois. Désormais il était en mesure de diriger son attention vers un prêche plus étendu de sa Religion pour accomplir ainsi le principal objectif de sa Mission Divine. Aussi décida-t-il d'inviter les États et Empires voisins à la Foi Divine en leur envoyant des Ambassadeurs munis d'une missive de sa part. Et étant donné que les missives n'étaient reconnues par les cours étrangères que si elles étaient validées par un sceau, le Prophète se fit faire vers la fin de la sixième année de l'Emigration un anneau d'argent sur lequel étaient gravés les mots suivants: "Mohammad, le Messager de Dieu". Des lettres furent écrites et scellées, et au début de la septième année, au mois de Moharrem, six ambassadeurs furent dépêchés simultanément à : Najjachi le roi d Éthiopie; Yamama; Khosrô, le monarque de Perse; César, l'Empereur romain; la Syrie et l'Egypte. Les messagers choisis pour convoyer les missives connaissaient la langue des pays auxquels ils étaient destinés respectivement.

`Amr Ibn Omayyah fut envoyé en Abyssinie avec deux missives dont l'une invitait le roi d'Ethiopie à la Religion Divine, et l'autre, faisait état du désir du Prophète que les émigrés restant encore en Éthiopie, puissent retourner à présent à Médine, ainsi que d'une requête singulière dans laquelle le Prophète demandait au Roi de le fiancer à Om Habîbah, la veuve de `Obaydullâh qui avait émigré en Éthiopie et qui y mourut plus tard. Le Roi reçut l'ambassadeur avec la plus grande hospitalité et répondit à la première missive par des propos laissant comprendre un humble acquiescement, donnant l'assurance qu'il avait d'ores et déjà embrassé l'Islam et exprimant son regret de ne pas être présent pour pouvoir recevoir personnellement les bénédictions du Prophète. Conformément à la requête exprimée dans l'autre missive, le Roi accomplit la cérémonie des fiançailles d'Om Habîbah et prépara deux bateaux pour le retour des émigrés conduits par Ja`far. Les deux bateaux arrivèrent au port de Médine en automne, au mois de Jumâdi-I de l'an 7 de l'hégire, soit en août 628 A. J.-C.

Salit Ibn `Amr fut envoyé à Yamama avec une missive à Hauza, le Chef chrétien de Banî Hanîfah, qui reçut l'ambassadeur cordialement et fit l'éloge du Prophète. Mais par la suite, il congédia le messager en lui répondant qu'il n'était prêt à suivre le Prophète que s'il faisait de lui un partenaire dans ses privilèges, car, ajouta-t-il, il jouissait déjà de révérence en tant que seigneur et orateur de son peuple, du fait qu'il était un poète éloquent de sa tribu.

`Abdullah Ibn Hothâfah porta la missive en Perse. Lorsqu'elle fut délivrée au Roi Khosrô, il la déchira en petits morceaux. Le messager retourna auprès du Prophète et lui fit son rapport. Le Prophète pria : "Ô mon Dieu ! Déchire de la même façon son royaume". (Le vœu du Prophète sera exaucé quelques années plus tard, lorsque les dominions perses se trouvèrent entièrement déchirés). Khosrô envoya des ordres à son gouverneur du Yémen pour qu'il ramène le Prophète à la raison ou qu'il l'envoie enchaîné à la Cour Royale. Bazhan, le gouverneur perse du Yémen, envoya une missive courtoise au Prophète, lequel en la recevant sourit et invita l'ambassadeur à l'Islam en l'informant que Khosrô n'était plus de ce monde et que la nuit dernière il avait été poignardé par son fils, l'héritier présomptif. IL lui ordonna ensuite de retourner pour rapporter à son maître la nouvelle et lui demander d'offrir sa soumission auprès du Gouverneur du Yémen et de lui faire son rapport. Bazhan avait entre-temps reçu une missive du nouvel Empereur. Convaincu par la prophétie ou animé par des motifs d'intérêt personnel, toujours est-il, qu'il signifia son adhésion au Prophète, embrassa l'Islam et dénonça l'autorité de l'Empereur perse.

