II. Après la Hijra
Expédition contre les Juifs de Khaybar.
En vertu du Traité de Hudaybiyyah, les Mecquois, qui étaient les plus grands ennemis du Prophète et les plus puissants alliés des Juifs, ne pouvaient plus assister ces derniers dans leurs hostilités contre le Prophète. La Providence fournit ainsi à l'Apôtre du Seigneur une bonne occasion de mettre fin une fois pour toutes aux difficultés que les Juifs de Khaybar ne cessaient de lui causer. Aussi, au mois de Moharrem de l'an 7 H. organisa-t-il une expédition forte de mille six cents hommes contre eux. Arrivé à Sahba, il trouva plusieurs chemins conduisant vers des directions différentes. Enfin, l'armée ayant engagé un guide, se dirigea vers Khaybar, marchant la nuit et se reposant le jour. Sur son chemin, elle croisa un homme suspect qui ne tarda pas à avouer qu'il était un espion. Contre la promesse d'avoir la vie sauve, celui-ci informa les combattants musulmans que les Juifs étaient déjà au courant de l'intention du Prophète de ne pas laisser impunies les actions criminelles qui avaient été perpétrées contre ses hommes, et qu'ils avaient demandé le secours de leurs alliés bédouins de chez lesquels `Oyaynah était déjà arrivé, et qu'ils attendaient bientôt l'arrivée des Banî Ghatafân. Lorsque le Prophète fut arrivé à Raji`, un lieu situé entre Khaybar et les campements des Banî Ghatafân, il ordonna qu'on y fasse halte. Les Banî Ghatafân qui s'étaient déjà apprêtés à sortir pour porter secours à leurs alliés à Khaybar, décidèrent de rester sur place, constatant que leurs propres familles étaient exposées au danger (A1-Tabarî). Laissant un contingent à Rajî`, le Prophète poursuivit sa progression et surprit les Juifs de Khaybar à leurs portes, t8t le matin. IL était à la tête d'une force de quatorze cents hommes, dont environ deux cents cavaliers. Les Juifs étant sortis le matin de leurs maisons, furent frappés de stupeur de se trouver confrontés tout d'un coup à une si grande force.
La Vallée de Khaybar était parsemée d'une dizaine de forteresses solidement implantées sur des monticules rocailleux et dont quelques-unes, telles qu'A1-Qâmus, A1-Qatieba, A1-Watih et Solalim, étaient réputées imprenables. A présent toute aide extérieure était rendue impossible. Les Juifs, comptant sur leur nombre - de loin plus important que la troupe de l'ennemi sur leur propre courage et sur leurs citadelles, décidèrent de résister. Mais une fois assiégés dans leurs forteresses, ils ne purent résister longtemps et durent finalement les évacuer après une ou deux sorties. Ainsi toutes les citadelles inférieures par lesquelles les Musulmans avaient commencé leurs attaques tombèrent les unes après les autres entre leurs mains.
A la fin, les Juifs se joignirent à leur chef, le roi de leur nation, Kinânah fils de Rabî` et petit-fils de Abul-Haqîq. IL vivait dans une citadelle solidement fortifiée de Khaybar, nommée al-Qâmûs, aux murs hauts et imposants, construits sur un roc escarpé et qui était considéré comme imprenable. Elle était bien protégée par des fortifications et bien gardée par des soldats courageux, parce qu'elle renfermait les trésors du roi. Dès que le Prophète lança un regard sur la forteresse, il se mit avant tout à prier le Tout-Puissant Seigneur, Le suppliant de livrer la citadelle aux Musulmans. Et aussi longtemps qu'il campa devant elle, il offrit les prières quotidiennes sur une roche dure, appelée Manselah, et en fit le tour sept fois par jour. Plus tard, un masdjid sera érigé à cet endroit, en souvenir de ce lieu d'adoration du Prophète, qui fera l'objet de vénération des Musulmans pieux.
Le siège d'A1-Qâmûs fut la tâche la plus éprouvante pour les Musulmans, qui ne s'étaient encore jamais attaqués à une telle forteresse. IL dura un certain temps et mit à l'épreuve l'habilité et la patience des Musulmans, qui commencèrent à manquer de provisions. Toute la région environnante fut ravagée par les Juifs durant cette période - environ un mois lorsque les Musulmans donnaient l'assaut contre la petite forteresse. Les Juifs avaient abattu même leurs dattiers se trouvant autour de leur citadelle afin d'affamer l'ennemi, et ayant résolu de se battre désespérément, ils se postèrent devant la citadelle. Les assiégeants essayèrent d'avancer vers eux, mais tous leurs assauts furent repoussés. Le Prophète, qui souffrait beaucoup de maux de tête, passa son Etendard à Abû Bakr Ibn Abî Quhâfah et lui ordonna de mener l'assaut, mais il fut sévèrement repoussé par les Juifs et obligé de battre en retraite. Ensuite le Prophète confia l'assaut suivant au commandement de `Omar Ibn al-Khattab qui porta d'étendard, le résultat n'en fut qu'une retraite forcée. Les soldats, de retour auprès du Prophète, accusèrent leur commandant, `Omar, de manquer de courage, alors que lui, il les accusa de lâcheté. Le Prophète, ayant été ainsi déçu par l'échec de ses plus éminents compagnons, s'écria : "Demain je remettrai mon Drapeau à quelqu'un que Dieu et Son Prophète aiment, un éternel fonceur redoutable qui ne tourne jamais le dos à l'adversaire. C'est par lui que le Seigneur accordera la victoire". Chacun des principaux compagnons du Prophète était soucieux d'être le lendemain signalé comme étant "le bien-aimé de Dieu et de Son Prophète". Ils passèrent la nuit dans une grande anxiété pour savoir qui serait l'être béni. Personne ne pensa à `Ali, - le cousin et le lieutenant du Prophète, le héros de toutes les précédentes guerres - parce qu'il souffrait sérieusement de ses yeux très malades et ne pouvait rien voir. Selon certains hadiths, il était absent à cette occasion, se trouvant plut6t à Médine. Toutefois, le Prophète ayant crié : "Nadi `Ali" (`Ali est appelé), celui-ci surgit sur-le-champ avec des yeux très malades. Tous attendaient, sur des charbons ardents, la naissance de ce lendemain, entourant le Prophète comme des étoiles scintillantes, chacun essayant de miroiter pour se faire remarquer. Sa`d Ibn Abî Waqqâç, pour attirer l'attention sur lui, se jeta par terre, puis se leva, prétendant qu'il était tombé. Toutefois, le Prophète ne semblait tenir compte d'aucune personne en particulier. Lorsqu'il rompit le silence pour demander où était `Ali, ils répondirent tous d'une seule voix qu'il souffrait sérieusement de ses yeux malades et qu'il était tout à fait incapable de voir ce qu'il y avait autour de lui. Le Prophète leur ordonna de le faire venir. Salma B. Ako` l'amena en le tenant par la main. Le Prophète prenant la tête de `Ali et la mettant dans son giron, appliqua sa salive sur ses yeux. Immédiatement, ses yeux devinrent si clairs qu'on eût dit qu'ils n'avaient jamais été malades. Et on dit qu'il ne souffrit plus jamais, sa vie durant, de troubles oculaires depuis ce jour-là .
Le Prophète confia sa Bannière sacrée aux mains de `Ali et l'arma de son épée, Thulfiqâr, le désignant ainsi comme étant l'homme que Dieu et Son Prophète aiment. Il ordonna à `Ali de conduire l'assaut et de combattre jusqu'à ce que les Juifs acceptent de se soumettre. `Ali, vêtu d'une veste écarlate sur laquelle une cuirasse d'acier était attachée, avança à la tête de ses partisans, et escaladant le rocher pierreux, situé en face de la forteresse, il planta l'Etendard sur son sommet, et prit la résolution de ne pas reculer d'un pouce, jusqu'à ce que la citadelle fût prise.
