Ali (as) le quatrième califeRéflexions concernant l'Election d'un Calife à la place de Othmân
Après la mort de Othmân, la terreur régna dans la ville et les régicides en devinrent les maîtres en l'absence de tout gouvernement. Les citoyens, constatant l'état tumultueux de la populace en révolte, et craignant une guerre civile, réclamèrent l'élection immédiate d'un Calife. L'attitude menaçante de ceux qui étaient venus de différentes parties de l'Empire, c'est-à -dire d'Egypte, de Syrie, de Mésopotamie et de Perse à cette occasion, avait de quoi alarmer beaucoup de gens, car ils avaient décidé de ne pas se disperser avant de savoir qui serait leur Souverain. Il y avait deux candidats, Talha et Zubayr (tous deux, frères de lait de `Âyechah), qui aspiraient au Califat en s'appuyant sur le soutien puissant de `Âyechah, mais malheureusement pour eux, elle n'était pas présente à Médine à ce moment-là , puisqu'elle se trouvait à la Mecque, comme nous l'avons déjà noté. Talhah - qui avait pris une part active dans l'incitation des assiégeants de la maison de Othmân à précipiter le cours des choses - et son associé, Zubayr, étaient appuyés dans leur candidature par quelques gens de Basrah et de Kûfa, mais la majorité du peuple de Médine, qui prétendait jouir du droit exclusif d'élire un Calife, s'était choisi un troisième homme plus digne de ce poste. C'était un homme admiré aussi bien par ses amis que par ses ennemis, pour son courage, son éloquence, sa magnanimité, sa piété, sa noblesse et sa proche parenté avec le Prophète. Il s'agissait évidemment de Ali, le cousin germain du Prophète, et le père de la postérité du Prophète, par sa fille bien-aimée, Fâtimah. Il était considéré comme le prétendant naturel au Califat, et les gens, désireux à présent d'être gouvernés par l'héritier du Prophète, voulaient voir Ali élevé à sa légitime dignité. Talhah et Zubayr, alerté par l'atmosphère générale favorable à Ali, se tinrent tranquilles, et pensèrent qu'il était plus prudent de dissimuler leurs sentiments au point d'accepter de prêter serment d'allégeance à Ali lorsqu'il fut élu, avec la ferme intention d'abjurer dès qu'une occasion favorable se présenterait à eux. L'Election de Ali
Donc plusieurs notables de la ville de Médine se rendirent chez Ali et lui demandèrent d'accepter de gouverner. En réponse, il leur affirma qu'il n'avait pas d'attirance pour le pouvoir temporel, et qu'il prêterait volontiers d'allégeance à quiconque ils éliraient. Mais les Médinois insistèrent sur le fait qu'il n'y avait aucune autre personne aussi qualifiée que lui pour ce poste. Cependant Ali resta, malgré toute leur insistance, ferme dans son refus, et dit qu'il aimerait mieux servir un autre comme conseiller que de se charger du gouvernement lui-même. Les insurgés, soucieux de remettre la ville dans son état normal après l'avoir réduite eux-mêmes au présent état de désordre, étaient les plus ennuyés par la difficulté du choix d'un Calife. Aussi insistèrent-ils pour que, avant leur départ, les citoyens de Médine qui prétendaient jouir du droit exclusif de choisir le futur Calife, procèdent à son élection en un jour, car elles étaient les seules personnes qualifiées pour régler la controverse, en précisant que si ce choix n'était pas fait dans le délai imparti, ils (les insurgés) passeraient par les armes les notables de la ville. Alarmés par cet ultimatum, les gens revinrent chez Ali le soir même et lui expliquèrent la situation, le suppliant de reconsidérer sa position et les menaces qui pesaient sur la Religion. Cédant finalement à leur argumentation pathétique, Ali accepta leur requête, bien qu'avec réticence, en leur disant : "Si vous m'excusez et élisez un autre que vous jugeriez plus digne que moi d'être élu, je me soumettrai à votre choix et je prêterai allégeance à votre élu. Si non, et si je dois me conformer à votre désir et accepter votre offre, je vous dis franchement dès le début que je conduirai l'administration d'une façon totalement indépendante et que je traiterai tout selon le Livre Sacré du Seigneur et mon jugement". Ils acceptèrent sans hésitation ces conditions et s'apprêtèrent à lui serrer la main en guise de prestation de serment d'allégeance, mais il refusa de faire quoi que ce soit, si ce n'était en public, afin que personne ne puisse murmurer. En fait "Ali craignait les intrigues de `Âyechah, Talhah, Zubayr et de toute la famille Omayyade (dont le chef était Mu`âwiyeh, le lieutenant de Othmân en Syrie) dont il savait qu'ils saisiraient toutes les occasions pour s'opposer à son gouvernement" L'Inauguration du Califat de Ali