Dehya Kalbi qui avait été envoyé à l'Empereur Héraclius, le monarque chrétien de l'Empire romain fut reçu d'une façon respectable. L'empereur sembla bien disposé envers la nouvelle Foi, mais après avoir écouté les opinions de ses courtisans qui étaient indifférents à cette Foi, il congédia l'ambassadeur en le chargeant de quelques cadeaux précieux pour le Prophète.

Chuja Ibn Wahab fut envoyé en Syrie muni d'une lettre invitant Hârith VII, Prince de Banî Ghassân à l'Islam. Celui-ci fut très irrité par le contenu de la lettre qu'il fit parvenir à l'Empereur Héraclius en lui demandant la permission d'envoyer une expédition pour en châtier l'auteur. Le messager du Prophète fut détenu dans l'attente de la réponse de l'Empereur. Celui-ci, n'ayant pas approuvé la suggestion du Prince, Hârith éconduit le messager après lui avoir offert des cadeaux. Lorsque le Prophète apprit l'attitude de Hârith, il prédit la perte de son royaume. Peu après, Hârith mourut.

Habîb Ibn Abi Balta`ah fut envoyé comme ambassadeur à Alexandrie, le siège du Gouvernement d'Egypte à l'époque. Le vice-roi romain, Maqawqas le reçut très respectueusement, lut la lettre dont il était chargé, et y répondit en promettant d'en prendre note. Il écrivit notamment qu'il savait qu'un Prophète devait déjà être envoyé, mais qu'il attendait son apparition en Syrie. Pour concrétiser ses sentiments respectueux envers le Prophète, il chargea son messager de beaucoup de cadeaux, dont deux belles-sœurs coptes (race à laquelle appartenait Moqawqas lui-même). L'une d'elles s'appelait Marya et eut l'honneur d'épouser le Prophète, et l'autre, Sirîne, fut offerte au poète Hassan. De même une mule blanche, chose très rare en Arabie à l'époque, figurait également parmi les cadeaux. On l'appelait Duldul. Elle fut utilisée par le Prophète, et après sa mort, par son petit-fils al-Hussayn.

Les Causes de la Campagne de Khaybar.


Depuis l'Emigration du Prophète, les Juifs, comme nous l'avons déjà dit, étaient jaloux de son pouvoir et de son autorité sans cesse grandissante, et lui causaient par conséquent beaucoup de problèmes, ce qui l'avait poussé à les expulser. Un certain nombre des Juifs de Banî Nadhîr qui avaient été expulsés de Médine s'établirent parmi leurs frères à Khaybar, situé à environ cent cinquante kilomètres au nord-est de Médine. Ils nouèrent des alliances avec beaucoup de tribus bédouines puissantes qu'ils excitèrent, comme les Quraych de la Mecque, contre le Prophète, et ils avaient assiégé vers la fin de l'avant-dernière année Médine.

Après leur retrait, leur chef, Abul-Haqîq, qui avait joué un rôle prédominant avec Hoyay Ibn Akhtab dans le siège de Médine, incita les Banî Fozârah et d'autres tribus bédouines à attaquer les propriétés des citoyens paisibles de Médine. Au mois de Rabî`-I de la sixième année de l'Emigration, `Oyaynah, le chef des Banî Fozârah, tombant sur une troupe de chamelles laitières du Prophète, les enleva, tua le gardien et emmena sa femme comme prisonnière. Au mois de Rabî`-II de la même année, les Banî Ghatafân, eux aussi, s étaient rassemblés dans l'intention d'enlever dans les pâturages les chameaux appartenant à Médine. Les Musulmans envoyèrent Mohammad Ibn Maslamah avec dix hommes pour contrecarrer leur projet. Mais tous ses compagnons furent tués et il était lui-même si grièvement blessé qu'on le laisse pour mort, ce qui lui permit de fuir par la suite. Au mois de Ramadan, Abul-Haqîq rendit l'âme. Son successeur, `Osayr Ibn Zarim et les Banî Ghatafân, les bédouins alliés des Juifs de Khaybar projetèrent au mois de Chawwâl de nouveaux mouvements contre le Prophète et ses partisans.



back 1 2 3 4 5 6 7 8 next