Les Juifs se mirent en route pour déloger les assaillants. Un rabbin juif demanda à `Ali son nom, lequel dit qu'il était `Ali Ibn Abî Tâlib ou Haydar. Le rabbin ayant entendu ce nom, présagea à l'intention de ses hommes que les assaillants ne se retireraient pas sans avoir gagné du terrain. Cependant, Hârith, un héros juif qui avait réussi à repousser vigoureusement les précédentes attaques, s'avança et tua plusieurs adversaires musulmans. `Ali, ayant vu cela, avança lui-même, s'engageant dans un combat au corps à corps contre lui, et le tua puis revint à ses lignes. Le frère de Hârith était d'une stature gigantesque et d'un corps imposant. IL était d'une valeur inégalable parmi les Juifs. Pour venger la mort de son frère, il sortit des rangs, couvert du cou à la taille d'une double cotte de mailles, coiffé d'un heaume de protection, autour duquel était enroulé un double turban, et au milieu duquel était enchâssée une pierre pour le protéger contre les coups de cimeterre. Il avait une épée énorme qui le ceignait des deux côtés et brandissait une grande lance à trois têtes fourchues et bien pointues. Sortant des lignes des Juifs, il avança et défia ses adversaires de s'engager dans un combat singulier contre lui : "Comme tout Khaybar le sait, je suis Marhab, un guerrier hérissé d'armes dans une guerre furieuse et ravageuse", s'écria-t-il. Aucun Musulman n'osa avancer pour l'affronter, sauf `Ali qui sortit de la ligne musulmane pour répondre à son défi vaniteux, en disant: "Je suis celui que sa mère a nommé Haydar. Je pèse mes ennemis dans une gigantesque balance (c'est-à -dire je ne vais pas par quatre chemins avec mes ennemis)". Les mots de `Ali n'étaient pas des mots creux. `Ali sut par inspiration que Mahrab avait dernièrement rêvé d'un lion robuste le déchirant en morceaux. Aussi rappela-t-il à Mahrab ce rêve afin de l'intimider. Les mots eurent leur effet, puisque lorsque les deux combattants s'approchèrent, `Ali jetant sur lui un coup d'œil, le trouva tremblotant. Une fois proches l'un de l'autre, Mahrab fit un coup d'estoc en direction de `Ali avec sa lance à trois fourchons. `Ali esquiva avec dextérité le coup, et avant que son adversaire ait pu se recouvrir, il lui administra un coup avec son irrésistible cimeterre, l’hulfiqâr, qui coupa en deux son bouclier, traversant son double turban, son heaume impénétrable et son crâne, fendant sa tête et descendant jusqu'à sa poitrine ou encore plus bas jusqu'à sa selle, le découpant carrément en deux selon certains hadiths. IL tomba sans vie par terre, et le vainqueur annonça sa victoire par son cri habituel : "Allâh-u-Akbar" (Dieu est le Plus Grand), ce qui permit à tout le monde de savoir que `Ali était sorti victorieux.
Dès lors les Musulmans avancèrent en masse et il y eut une mêlée. Sept parmi les plus éminents guerriers juifs, à savoir Mahrab, `Antar, Rabî`, Zajîj, Dâûd, Morrah et Yâcir, tombèrent sous les coups d'épée de `Ali, et le reste de l'armée juive battit en retraite pour se réfugier dans la citadelle et échapper à ses poursuivants Musulmans. Dans le feu de l'action, un Juif porta un coup sur le bras de `Ali, disjoignant son bouclier qui tomba par terre et qu'un autre Juif ramassa et s'enfuit avec. Furieux, `Ali accomplit alors des tours de prouesses surhumains. IL sauta par dessus la tranchée, s'approcha de la porte en fer de la forteresse, en arracha un battant et l'utilisa comme bouclier pendant le reste de la bataille (Abû Rafi`, l'un de ceux qui en avait donné 1 assaut, à la forteresse, avec Ali, affirme qu'après la guerre il examina la porte et qu'il essaya avec sept autres personnes de la retourner, mais sans succès). La citadelle fut finalement prise et la victoire, décisive. Les Juifs perdirent dans cette bataille quatre-vingt treize hommes, alors que les Musulmans n'eurent que dix-neuf tués.
Après la prise de la citadelle, lorsque `Ali revint victorieux vers son camp, le Prophète, le voyant arriver, sortit de sa tente et l'accueillit à bras ouverts. L'embrassant chaleureusement, il baissa son front et lui déclara que ses services pour la Cause Divine étaient appréciés par le Tout-Puissant Juge et par lui-même, en tant que Son Prophète. `Ali versa des larmes de joie en entendant ces propos. Le Prophète redonna foi à ses adeptes qui avaient échoué dans les précédentes tentatives en mettant en évidence l'exemple de `Ali à qui il donna le surnom glorieux d' "Asad-Allâh" (Le Lion de Dieu)
Après la défaite des Juifs, la forteresse accepta de se rendre à condition que ses habitants fussent libres de quitter le pays en abandonnant tous leurs biens aux conquérants, et en n'emportant, pour chacun, qu'un chameau et une charge de denrées alimentaires. Tout recel d'objets de valeur était assimilé à une infraction aux conditions de l'accord, et le coupable était passible de la peine capitale. Ceux qui préféraient rester dans le pays devaient occuper leurs maisons et y résider. Ils pouvaient cultiver la terre qu'ils possédaient à titre de premier occupant (mais ils n'avaient pas le droit de posséder une propriété immobilière) à condition de payer au conquérant la moitié de la production, et ce dernier pouvait les congédier à sa guise.
Kinânah.
Kinânah, le Chef des Juifs, était soupçonné d'avoir dissimulé son trésor, lequel ne put être découvert malgré toutes les recherches soigneuses qui furent faites dans ce but. Finalement on lui demanda ce qu'il avait fait de ses récipients en or qu'il avait l'habitude de louer aux habitants de la Mecque. Il répliqua que toute sa fortune avait été dévorée par les dépenses nécessitées par son armée. On lui dit alors que sa vie serait mise en jeu contre la découverte de ce qu'il aurait caché. Il accepta le marché. Plus tard, l'un de ses amis traîtres révéla le lieu où avait été cachée une grande partie de sa fortune. Kinânah fut alors livré à la vengeance d'un Musulman nommé Mohammad B. Maslamah dont il avait mis à mort le frère, Mohmûd B. Maslamah, en jetant sur lui une meule. Le Musulman coupa sa tête d'un seul coup de cimeterre.
Safiya.
La femme de Kinânah, Safiya, la fille du Chef de Nadhîrites, Hoyay B. Akhtab, embrassa l'Islam et épousa le Prophète. Elle jouit d'autant plus volontiers et joyeusement de sa nouvelle position qu'elle attendait impatiemment, que depuis qu'elle avait rêvé que la lune tombait du ciel sur ses genoux et qu'elle avait raconté ce rêve à son mari, elle subissait les violences de Kinânah qui lui reprochait de désirer épouser le Prophète de Hijâz. Elle portait encore la marque de contusions sur ses paupières, dues à un coup que lui avait administré Kinânah lorsqu'elle lui avait raconté son rêve.
Tentative d'Empoisonnement du Prophète.
