LE CALIFAT DE MEDINE



Le règne d'Ali n'est qu'une lutte perpétuelle contre les factions et le début d'une guerre civile dont l'apogée est la bataille de Ciffin. Elle oppose les troupes d'Ali et celles de Moawiya, gouverneur de Syrie et parent d'Othman dont il impute l'assassinat à Ali. Selon une manœuvre célèbre, les Syriens placent des pages du Coran au bout de leurs lances pour refuser un combat fratricide. Ali est contraint d'accepter un arbitrage qui va entamer l'unité de ses partisans et conduire les plus virulents à son assassinat.

Le meurtre d'Ali clôt la période des califes orthodoxes. Il achève de mettre en place le fameux et toujours actuel antagonisme entre Sunnites (90 % des musulmans, aujourd'hui) et Chi'ites (10 %).

Le califat de Médine, qui dure 32 ans, meurt sans doute de n'avoir pu, en une aussi courte période, gérer, à la satisfaction des tribus qui en constituaient les forces politiques actives, la révolution capitale et sociale qui s'imposait à lui, à travers des conquêtes territoriales qui allaient au-delà des rêves d'expansion les plus fous des hommes de l'Arabie tribale. C'est pourtant à cette période que l'on assiste à l'apparition du titre de " Commandeur des croyants " (Amir al-Mu'minin), qui aurait été inauguré par Omar. Il sera porté, en tout cas, par tous les califes postérieurs comme une marque confirmatoire de l'efficace de leur pouvoir. Si un calife médinois a vraiment prétendu à un tel titre, uniquement porté dans des circonstances d'exception, cela signifie qu'il a tenté de se doter, en permanence, d'une autorité que le système tribal lui refusait normalement. Ce serait déjà l'indice des mutations politiques à venir.

Les Omeyyades

La Grande Épreuve met fin au califat médinois. Mu'awiya devient alors le premier calife omeyyade (nom tiré de Umayya, ancêtre de son clan), avec pour capitale Damas.

Mu'awiya était issu d'un des puissants clans mécquois du paganisme. Son père, longtemps hostile à Mahomet, avait su, le moment venu, négocier avec lui la reddition de La Mecque. Lui et ses fils avaient ensuite été associés au pouvoir par le Prophète. Devenu calife, Mu'awiya saura rétablir le consensus tribal, notamment en obtenant l'allégeance à son pouvoir de Hassan, fils aîné de Ali et petit-fils du Prophète. Mais, en même temps, il semble avoir été l'un des premiers à comprendre que la pratique tribale du pouvoir devait céder la place à une politique à l'échelle d'un empire qui s'était encore agrandi et s'étendait de l'Afrique du Nord aux frontières orientales du grand Iran. A son initiative, une dynastie administrée sur le modèle des royaumes du Proche-Orient se met sur pied. Pour se muer de chef de tribu en roi, le calife devait, d'une façon ou d'une autre, inscrire son pouvoir dans un rapport direct au sacré et au divin. C'est ce qui semble se passer, lorsque, rompant brutalement avec les représentations et la terminologie tribales, Mu'awiya se fait proclamer " Calife de Dieu " (Khalifat Allah). Abu Bakr, premier calife de Médine, portait, quant à lui, le titre de Khalifat Rasul Allah (" Successeur du Messager de Dieu "). La nouvelle formule omeyyade ne signifie certainement pas que le calife entend se présenter comme un prophète, mais bien plutôt qu'il gouverne dorénavant en tant que dépositaire de l'ordre exécutoire de Dieu. La deuxième innovation majeure du premier calife omeyyade sera la désignation, de son vivant, d'un héritier présomptif. Cette décision fonde, dans l'Histoire, le dynastisme du califat, auparavant inconnu et, en tout cas, étranger au système ancien. Le bénéficiaire en sera son fils, Yazid, futur deuxième calife omeyyade. Il y avait là encore une rupture avec la pratique tribale selon laquelle, en cas de succession au sein d'une même famille, les anciens du lignage, généralement les oncles, frères du père décédé, prévalent sur ses fils. C'est encore le cas en Arabie Saoudite aujourd'hui. Le dynastisme Islamique postérieur relié à ce vieux fonds tribal oscillera constamment, selon le rapport des forces, entre la succession du fils et celle des oncles.

Dans un premier temps, ce dynastisme annoncé sera ressenti comme tellement insupportable qu'il sera à l'origine d'une autre guerre majeure, appelée la " Deuxième Épreuve ". Husayn, fils de Ali et deuxième petit-fils du Prophète, devenu chef de famille après le décès de son frère Hassan, perdra la vie à Karbala, dans le sud de l'Irak, avec un grand nombre des siens, au cours d'un combat sans espoir qu'il avait provoqué, au début du califat de Yazid, contre les troupes du gouverneur local.

Durant le califat omeyyade, la famille du Prophète, candidate déclarée au pouvoir, sera conçue de façon extensive et, dans une certaine mesure, tribale. Elle englobera toutes les branches du lignage prophétique, la branche élue étant implicitement considérée comme celle qui l'emporterait, avec l'aide de Dieu. C'est sur ces bases que les futurs Abbassides, descendants d'un oncle du prophète, Abbas, préparent, en concurrence avec d'autres branches, leur accès au pouvoir.

La branche abbasside du lignage prophétique renverse les Omeyyades au milieu du IIe/VIIIe siècle. Elle prend pour siège l'Irak où le deuxième de ses califes construira Bagdad, non loin du site de l'antique Babylone.

Au titre omeyyade de calife de Dieu, sera opposé, comme figure antonymique, celui d' " Imam ",

Historiquement, les Sunnites sont les héritiers des musulmans qui se rallient à Moawiya (le concurrent d'Ali, il se proclame Calife et fonde la dynastie des Omeyyades). Ils reconnaissent la succession des quatre premiers califes et affirment que la direction de la communauté suppose :



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