LE CALIFAT DE MEDINE



Les quelque trente années qui suivent la mort du prophète sont déterminantes pour l'histoire de l'Islam. Elles ouvrent une période d'expansion et de conquête mais surtout, avec la question de la succession, elles sont à l'origine de la profonde division du monde musulman, encore souvent vécue de manière combative.

La disparition de Muhammad est suivie d'une grande confusion car la nouvelle communauté n'a aucune indication explicite sur la manière d'élire un dirigeant politique et religieux.

L'Islam chi'ite affirme, depuis le IIe siècle de l'hégire (VIIIe siècle) que Muhammad a désigné comme devant être son successeur Ali, son cousin, époux de sa fille Fatima et père de ses deux petits-fils, Hassan et Husayn. Les grands Compagnons du Prophète auraient passé outre à sa volonté en désignant l'un d'entre eux, Abu Bakr en l'occurrence, comme premier calife. L'Islam sunnite, constitué chronologiquement au IIIe (IXe siècle) hésite à se prononcer car il est en partie tributaire de récits chiites. Le jeu politique complexe des trois premiers siècles de l'Islam interfère constamment, en l'espèce, avec l'histoire historique. Face à la thèse chi'ite de la désignation de Ali, la contre-thèse sunnite de la désignation d'Abu Bakr, le premier calife historique, finira par se construire. En réalité, il semble acquis qu'aucune désignation préalable — qui aurait été contraire aux normes tribales selon lesquelles les représentants dominants du groupe décident seuls de la succession — n'ait été faite. Le choix du premier calife serait revenu, comme il était d'usage, à un conseil, qui n'aurait pas manqué d'être fort orageux.

Le califat de Médine compte quatre califes qui seront appelés les Bien Guidés (Rashidun).

Dans un premier temps, la majorité des musulmans s'accorde sur la personnalité d'Abu Bakr. Il est à la fois le compagnon de Muhammad et son beau-père. Ainsi, le premier calife (littéralement, celui qui succède) est désigné : la notion est présente dans le Coran mais elle reste imprécise et son contenu va changer selon les époques.

Pendant son règne, il réprime les révoltes tribales et pousse ses troupes vers le Nord. Mais son action est brève, 2 ans, puisqu'il meurt en 634, après avoir désigné le deuxième calife : Omar, autre beau-père de Muhammad.

Le califat d'Omar (10 années) amplifie et organise une conquête spontanée (Perse, territoires byzantins) et agence l'administration financière, juridique et militaire. Il fait désigner son successeur, Othman, par un collège électoral mais il est assassiné par un esclave chrétien.

Le troisième calife Othman, gendre du prophète et compagnon, sera lui aussi assassiné dans des conditions obscures (656). Moins énergique qu'Omar, il laisse se mettre en place de graves dissensions, alimentées par les querelles de la répartition de l'impôt, et auxquelles participent Aïcha, la jeune veuve de Mahomet, et Ali, son gendre et cousin.

C'est justement Ali qui sera le quatrième calife (jusqu'en 661).

En quelques années, les musulmans se sont rendus maîtres d'un espace de dimensions impériales. C'était là une situation absolument nouvelle pour des hommes de tribu habitués à des modèles de microsocialité. Les tensions et les conflits internes qui en résultèrent débouchèrent, sous le quatrième calife, sur une guerre entre tribus de cinq ans qui sera nommée plus tard la " Grande Épreuve ", al-Fitna al-Kubra. Elle constitue, jusque dans l'Islam actuel, un traumatisme culturel, religieux et symbolique majeur, senti comme la rupture de l'unité idéale et mythique de la période prophétique.



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