Alors que le Prophète se trouvait à Khaybar, les Juifs attentèrent à sa vie en préparant un agneau assaisonné avec un poison mortel, qu'ils lui envoyèrent comme cadeau au moment où on lui servait le dîner. Acceptant avec gratitude le cadeau, le Prophète en prit l'épaule (la partie qu'il aimait le plus) pour lui-même, et coupa une autre portion qu'il donna à Bichr qui était assis à côte de lui et qui fit de même en la passant à son voisin, et ainsi de suite. Dès que le Prophète mangea une bouchée de la viande, il y sentit un goût anormal et la cracha tout de suite en disant qu'elle était empoisonnée. Entre-temps, Bichr avait déjà avalé son morceau et mourut sur-le-champ. La confusion fut totale. A la suite d'une enquête faite à ce propos, il apparut que l'agneau avait été cuit par une femme captive, appelée Zaynab, une nièce de Marhab, le grand guerrier tué par `Ali Elle fut convoquée et interrogée à ce sujet. Elle avoua son crime et le justifia comme une vengeance pour la perte de son père, de son frère, de son mari et d'autres proches, ainsi que pour la dévastation causée à son pays par les conquérants. Elle dit qu'elle pensait dans son for intérieur que si Mohammad était un vrai Prophète, il découvrirait le mal avant qu'il ne l'atteigne, et que s'il n'était qu'un simple imposteur, il tomberait victime de sa vengeance, et les Juifs seraient débarrassés d'un tyran. Elle finit par être condamnée à mort.
Fadak.
Après la conquête d'al-Qâmûs, les autres citadelles furent prises et leurs terres soumises à une taxe de cinquante pour cent de la production.
`Ali avait été envoyé à Fadak, une ville juive non loin de Khaybar, pour la conquérir. Mais sans qu'il use d'autre force, les habitants de la ville offrirent leur soumission, et acceptèrent de céder la moitié de leur propriété au Prophète. Lorsque l'Ange Gabriel révéla au Prophète ce Commandement Divin qu'on trouve dans la Sourate de Banî Isrâ'îl, verset 26: "Donne d celui qui est de tes proches, ainsi qu'au pauvre et au voyageur leur dû, il lui demanda qui était visé par l'énonciation : "Celui qui est de tes proches". L'Ange Gabriel nomma Fatima et dit au Prophète de donner Fadak à celle-ci, étant donné que la rente venant de Fadak lui appartenait entièrement, cette terre étant cédée sans recours à la force. Ainsi le Prophète accorda-t-il, conformément à cette Révélation sa propriété de Fadak à Fatima pour sa subsistance et pour celle de ses enfants. Conséquemment Fatima et ses enfants s'approprièrent la rente provenant de la vente de la production de ce domaine jusqu'à l'époque du Calife Abû Bakr, lequel s'empressa de le confisquer tout de suite après le décès du Prophète. IL demeura propriété d'Etat jusqu'à ce qu'il fût finalement cédé par le Calife `Othmân à Marwân en l'an 34 H., et il resta propriété des Omayyades jusqu'à sa restitution par `Omar Ibn `Abdul Aziz à l'Imam Mohammad al-Bâqir, fils de `Ali Ibn al-Hussayn - le chef des descendants de Fatima à l'époque - en tant que propriétaire légitime et légal de Fadak. Quant à la deuxième moitié de ce territoire, il était resté en possession des Juifs jusqu'à ce que le Calife `Omar les eût banni en Syrie en les indemnisant.
Le Pèlerinage d'Adieu du Prophète.
Étant donné que la période du Pèlerinage annuel s'approchait, le Prophète commença à faire les préparatifs en vue de son Pèlerinage à la Mecque. IL invita les gens de toutes les régions de la Péninsule à se joindre à lui afin qu'ils se familiarisent avec l'accomplissement correct des différents rites ayant trait aux cérémonies sacrées. Depuis son émigration à Médine, ce serait le premier et le dernier Hajj (Pèlerinage à la Mecque) du Prophète. Cinq jours avant le début du mois de Thilhaj, le mois du Pèlerinage, le Prophète se dirigea vers la Mecque, suivi de plus de cent mille pèlerins. Toutes ses femmes, ainsi que sa fille bien-aimée, Fatima, la femme de `Ali, l'accompagnèrent. Au cours de ce voyage, Abû Bakr eut un fils de sa femme Asmâ' Bint Wahab. IL fut appelé Mohammad.
Le Prophète arriva à la Mecque le dimanche 4 Thilhaj de l'an 10 A.H. Tout de suite après son arrivée, `Ali, qui revenait du Yémen à la tête de ses hommes, rejoignit le Prophète, lequel sembla très heureux de le revoir, et lui demanda, en l'embrassant quel vœu pour le Pèlerinage il avait fait. `Ali répondit : "J'ai fait le vœu d'accomplir le même Pèlerinage que le Prophète quoi qu'il arrive, et j'ai amené trente-quatre chameaux pour le sacrifice". Le Prophète s'écria joyeusement : "Allâh-u-Akbar" (Dieu est le plus grand), et dit qu'il en avait amené soixante-six. Et d'ajouter qu'il (`Ali) serait son partenaire dans tous les rites du Pèlerinage et dans le sacrifice. Ainsi, `Ali accomplit donc le Grand Pèlerinage avec le Prophète.
Etant donné que les différences, cérémonies devaient constituer des modèles à suivre dans l'avenir, le Prophète observa rigoureusement chaque rite, soit conformément aux Révélations faites à cet égard, soit selon l'usage patriarcal. Ainsi, lorsqu'on amena les chameaux à offrir en sacrifice, lui et `Ali se mirent à abattre conjointement les cent chameaux qu'ils avaient apportés. Et quand on prépara un repas avec la viande des chameaux sacrifiés, le Prophète s'assit avec seulement `Ali, et personne d'autre, pour le partager. Les cérémonies du Pèlerinage prirent fin avec le rasage des chevaux et le coupage des ongles après le sacrifice des animaux. L'habit du Pèlerinage fut alors ôté et une proclamation fut faite par `Ali, monté sur la mule du Prophète, Duldul, levant les restrictions du Pèlerinage.
A la clôture du Pèlerinage, le Prophète informa le Calendrier, abolissant l'intercalation trisannuelle et faisant l'année purement lunaire, consistant en douze mois lunaires, ce qui permit de fixer le mois du Pèlerinage selon les saisons changeants de l'année lunaire.
Le Sermon de Ghadîr Khum.
Faisant ses adieux à sa ville natale, le Prophète quitta la Mecque pour Médine le 14 Thilhaj. Sur la route, le 18 Thilhaj, il ordonna qu'on fasse halte à Ghadîr Khum, une région aride aux abords de la vallée de Johfa, à trois étapes de Médine, après avoir reçu la révélation suivante: "Ô Prophète ! Fais connaître ce qui t'a été révélé (Ici allusion est faite au Commandement contenu dans la sourate al-Charh qui dit :
1- N'avons Nous pas ouvert ton cœur?
2-3 Ne t'avons Nous pas débarrassé de ton fardeau qui pesait sur ton dos ?
4- N'avons Nous pas exalté ta renommée ?
5- Le bonheur est proche du malheur.
6- Oui, le bonheur est proche du malheur.
7- Lorsque tu es libéré de tes occupations, lève-toi pour prier.
8- et recherche ton Seigneur avec ferveur".
Dans le verset 7, Dieu a commandé au Prophète de désigner son successeur) par ton Seigneur. Si tu ne le fais pas, tu n'auras pas fait connaître Son Message. Dieu te protégera contre les hommes; Dieu ne dirige pas 1e peuple incrédule" (Sourate al-Mâ'idah, verset 67).
On affirme que le Prophète avait déjà reçu l'ordre de proclamer `Ali son successeur et avait remis à une occasion plus appropriée l'annonce de cette nomination pour éviter qu'elle soit mal prise.
