Ali (as) le quatrième calife



Les Réformes Envisagées par Ali

L'affaire suivante, qui fit l'objet de l'attention particulière du nouveau Calife, était la révocation des impies qui gouvernaient les différentes provinces avec une telle tyrannie que les gens avaient été acculés au désespoir, ce qui avait coûté la vie à Othmân. Beaucoup d'abus avaient été commis durant le règne de ce dernier, ce qui commandait une action immédiate, d'autant plus nécessaire que la plupart des gouvernements de provinces se trouvaient toujours entre les mains de personnes au passé douteux et à la foi suspecte. Déterminé à opérer une réforme radicale, Ali décida de déposer Mu`âwiyeh et les autres gouverneurs qui avaient été nommés par son prédécesseur. `Abdullâh Ibn `Abbâs, qui venait de rentrer de son Pèlerinage à la Mecque, s'opposa fermement à cette mesure, et notamment à celle de la déposition de Mu`âwiyeh, et conseilla à Ali de ajourner l'exécution de cette réforme pendant un certain temps, au moins jusqu'à ce qu'il se trouvât solidement établi sans son autorité. Il argua : "Si tu déposes Mu`âwiyeh, les Syriens, solidement attachés à lui pour sa munificence, se révolteront contre toi tous ensemble, ne te reconnaîtront pas comme Calife, et pis, t'accuseront du meurtre de Othmân. Il serait donc plus sage de le laisser continuer dans ses fonctions jusqu'à ce qu'il se soumette à ton autorité, et une fois cela fait, il te sera facile de le faire sourire par les oreilles de chez lui quand tu le voudras". "En outre, rappela-t-il à Ali, Talhah et Zubayr ne sont pas des hommes sur qui on peut compter, et j'ai de bonnes raisons de les soupçonner de porter les armes contre toi très bient8t et de se joindre peut-être à Mu`âwiyeh". "Mais, protesta Ali, la Loi Divine n'autorise pas les tromperies astucieuses. Je dois suivre strictement les principes authentiques de la Religion, et c'est pourquoi je ne dois pas permettre à une impie de rester à ce poste. Mu`âwiyeh n'aura rien d'autre que l'épée de ma part. Je ne peux le garder même pas un seul jour". "Bon ! Continua-t-il. Je te nomme, Ô Ibn `Abbâs". "Cela est pratiquement impossible", s'écria ce dernier. "Mu`âwiyeh ne me laisserait pas en vie, à cause de ma parenté avec toi."

Quand les réformes avancèrent, Talhah et Zubayr vinrent voir Ali et posèrent leurs candidatures pour être nommés respectivement gouverneurs de Kûfa et de Basrah. Mais Ali refusa poliment en faisant observer que dans les circonstances présentes, et critiques, il avait besoin de bons conseillers comme eux à ses c6tés.

Ayant choisi ses hommes pour le gouvernement des différentes provinces, Ali les envoya à leurs destinations respectives au mois de Moharram 36 A.H. pour remplacer les gouverneurs destitués. Ainsi, il envoya : l. `Obaydullâh Ibn `Abbâs au Yémen; 2. Qays Ibn Sa`d Ibn `Obâdah en Egypte; 3. Quthâm Ibn `Abbâs à la Mecque; 4. Samâhah Ibn `Abbâs à Tihâmah; 5. `Awn Ibn `Abbâs à Yamânah; 6. Othmân Ibn Honayf à Basrah; 7. Ammara Ibn Chahab à Kûfa; 8. Sa`îd Ibn `Abbâs à Bahrein; 9. Sahl Ibn Honayf en Syrie.

`Obaydullâh arriva au Yémen et s'aperçut que Ya`lâ, son prédécesseur, avait transféré vers la Mecque tout le trésor, évalué à environ soixante mille dinars, qu'il céda à `Âyechah avec six cents chameaux dont l'un était une rareté, un animal de grande taille et de bonne race, évalué à deux cents pièces d'or. Il s'appelait al-`Askar et fut spécialement offert pour l'usage personnel de `Âyechah. `Obaydullâh prit toutefois ses fonctions de gouverneur du Yémen.

Qays Ibn Sa`d, lorsqu'il s'approchait de l'Egypte, fut accueilli par la résistance du parti de Othmân, dans la garnison frontalière, mais il réussit à gagner le siège de son gouvernement en feignant devant les opposants d'être attaché à la cause de Othmân. Son prédécesseur, `Abdullah Ibn Abî Sarh, ayant acquis la certitude de sa proche révocation, avait déjà pris le chemin de la Syrie afin de se réfugier chez Mu`âwiyeh comme l'avaient fait la plupart des Omayyades depuis l'accession de Ali au Califat.

Othmân Ibn Honayf, qui était allé à Basrah, y entra sans opposition, mais Ibn `Âmir, son prédécesseur, était déjà parti avec tout le trésor pour rejoindre Talhah et Zubayr. Othmân occupa son poste, mais il constata que la désaffection pour Ali sévissait chez un grand nombre de gens.

`Ammârah, rencontra sur sa route vers Kûfa, à un relais appelé Zabala, Tulayhah et Qa`qa` qui lui conseillèrent de retourner à Médine étant donné, lui affirmèrent-ils, que les Kûftes étaient résolus à ne pas se séparer d'Abû Mûsâ al-Ach`arî qui avait été nommé selon leur propre choix par le dernier Calife. Ils l'avertirent que s'il tentait d'entrer à Kûfa, il aurait à faire face à une forte hostilité. `Ammârah rebroussa chemin vers Médine et fît un rapport sur ce qui s'était passé au Calife.

Lorsque Sahl, le nouveau gouverneur de Syrie, arriva à Tabûk, il rencontra un groupe de cavaliers qui lui dirent que le peuple syrien réclamait vengeance pour Othmân et qu'il n'était pas prêt à accueillir un homme nommé par Ali qu’il n'avait pas reconnu comme Calife. N'étant pas préparé à assurer son avance, Sahl retourna à Médine et relata les faits à Ali.

Le Plan des Omayyades en vue de soulever les Gens Contre Ali

Entre-temps, les Omayyades, ne négligeant rien qui puisse servir à perturber Ali et son gouvernement, apportèrent, sur les instances d'Om Habîbah, une veuve du Prophète et la soeur de Mu`âwiyeh, la chemise tachée de sang que Othmân portait lors de son assassinat, ainsi que les doigts estropiés de Nâ`ilah, sa femme, à Mu`âwiyeh en Syrie où il les utilisa comme un instrument pour susciter l'esprit de vengeance chez les gens. `Amr Ibn al-`Âç, le conseiller spirituel de Mu`âwiyeh, dit à ce dernier : "Montre à l'ânesse son ânon, elle remuera ses entrailles", et Mu`âwiyeh, s'exécuta en suspendant ladite chemise, sur laquelle on avait attaché les doigts estropiés de Nâ'ilah, sur la chaire de la Mosquée de Damas. Parfois ces reliques étaient transportées au campement de l'armée. Ces objets, exposés quotidiennement aux regards, exaspéraient les Syriens qui pleuraient tellement que leurs joues et leurs barbes étaient mouillés par leurs larmes et qu'ils jurèrent de tirer vengeance des assassins de Othmân.



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