Le lendemain matin (le quatrième jour après l'assassinat de Othmân), les gens se rassemblèrent en grand nombre dans la grande Mosquée où Ali apparût habillé d'une simple robe de coton et coiffé d'un rude turban autour de la tête, et portant dans sa main droite un arc et dans sa main gauche des pantoufles qu'il avait 6tées par respect pour le lieu. Talhah et Zubayr n'étant pas présents, il demanda qu'on les fasse venir. Lorsqu'ils arrivèrent, ils lui tendirent leurs mains en signe d'approbation de son élection au Califat. Mais Alise garda de répondre à leur geste et leur dit que s'ils étaient sincères dans leur cœur, ils devaient lui faire serment d'allégeance en bonne et due forme, leur assurant qu'en même temps, si l'un d'entre eux acceptait le Califat, il était, quant à lui, tout à fait disposé à lui prêter serment d'allégeance en toute sincérité et qu'il serait plus heureux de le servir en tant que conseiller que de gouverner lui-même. Tous les deux déclinèrent cette offre, et pour exprimer leur satisfaction de son accession au Califat, ils avancèrent leurs mains pour lui rendre hommage. Le bras de Talhah avait été estropié à la suite d'une blessure survenue lors de la bataille d'Ohod. Aussi ne pouvait-il le tendre qu'avec difficulté. Et étant le premier à commencer la cérémonie d'hommage, l'assistance considéra son attitude comme une mauvaise augure et un assistant fit cette remarque : "Il est probable que ce sera une piètre affaire que celle qui commence par une main estropiée". La suite des événements donnera raison au présage. L'assistance prêta ensuite serment d'allégeance à Ali, et son exemple fut suivi par tout le peuple. Aucun des Omayyades ni des proches partisans de Othmân ne se présenta. Ali, pour sa part, ne pressa personne de venir lui prêter serment d'allégeance. Il y avait aussi certains notables de Médine qui restèrent à l'écart, ne voulant pas rendre hommage à Ali. Il s'agissait (selon al-Mas`tidî) de Sa`d Ibn Abî Waqqâç, Maslamah Ibn Khâlid, Al-Moghîrah Ibn Cho`bah, Qidâmah B. Matzun, Wahbân Ibn Sayfi Abdullâh B. Salmân, Hasan Ibn Thâbit, Kab Ibn Mâlik, Abti Sa îd Khudrî, Mohammad Ibn Maslamah, et `Abdullâh Ibn `Omar, Fidhalah Ibn `Abîd, Ka`b Ibn Ajza. Habib al-Sayyâr ajoute à cette liste : "Zayd Ibn Thâbit, Osma Ibn Zayd Abu Mousâ al-Achari Zayd B. Râfi, Salma Ibn Salma, Sohayb Ibn Sinân, No`mân Ibn Bachîr et al-Tabari y ajoute : Râfi` Ibn Khadij. Ces gens furent surnommés les Mo`tazilah. Les insurgés, ayant rendu hommage à Ali, retournèrent chez eux. Les Cris de Vengeance pour l'Assassinat de Othmân Après l'inauguration du Califat de Ali, Talhah et Zubayr, accompagnés de plusieurs autres, vinrent voir Ali et lui demandèrent que le meurtre de Othmân soit absolument vengé, offrant leurs services pour atteindre ce but. Ali savait parfaitement que le crime avait été perpétré devant leurs yeux et que leur cri de vengeance n'était destiné qu'à provoquer des troubles en excitant la foule des ennemis. Il leur expliqua donc que l'événement avait ses fondements dans de vieilles dissensions, qu'il y avait plusieurs parties dont les opinions divergeaient sur ce point, que ce n'était pas encore le moment de susciter une guerre civile, que le mécontentement était à l'instigation du diable qui, une fois maître du terrain, ne le lâcherait pas facilement, et que toutes les mesures qu'ils suggéraient de prendre n'étaient autres que la propre proposition du diable en vue d'encourager l'agitation et les troubles. Il les informa toutefois qu'il avait déjà convoqué Marwân, le secrétaire de Othmân, et Nâ'ilah la femme de ce dernier (qui étaient tous deux tout le temps dans la même maison avec le Calife assassiné) afin de les interroger sur les vrais coupables qui avaient perpétré le meurtre. Marwân était réticent, alors que Nâ'ilah dit que les meurtriers étaient au nombre de deux, mais elle ne put ni nommer ni identifier aucun d'eux. Ali ajouta à l'adresse des partisans de la vengeance que plusieurs personnes étaient suspectées d'être impliquées dans le crime, mais qu'il n'y avait pas de preuves formelles contre elles. Dans ces conditions, jura-t-il, à moins que toutes les parties s'unissent, si Dieu le voulait, il était difficile de faire des pas concluants. Il demanda aux visiteurs quelle méthode d'action ils proposaient pour atteindre le but. Ils répondirent qu'ils n'en connaissaient aucune. Puis, il dit : "Si vous parvenez à désigner un jour les assassins de Othmân, je ne manquerai pas de faire valoir la majesté de la Loi Divine en leur faisant payer ce qu'ils doivent". Ils restèrent silencieux. Ainsi, leur proposition insidieuse ayant été déjouée, ils repartirent. En même temps, averti par le départ soudain des familles Omayyades, Ali commença à s'assurer la bonne volonté des Quraych et des Ançâr en leur montrant sa haute appréciation de leurs mérites, car il voulait avoir autant d'alliés que possible pour faire face aux difficultés qu'il craignait de la part des Omayyades.
|