A présent, ayant reçu ce Commandement, il décida de l'annoncer sans aucun retard. Aussi fit-il halte sur le lieu même où il reçut le rappel. Le terrain étant déblayé, une chaire fut formée de selles de chevaux, et Bilâl, le Muezzin, s écria à haute voix : Hayya `Alâ Khayr-il-`Amal (Ô gens, accourez à la meilleure des actions). Et une fois les gens rassemblés autour de la chaire, le Prophète se leva prenant à sa droite Ali, dont le turban noir à deux bouts suspendus sur ses épaules avait été arrangé par le Prophète lui-même. Le Prophète loua tout d'abord Dieu, puis s'adressant à la foule, il dit : "Vous croyez qu'il n'y a de dieu que Dieu, que Mohammad est Son Messager et Son Prophète, que le Paradis et l'Enfer sont des vérités, que la mort et la Résurrection sont certaines, n'est-ce pas ?" Ils répondirent tous "Oui, nous le croyons". Il les informa alors qu'il serait rappelé bientôt par son Seigneur, puis il prononça cette adjuration : "Je vous laisse deux grands préceptes dont chacun dépasse 1'autre par sa grandeur : ce sont le Saint Coran et ma sainte progéniture (dont les membres inéchangeables sont : `Ali, Fatima, Hassan et Husayn). Prenez garde dans votre conduite envers eux après ma disparition. Ils ne se sépareront pas 1'un de l'autre jusqu'à ce qu'Ils reviennent auprès de moi, au Ciel, à la Fontaine de Kawthar". Et d'ajouter : "Dieu est mon Gardien et je suis 1e gardien de tous 1es croyants".
`Ali Déclaré Successeur du Prophète.
Ce disant, il prit la main de `Ali dans sa main, et la levant haut, il s'écria : "Celui dont je suis le maître, `Ali aussi est son maître. Que Dieu soutienne ceux qui viennent en aide à `Ali et qu'IL soit l'ennemi de ceux qui deviennent les ennemis de `Ali". Ayant répété cette proclamation trois fois, il descendit de la plate-forme dressée et fit asseoir `Ali dans sa tente où les gens vinrent le féliciter. `Omar Ibn al-Khattâb fut le premier à congratuler `Ali et à le reconnaître comme le "Tuteur de tous les croyants".
Après les hommes, toutes les femmes du Prophète ainsi que les autres dames vinrent féliciter `Ali A la fin de cette cérémonie d'installation, le célèbre verset suivant du Coran fut révélé au Prophète : "Aujourd'hui, j'ai perfectionné votre religion et j'ai parachevé Ma grâce sur vous; j'agrée l'Islam comme étant votre Religion" (Sourate a1-Mâ'idah, verset 3). Le prophète se prosterna en signe de gratitude.
La Signification d'Ahl-ul-Bayt Expliquée
L'expression "ma progéniture" mentionnée dans l'Adjuration signifie les saintes personnes désignées par le verset coranique suivant : "(Ô Prophète !) Je ne vous demande aucun salaire pour cela, si ce n'est votre affection envers mes proches" (Sourate al-Chûrâ. verset 23). A la révélation de ce verset on avait demandé au Prophète de nommer les personnes dont l'amour était commandé. IL nomma : `Ali, Fatima, al-Hassan, al-Hussayn. Les gens le soupçonnèrent alors d'avoir nommé ses chers proches afin qu'ils soient considérés avec la crainte et le respect dus après sa mort.
C'est à propos de la fidélité, de l'amour et l'obéissance envers ces personnes-là que les gens seront interrogées le Jour du Jugement, lorsqu'il sera demandé à chacun comment il s'est conduit envers elles, comment il a défendu leur cause et comment il a soutenu leurs intérêts.
Ce sont les personnages déclarés purifiés et exempts de toute impureté. Lorsque le verset coranique : "Ô vous, les Gens de la Maison ! Dieu veut seulement éloigner de vous la souillure et vous purifier totalement" (Sourate al-Ahzâb, verset 33) fut révélé au Prophète, il se mit sous un manteau avec `Ali, Fatima, Hassan et Husayn, et déclara que sa Maison (Famille) consistait en ces personnes seulement. Um Salma, sa femme, dans la maison de laquelle la révélation était descendue, lui demanda d'être incluse dans le groupe sous le manteau, mais elle essuya un refus poli. Depuis ce jour-là ledit groupe reçut le surnom d'Açhdb a1-Kisb.
Ce sont ces personnes que le Prophète compara au Bateau de Noé, dans lequel ceux qui avaient embarqué furent sauvés, alors que ceux qui avaient cherché secours ailleurs que dans ce Bateau furent noyés.
Ces personnes faisaient partie intégrante de la Lumière Céleste dont fut créé le Prophète.
Ce sont ces personnes pour les actions vertueuses desquelles Mohammad fut félicité par Allah, et en louange desquelles la sourate al-Dahr fut révélée. (Dans sa traduction d'Al Coran, Sale fait suivre du commentaire suivant les versets 5-10 de la Sourate al-Dahr (A1- Insân). La traduction de ces versets par Sale :
5. Mais les justes boiront à une coupe (de vin), mélangé avec (de l'eau de) Kawthar,
6. Une fontaine à laquelle boiront les serviteurs de Dieu...
7. Ils tiennent leur promesse, et redoutent un Jour dont le mal sera répandu très loin.
8. Ils nourrissent le pauvre, l’orphelin et le captif pour l'amour de Dieu, (en disant) :
9. "Nous vous nourrissons pour plaire à Dieu seul : nous n'attendons de vous ni récompense ni gratitude;
10. Oui, nous redoutons, de la part de notre Seigneur, un jour menaçant (et) calamiteux".
La note de Sale, tirée d'A1-Baydhâwi, sur les versets 7-10 : "On relate que al-Hassan et al-Hussayn, les petits-fils de Mohammad, 6tant à un moment donné malades tous les deux, le Prophète, entre autres, leur rendit visite. Les visiteurs demandèrent à `Ali de faire un vœu à Dieu pour la guérison de ses fils. Sur ce, `Ali, Fatima et Fidhdhah, leur bonne, firent le vœu de jeûner trois jours si les deux malades allaient mieux. Or, il arriva qu'ils guérirent effectivement. La promesse fut accomplie avec un tel scrupule que le premier jour, n ayant pas de provisions à la maison, fut obligé d'emprunter trois mesures d'orge à un certain Siméon, un Juif de Khaybar. Fatima en moulut une mesure le même jour et cuisit cinq gâteaux pour le repas. Et alors qu'ils étaient assis devant ces gâteaux pour rompre leur jeûne après le coucher du soleil, un pauvre se présenta à eux. Ils lui donnèrent leur pain et passèrent la nuit sans rien manger, se contentant de boire de l'eau. Le lendemain, Fatima, cuisit une deuxième mesure pour la même raison, mais un orphelin les pria de lui donner quelque chose à manger et ils lui offrirent leur repas, et passèrent une deuxième nuit sans manger. Le troisième jour ils donnèrent tout leur repas à un captif affamé. A cette occasion Jibrâîl révéla au Prophète la sourate ci-dessus et informa Mohammad que Dieu le félicitait pour les vertus de sa famille".
Concernant la promesse de Dieu dans le verset 6, lisez le récit de la découverte miraculeuse par `Ali d'une fontaine pour l'approvisionnement en eau de ses armées dans le désert sablonneux de la Mésopotamie, dans le second volume).
Rien d'étonnant donc à ce que le Prophète ait mis dans la même balance ces personnalités dépouillées de fautes et de pêchés et le Livre de Dieu - le Coran - et qu'il ait déclaré les deux Poids aussi lourds l'un que l'autre. `Ali était le seul homme qui pouvait prétendre à une connaissance minutieuse du Coran. Il proclama tout haut qu'il invitait tout un chacun à lui demander quand, où et à quelle occasion chaque verset du Coran avait été révélé au Prophète, et la fameuse déclaration : "Je suis la Cité du Savoir, `Ali en est la Porte" ne peut que confirmer cette affirmation de `Ali IL en était de même pour al-Hassan (Un noble exemple de la générosité d'A1-Hassan et de son ardeur à satisfaire Dieu en accomplissant toutes les vertus mentionnées dans Ses commandements, se trouve dans le récit suivant, entre des milliers d'autres relatifs aux Saints descendants du Prophète: "Un serviteur d'al-Hassan Fils de `Ali fit tomber sur son maître un plat bouillant alors qu'il s'asseyait à table. Craignant la colère d'Al Hassan, il tomba sur ses genoux et se mit à répéter ces mots : "Le Paradis est pour ceux qui refrènent leur colère". A1-Hassan répondit : "Je ne suis pas en colère". Le serviteur poursuivit : "Et pour ceux qui pardonnent aux gens". "Je te pardonne" dit al-Hassan. Le serviteur sembla toutefois décidé à finir le contenu de quelques versets coraniques en ajoutant : "Car Dieu aime les bienfaisants". "Puisque c'est ainsi, fit al-Hassan, je t'affranchis et je te donne quatre cents pièces d'argent". L'esclave citait les versets 133-134 de la Sourate Âle `Imrân : "Hâtez-vous vers le pardon de votre Seigneur et vers un Jardin large comme les cieux et la terre, préparé pour ceux qui craignent Dieu; pour ceux qui font l'aumône, dans l'aisance ou dans la gêne; pour ceux qui maîtrisent leur colère; pour ceux qui pardonnent aux hommes - Dieu aime ceux qui font le bien"), al- Husayn et Fatima
Ce sont ces personnes pieuses qui étaient souvent accompagnées par les anges.
Bien que le Prophète eût informé solennellement les gens que la désignation de `Ali comme "Le Gardien de tous les croyants", était faite sur Commandement de Dieu, les gens continuèrent à le soupçonner d'avoir attribué à `Ali cette haute position sans avoir reçu un ordre de Dieu dans ce sens.
Un incident survenu quelque temps après que le Prophète eut fait l'Adjuration mérite d'être mentionné : un homme nommé Hârith B. No`mân Fihrî (ou Nadhr B. Hârith selon un autre hadith) refusa de croire le Prophète et le soupçonna d'avoir fait la proclamation par affection et amour pour `Ali Il alla même jusqu'à invoquer sérieusement la descente de la colère du Ciel sur lui-même, si ces soupçons n'étaient pas fondés, prière qui fut rapidement exaucée, lorsqu'une pierre tomba sur sa tête, le tuant sur-le-champ.
Conclusion en faveur de `Ali tirée de la Parole du Prophète
Le lecteur se rappelle sans doute les précédentes occasions lors desquelles le Prophète déclara `Ali son successeur, tout d'abord le jour où il se proclama publiquement Messager de Dieu en disant : "Ô fils de `Abdul-Muttalib ! Dieu n'a jamais envoyé un Messager sans qu'IL ait désigné en même temps son frère, son héritier et son successeur parmi ses proches parents"; et ensuite lorsqu'il déclara que `Ali "est à lui ce que Harûn fut à Mûsâ".
Ces propos du Prophète n'étaient pas une simple opinion personnelle qu'il exprimait, comme en témoignent ces versets coraniques : "Il ne parle pas selon son désir; mais exprime les Commandements qui lui sont révélés" (Sourate al-Najm, 3-4). Cela signifie que lesdits propos étaient conformes aux Commandements de Dieu. Et cette dernière déclaration faite devant des milliers de gens était conforme aux précédentes déclarations, qui n'avaient jamais été retirées ni abrogées pendant une période d'une vingtaine d'années.
Se fondant sur ce qui précède, une grande partie des Musulmans considéra `Ali comme étant sans aucun doute le successeur choisi et désigné du Prophète depuis le début de sa mission prophétique. A cette dernière occasion, il eut la distinction d'être pour les musulmans ce que le Prophète était pour eux : à savoir que `Ali devait être traité en remplaçant (successeur) du Prophète après sa mort. Chah Hassan Jaisi, un mystique sunnite a bien expliqué la signification du terme "Mawlâ" dans sa stance qui peut se traduire ainsi : "Vous courez ça et là pour chercher le sens de "Mawlâ". Eh bien ! `Ali est "Mawlâ" dans le même sens que le Prophète est "Mawlâ".
La distribution du Yémen
Bazhân, le Gouverneur du Yémen, étant décédé, le Prophète répartit, en l'an onze (en tenant compte que l'année commence au mois de Mohanam) les nombreuses provinces Hamdân, Marab, Najrân - qui étaient jusqu'alors unies sous l'autorité de Bazhân, entre les différents gouverneurs de ce pays. Chahr eut l'autorisation de détenir le gouvernement de Çan`â' et du territoire environnant.
Aswad, l'Imposteur
Aswad, un notable riche et influent, rallia à sa cause les nobles qui étaient insatisfaits de la répartition du Prophète et qui avaient chassé ses fonctionnaires, lesquels fuirent et cherchèrent refuge chez les tribus amies les plus proches. Puis il put soumettre la province de Najrân. S'étant assuré ainsi un grand nombre de partisans, Aswad se proclama prophète et marcha sur Çan` â', où il défit l'armée de Chahr, tuant ce dernier et prenant sa veuve comme épouse. De vagues nouvelles d'Aswad parvinrent au Prophète, lequel envoya des lettres à ses fonctionnaires pour qu'ils déposent le prétendant. Toutefois Aswad était en train de hâter lui-même sa fin en traitant avec mépris ses officiers à la bravoure desquels il devait pourtant son succès. La veuve de Chahr, devenue sa femme, guettait elle aussi l'occasion de venger son ex-mari. Les fonctionnaires du Prophète engagèrent des négociations avec les gens mécontents, et il en résulta que l'imposteur Aswad fut tué la veille du décès du Prophète à Médine.
Musaylamah, l'Imposteur
A peu près à la même époque, Musaylamah, un chef de Banî Hanîfah, se proclama prophète à Yamâmah, il trompait les gens et leur récitait des versets en affirmant qu'ils lui avaient été révélés par le Ciel. Cependant aucun de ces versets ne mérite d'être cité ici. Mais cela ne l'empêchait pas de prétendre même qu'il était capable de produire des miracles. L'un de ses miracles consistait à transformer un œuf en un flacon très étroit. La rumeur de cette imposture parvint à Médine, d'où le Prophète lui envoya une lettre lui rappelant son serment d'allégeance et lui ordonnant d'adhérer sincèrement à l'Islam. Musaylamah, dans sa réponse à cette lettre, tendait à affirmer que lui aussi était Prophète comme Mohammad et il lui demandait donc de partager la terre avec lui. Le Prophète, après réception de cette réponse insolente, lui écrivit : "J'ai reçu ta lettre avec ses mensonges et inventions contre Dieu. En réalité la terre appartient à Dieu. IL en fait hériter qui IL veut parmi Ses serviteurs. Que la paix soit sur celui qui suit le droit chemin". La rébellion de Musaylamah sera étouffée à l'époque du Calife Abû Bakr.
Tulayhah l'Imposteur
Un autre imposteur nommé Tulayhah un chef de Bani Asad, se proclama lui aussi prophète, à Najd. C'était un guerrier d'une certaine renommée. Après la mort du Prophète, il se révolta ouvertement contre l'Islam. IL fut défait et soumis à l'époque du Calife `Omar.
L'Ordre de l'Expédition vers la Syrie
Vers la mi-Çafar de l'an 12 (calculé en tenant compte qu'il commence au mois de Moharrem) un lundi, le Prophète ordonna à ses partisans de faire de rapides préparatifs en vue d'une expédition contre les habitants de Mota, sur le territoire romain, pour venger les courageux soldats musulmans qui y étaient tombés en martyrs, dans une récente escarmouche. Le lendemain (mardi), il désigna un homme, nommé Osâmah, pour le commandement de l'armée. Osâmah était le fils de Zayd, l'esclave affranchi du Prophète, tué à Mota, et il n'avait que dix-sept ou dix-huit ans. Le Prophète demanda à Osâmah de se dépêcher afin qu'aucune information sur cette expédition ne parvienne à l'ennemi et que la surprise fût totale. "Surprends-le, lui dit-il et si le Seigneur t accorde la victoire, reviens ici sans délai".
Le mercredi, une violente attaque de mal de tête et de fièvre s'empara du Prophète, mais le lendemain matin (jeudi), il se trouva suffisamment rétabli pour préparer un drapeau de ses propres mains, et il le remit à Osâmah, comme drapeau de l'armée. Le camp fut ensuite installé à Jorf, à cinq kilomètres de Médine, sur la route de la Syrie. Le Prophète ordonna à tous ses partisans à Médine, sans excepter ni même Abû Bakr, ni `Omar, de le joindre tout de suite. Seul `Ali, à qui il avait demandé de rester avec lui, en était excepté.
Prédiction concernant 'Âyechah
La maladie du Prophète s'aggravait entre-temps. Malgré cela, pendant quelques jours de sa maladie, il maintint son habitude de se rendre dans les maisons de ses femmes à tour de rôle. Un jour, alors qu'il franchissait la porte de `Âyechah, il entendit un gémissement : "Ma tête ! Aïe, ma tête !" Il entra et dit : "`Âyechah ! C'est plutôt à moi de crier : "Ma tête ! Ma tête !" Et non à toi". Mais elle continua à crier : "Ma tête ! Ma tête !" Puis, dans un effort de tendresse, il lui dit : "Ne désirerais-tu pas, Ô `Âyechah, mourir pendant que je suis encore vivant, afin que je puisse t'envelopper dans un drap, prier sur toi et te déposer dans la tombe ?" Là , `Âyechah dit malicieusement : "En fait, je peux te comprendre ! Tu veux vivre avec une autre femme à ma place, après tout ce que tu viens de dire". Le Prophète sourit à la plaisanterie de `Âyechah, avec la triste compagnie d'une douleur aiguë dans sa tête, et partit pour l'appartement de MaymQnah.
Selon un autre récit; `Âyechah dit : "Chaque fois que le Prophète passait devant ma porte, il avait l'habitude de me dire quelques mots. Maintenant, il passe depuis deux jours sans prononcer un seul mot. Aussi ai je demandé à ma bonne de mettre mon oreiller à la porte. J'y pose ma tête bandée, et lorsque le Prophète passe par là , il entend mes gémissements et entre pour me parler comme il le faisait précédemment".
Hélas ! `Âyechah n'avait pas pu comprendre la situation. Elle aurait dû trembler en pensant à son sort ainsi prédit indirectement par le Prophète. Elle savait qu'il n'était pas d'assez bonne humeur pour prononcer de tels mots par plaisanterie, et que la situation ne prêtait pas à une telle plaisanterie sinistre avec sa femme bien-aimée qui était encore jeune alors qu'il avait atteint, lui, l'âge avancé de soixante-trois ans, pas du tout inconscient des prémonitions de sa fin, et souffrant gravement de maux de tête et de fièvre.
La prédiction se réalisera quelques quarante ans plus tard, lorsque, à l'époque de Mo`âwiyeh, `Âyechah sera enterrée vivante. Elle n'aura pour elle ni toilette mortuaire, ni drap pour l'envelopper, ni cercueil, ni prière sur son âme. Dans son "History of Saracens" (p. 375), Simon Ockley, citant une note de Price, écrit : "Selon un récit, `Âyechah fut assassinée sous le gouvernement de Mu`âwiyeh"; et de donner ces détails concernant cette affaire : "`Âyechah ayant résolument et avec affront refusé de prêter allégeance à Yazîd, Mu`âwiyeh la convoqua pour un entretien. IL avait fait préparer un puits ou un trou très profond dans la partie de la pièce réservée à sa réception, et il en fit couvrir l'orifice avec des branches et des nattes de paille. Une chaise fut placée au-dessus de l'endroit fatal. Lorsque `Âyechah fut conduite à son siège, elle s'enfonça dans une nuit éternelle. L'orifice du trou fut immédiatement rebouché avec des pierres et du mortier". Ainsi, `Âyechah fut enterrée sans faste tout comme elle s'était mariée sans faste.
La Dernière Maladie du Prophète
La fièvre du Prophète revint à la charge dans la maison de Maymûnah, en s'aggravant et avec des accès occasionnels d'évanouissement. Toutes ses femmes et tous ses parents se rassemblèrent pour le voir. On lui conseilla de ne plus se déranger pour rendre visite à tour de rôle à toutes ses femmes, comme il le désirait, et de rester tranquille dans un même endroit pendant sa maladie. La maison de `Âyechah fut proposée et admise à ce propos, d'une façon unanime. Le Prophète, la tête bandée et les vêtements mis hâtivement autour de son corps, fut conduit à la demeure de `Âyechah, soutenu par al-Fadhl, le fils d'al-`Abbâs d'un côté, par `Ali son cousin et fils adoptif de l'autre. Selon le récit fait par `Âyechah, celle-ci affirme que le Prophète était soutenu d'un c6té par al-Fadhl, de l'autre par une autre personne. Elle répugnait à citer le nom de `Ali, en raison du sentiment d'inimitié qu'elle éprouvait pour lui.
`Âyechah Espionne les Mouvements du Prophète
Une nuit, alors qu'il se trouvait dans la maison de`Âyechah, le Prophète se leva doucement de son lit et sortit dehors. `Âyechah pensa qu'il allait chez une autre femme et le suivit à pas de loup jusqu'à ce qu'il arrivât au cimetière de Baqî` où il pria pour le pardon de ceux qui y reposaient. Avant qu'il ne retournât, elle se hâta vers sa maison, où tout de suite après le Prophète arriva. IL devina ce qu'elle avait fait et l'interrogea. `Âyechah n'avait d'autre solution que d'avouer. IL lui dit : "Tu m'as soupçonné d'être allé chez une autre femme alors que je me suis rendu au cimetière par obéissance au Commandement d'Allah". Selon un autre récit, le Prophète fut suivi par Borayah, la bonne, envoyée par `Âyechah pour surveiller le Prophète. Selon une troisième version de ce fait, c'est Abû Râfi`, le serviteur du Prophète qui l'accompagna. Un quatrième récit affirme que c'est Abû Muwayhebah qui alla avec lui.
Hâter l'Expédition vers la Syrie
Bien que la maladie du Prophète s'aggravât de jour en jour, elle ne le confina toutefois pas totalement à la maison. Il maintint l'habitude d'aller chaque jour au Masdjid par la porte de son appartement donnant sur la cour, pour diriger la prière. Une semaine après avoir appelé ses hommes à préparer l'expédition vers la Syrie, il s'aperçut qu'ils ne s'empressaient pas d'aller au camp de rassemblement à Jorf. Il était en colère d'entendre les gens dire : "Il choisit un adolescent pour commander le chef des Muhâjirin". Un jour, après la prière, il s'assit sur la chaire, la tête toujours bandée avec une serviette, et s'adressa ainsi à l'assistance : "Ô vous les hommes ! Qu'est-ce que cela veut dire ? On dit que certains d'entre vous grognent contre le fait que j'aie nommé Osâmah pour le commandement de l'expédition vers la Syrie. Si vous me reprochez maintenant cette nomination, désormais vous me blâmerez aussi pour la nomination de son père, Zayd. Je voudrais que vous le traitiez bien, car il est l'un des meilleurs d'entre vous. Maudit soit celui qui s'abstient de rejoindre l'armée". IL demanda ensuite que l'expédition fasse mouvement le plus tôt possible, et quittant la chaire, il rentra chez lui.
Avertissement aux Muhâjirîn et aux Ançâr
Un autre jour, toujours après la prière, il dit à l'assemblée : "Le Seigneur a donné d Son serviteur le choix de continuer dans cette vie, alors qu'elle est pour lui ténèbres. Quant à moi, j'ai choisi l'autre vie. Tous les autres Prophètes moururent avant moi. Vous ne devriez pas vous attendre à ce que je vive éternellement". Après un moment de silence, il poursuivit : "Vous 1es Ançâr ! Traitez bien ceux à qui vous avez donné refuge. Et vous les Muhdjirîn ! Les Ançà r me sont sûrement chers, car c'est parmi eux que j'ai trouvé refuge. Honorez-les donc et traitez-les bien". Puis, il récita la Sourate al-`Açr : "Par le temps ! Oui, l'homme est en perdition, sauf ceux qui croient; ceux qui accomplissent des œuvres bonnes; ceux qui se recommandent mutuellement 1a Vérité, ceux qui se recommandent mutuellement la patience", et le verset 24 de la Sourate Mohammad : "Que peut-on attendre de vous, si vous déteniez l'autorité, sinon semer la corruption sur la terre et rompre vos liens de parenté". IL mit ainsi en garde ses Compagnons contre leurs desseins malicieux.
De l'Or Destiné à l'Aumône
Un jour, le Prophète interrogea `Âyechah sur l'or qu'il lui avait confié pour qu'elle le gardât. IL s'agissait de sept dinars, le reliquat d'une somme qu'il avait reçue pour la distribuer comme aum6ne. `Âyechah ayant répondu qu'elle l'avait chez elle, il lui demanda de le distribuer parmi les pauvres. Puis il tomba dans un état de semi inconscience. Peu après, lorsqu'il reprit connaissance, il demanda encore à `Âyechah d'offrir l'or en charité. IL réitéra sa demande une troisième fois mais vainement. A la fin il lui reprit l'argent et le confia à `Ali qui le distribua tout de suite aux familles pauvres.
Le Prophète Empêché de Transcrire sa Volonté
Le Jeudi précédant sa mort, et alors que beaucoup de ses principaux Compagnons étaient présents dans la chambre, le Prophète, étendu sur son lit, demanda qu'on lui apportât ce qu'il fallait pour écrire quelque chose : "Apportez-moi du papier et de l'encre afin que je puisse consigner pour vous un document qui vous évitera de retomber dans 1'erreur". `Omar s'interposa immédiatement ainsi : "L'homme est en délire. Le Livre de Dieu (Une grande partie des Musulmans considère cette phrase de Omar comme un geste de séparation de l'orthodoxie établie par le Prophète qui avait ordonné à tout le monde à suivre le Coran et sa Famille, en déclarant : "Je vous laisse deux grands Préceptes dont chacun dépasse l'autre en grandeur : le Livre de Dieu et ma Famille. Ils ne se sépareront pas jusqu'à ce qu'ils me rencontrent au Paradis") nous suffit". Quelques-uns parmi l'assistance dirent qu'il fallait apporter le nécessaire pour écrire; d'autres se rangèrent du côté de `Omar. La discussion s'anima et des voix s'élevèrent très haut pour contrarier le Prophète. Les dames derrière les rideaux voulurent fournir le matériel de l'écriture mais `Omar les rabroua : "Silence ! dit-il. Vous êtes comme les femmes de l'histoire de Joseph. Lorsque votre maître tombe malade, vous fondez en larmes et dès qu'il va un peu mieux, vous vous mettez à faire des taquineries". Ayant entendu ces propos, le Prophète dit : "Ne les grondez pas : Elles valent sûrement beaucoup mieux que vous cependant". Maintenant quelques personnes se mirent à demander au Prophète ce qu'il désirait enregistrer. Mais le Prophète récita sur un ton de colère le verset 2 de la sourate al-Hujurât (IL est dit que ce verset fut descendu à la suite d'une dispute entre Abû Bala et Omar concernant la nomination du gouverneur d'une ville, au cours de laquelle ils élevèrent la voix si haut en présence du Prophète qu'on pensa qu'il convenait d'interdire de telles indécences dans l'avenir (Sale). Le non-respect de ce Commandement conduit le Prophète à rappeler l'avertissement à cette occasion) (« Ô vous les croyants ! N'élevez pas la voix au-dessus de celle du Prophète. Ne lui adressez pas la parole d voix haute, comme vous le faites entre vous, de crainte que vos œuvres ne soient vaines, sans que vous vous en doutiez"). Et dit : "Allez-vous en ! Laissez-moi seul ! Car ma condition présente est meilleure que celle à laquelle vous m'appelez". Après avoir marqué une pause, il poursuivit : "Mais faites attention aux trois injonctions suivantes : un, chassez tout Infidèle de la Péninsule; deux, recevez avec hospitalité les délégations et offrez-leur le repas avec largesse, de la même façon que je le faisais". Quant à la troisième injonction, on dit qu'elle a été oubliée par le narrateur ou que sa mention a été omise.
Ibn `Abbâs se lamenta sur l'irréparable perte subie par les Musulmans ce Jeudi, par suite de l'empêchement du Prophète d'écrire ce qu'il voulait pour la guidance de ses adeptes. Se rappelant cet événement, il pleura jusqu'à ce que ses joues et sa barbe fussent mouillées par ses lamies.
La maladie du Prophète s'aggravait chaque jour un peu plus et il en était très conscient. L'expédition de Syrie le préoccupait cependant sérieusement. Il continua à dire à ceux qui l'entouraient : "Envoyez rapidement 1'armée d'Osâmah".
Abû Bakr Conduit la Prière
C'est un fait admis que jusqu'au soir du Jeudi précédant son décès, le Prophète continua à aller au Masjid pour diriger les prières à toutes les occasions. Mais la nuit de ce Jeudi-là , on dit qu'il ne put présider à la congrégation.
IL y a beaucoup de hadiths qui affirment que c'est Abû Bakr qui conduisit la prière de nuit ce jour-là . On dit qu'à dix-sept reprises, le Prophète recommençant à faire la prière de la nuit du Jeudi précédant sa mort, et ne pouvant pas présider à la congrégation au Masdjid, commanda à Abû Bakr de diriger la prière. IL est admis également que le matin du jour de sa mort, le Prophète alla au Masdjid, s'assit à côté d'Abû Bakr qui présida à l'assemblée et que lorsque les prières prirent fin, le Prophète fit un sermon du haut de la chaire avec une voix si puissante que sa portée dépassa de très loin les portes extérieures du Masdjid
Voici une tradition concernant ce fait: "A l'heure de la prière de nuit du Jeudi, le Prophète donna l'ordre de demander à Abû Bakr de diriger les prières. `Âyechah dit alors : "Ô Prophète ! Abû Bakr a le cœur fragile. Ordonne plutôt que `Omar dirige les prières". Le Prophète consentit à cette demande, mais `Omar en recevant l'ordre du prophète objecta qu'il ne pouvait pas remplacer Abû Bakr tant qu'il était présent. Finalement ce fut Abti Bakr qui dirigea les prières. Dans l'intervalle, le Prophète se sentant suffisamment rétabli, vint au Masdjid Abû Bakr ayant vu le Prophète arriver, s'apprêta à regagner sa place dans l'assemblée, pour laisser le lieu libre pour le Prophète. Mais ce dernier le retint par ses vêtements et lui ordonna de rester là où il était et il prit place à côté de lui, et se mit à réciter alors qu'Abû Bakr dirigeait la prière".
Ibn Khaldûn dit qu'à dix-sept reprises le Prophète dirigea de la même manière les prières d'Abû Bakr en étant assis à côté de lui alors que la congrégation était dirigée par ce dernier.
Selon une autre tradition, le Prophète avait ordonné Ã
`Abdullah Ibn Zam`ah de demander aux membres de la congrégation de lire eux-mêmes les récitations des prières. Alors que `Abdullah se dirigeait vers le Masdjid, `Omar fut le premier à le rencontrer. Aussi lui demanda-t-il de diriger les prières. `Omar se mit alors debout et de sa voix puissante il commença à réciter la formule préparatoire à la prière, "Allâhu Akbar". Le Prophète entendant la voix de `Omar depuis son appartement s'écria : "Non ! Non ! Ne laissez personne d'autre qu'Abû Bakr diriger les prières". `Omar se retira et désapprouva la conduite de Zam`ah. Celui-ci reconnut alors que le Prophète ne lui avait nommé aucune personne en particulier pour conduire les prières.
Une troisième tradition affirme : "Lorsque l'heure de la prière en assemblée fut arrivée, le Prophète demanda de l'eau pour faire ses ablutions. Mais essayant de se lever, ses forces le trahirent au point qu'il commanda qu'Abû Bakr récite les prières dans la congrégation. Et ayant donné cet ordre, il s'évanouit. Dès qu'il reprit connaissance, il demanda si Abû Bakr avait bien reçu son ordre. `Âyechah répondit qu'Abû Bakr avait le cœur tendre, qu'il pleurerait et que les gens entendraient difficilement sa voix; bref, qu'Omar conviendrait mieux, s'il recevait l'ordre de diriger les prières. Mais le Prophète réitéra l'ordre qu'Abû Bakr récite les prières à la congrégation. `Âyechah recommanda encore `Omar pour cette tâche, mais le Prophète voulait que personne d'autre qu'Abû Bakr ne fasse les récitations. Ensuite, sur l'insistance de Âyechah, on exhorta le Prophète à autoriser `Omar à présider à la congrégation. Contrarié et irrité, le Prophète s’exclama : "Vraiment vous êtes pareils aux femmes stupides de l'histoire de Joseph ! Faites exécuter tout de suite l'ordre que j'ai donné". L'ordre fut donné et Abû Bakr se mit à réciter le Takbîr. Dans l'intervalle, le Prophète ayant récupéré ses forces, était venu au Masdjid, soutenu par `Ali et `Abbâs. Lorsque Abû Bakr entendit le bruissement des vêtements du Prophète, il s'apprêta à revenir en arrière pour se ranger parmi la congrégation, mais le Prophète lui ordonna de rester à sa place et il s'assit à côté de lui. Ainsi, dans la prière, Abû Bakr fut dirigé par le Prophète et la congrégation par Abû Bakr.
Selon une tradition, Hafçah avait donné l'ordre à Bilâl de faire en sorte que son père (`Omar) dirigeât les prières publiques. A la suite de quoi, Mohammad la réprimanda et dit : "Elle est comme les femmes de l'histoire de Joseph". Et d'ajouter : "Dis à Abû Bakr de diriger les prières, car vraiment, si je n'en fais pas mon député, les gens ne lui obéiront pas (K. Wâqidî, p.145, cité par Muir, Vol. IV, p. 266).
"On dit qu'Abû Bakr dirigea les prières pendant trois jours avant le décès du Prophète. Selon une autre tradition, il dirigea les prières à dix-sept occasions, ce qui équivaudrait à trois jours et une partie du quatrième" (K. Wâqidî, p.145, cité par W. Muir, Vol. IV, p. 264).
Il ressort des différentes traditions précitées que le Prophète sortit jusqu'au dernier jour de sa vie au Masdjid et dirigea lui-même les prières. IL est raisonnable aussi de penser, que le Prophète ayant déjà donné l'ordre à Abû Bakr de partir avec l'armée de Osâmah et invoqué la malédiction contre qui conque négligerait d'exécuter l'ordre de rejoindre l'armée n'eût pas pu en même temps lui donner l'ordre de présider aux Prières Publiques à Médine - ce qui aurait supposé qu'Abû Bakr se fût trouvé à Médine, contrairement à son ordre précédent qu'il ne retira pas jusqu'à sa mort.
On dit que le droit de présider à une prière publique était toujours reconnu comme le signe manifeste du chef du pouvoir séculier. Si Abû Bakr avait été vraiment désigné pour présider aux Prières Publiques, les Ançâr qu'on prétend s'être rassemblés à Saqîfah pour choisir un Calife alors que le corps du Prophète n'avait encore été ni lavé ni enseveli, n'auraient pas osé entreprendre si hâtivement cette initiative en infraction avec un si récent ordre du Prophète, négligeant à ce point le fait que la prétendue désignation d'Abû Bakr pour diriger les prières aurait signifié qu'il avait été investi de l'Autorité Suprême.
Une grande partie des Musulmans infèrent donc d'une manière probante que l'imamat d'Abû Bakr fut imaginé après coup afin de justifier son accession au Pouvoir Suprême après la mort du Prophète.
Un autre jour, le Prophète s'adressa au peuple, après les prières, dans les termes suivants : "Frères ! Si j'ai causé injustement à quiconque d'entre vous un mal, je soumets mes épaules d sa vengeance. Si j'ai calomnié la réputation de quiconque d'entre vous, qu'il vienne relever mes fautes devant l'assemblée. Si je dois quoi que ce soit à quiconque, qu'il s'avance pour me réclamer son dû, le peu que je possède servira d m'acquitter. Je préfère subir un affront dans ce monde plutôt que dans l'autre". Et le Prophète d'ajouter : "Je n'ai rendu Iégal que ce que Dieu avait rendu légal, et je n'ai interdit que ce que Dieu avait prohibé".
Un homme sortit des rangs de l'assistance et réclama trois dirhams qui lui furent payés tout de suite. Après quoi, le Prophète rentra à la maison.
Dans la nuit du Samedi, la maladie du Prophète prit un tournant sérieux, et la fièvre, dit-on, ne diminua pas jusqu'au Dimanche soir. Dimanche, Osâmah sortit de son camp pour recevoir les bénédictions du Prophète avant son départ pour la Syrie, mais au moment de sa visite le Prophète était inconscient et évanoui. Osâmah lui parla, mais le Prophète ne lui répondit que par un mouvement de la main qu'Osâmah prit entre les siennes. Puis baisant la main et le front du Prophète, Osâmah retourna à son camp.
La Dernière Prière et le Dernier Sermon du Prophète dans son Masdjid
Tôt le lundi matin (le jour de Sa mort), le Prophète, toujours la tête bandée, sortit au Masdjid, soutenu par deux hommes. Après les prières, il fit un court sermon, d'une voix qu'on entendait au-delà des portes extérieures du Masdjid, lequel était inhabituellement rempli par les gens anxieux qui étaient venus s'enquérir de son état après la crise de la nuit précédente. Dans son sermon, le Prophète dit que les esprits malfaisants étaient proches et que la plus noire partie d'une nuit noire et tempétueuse s'approchait. A la fin du sermon, Abû Bakr dit : "Ô Prophète ! Par la Grâce de Dieu, tu es mieux aujourd'hui !" Osâmah était lui aussi présent, pour recevoir les bénédictions du Prophète qui lui dit : "Dépêche-toi avec ton armée; que la bénédiction de Dieu soit avec toi". Osâmah retourna au camp et donna l'ordre du départ le même jour. Abti Bakr revint chez lui à al-Souh.
La Mort du Prophète
Le Prophète regagna sa maison et, exténué, se jeta sur son lit. Ses forces le lâchèrent rapidement.
IL appela toutes ses femmes près de lui et leur donna les instructions nécessaires en leur ordonnant de rester tranquilles dans leurs maisons et de ne pas se montrer dans un état de l'Epoque de l'Ignorance (Sourate al-Ahzâb, verset 33). Fatima, sa fille bien-aimée pleurait. Il l'appela, la fit asseoir à c6té de lui et chuchota quelques mots dans son oreille. Elle fondit en larmes.
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