Le récit pathétique et passionnant de la conversion d’un jeune Français : Vincent L Puis, un jour, le surveillant chef me dit que j’allais changer d’aile, il fallait que je prépare mes affaires, je déménageais donc dans l’autre bâtiment. Arrivé dans ma nouvelle aile, on m’avertit que mon voisin passait ces nuits à crier. J’appréhendais que ce soit ce violeur qui croyait tout connaître, j’avais du mal à me mettre d’accord avec lui pour seulement une matinée, j’imaginais le pire s’il était mon voisin. Le soir venu, des murmures s’élevaient dans la coursive. Je ne comprenais pas d’où cela venait mais en percevant bien les sons, certes cela venait de chez mon voisin. J’étais content car ça ne pouvait pas être celui de l’aumônerie. Par respect, j’ai diminué le son de ma télé (en cd, nous sommes seuls en cellule.) Le lendemain matin, sa porte s’ouvrit avant tout le monde car il partait travailler aux ateliers. La mienne ne s’ouvrait que quelques heures plus tard. L’œilleton de ma porte s’éleva, je me suis levé, demandant qui était derrière la porte, c’était le nouveau voisin. Je lui ai dit : « Que tu parles fort ou à voix basse, Dieu t’entend de toute façon. ». Il m’a répondu : « le chameau regarde toujours la bosse des autres, jamais la sienne, je n’ai rien dit lorsque tu as mis ta musique fort ce matin. ». Comme, je ne pouvais pas le voir, je lui ai demandé de reculer en écartant l’œilleton pour l’observer physiquement. ‘Mâ châ’Allâh !’, il y a des centaines de détenus dans ce centre et j’avais comme voisin le Musulman de la salle d’attente du médecin. J’étais heureux d’avoir un tel voisin au lieu de l’autre. Je ne me rappelle pas trop de mes journées dans ce centre, mais ce Musulman était très différent du reste des détenus, il n'avait rien à voir avec cette majorité. Il était à l’écoute des gens, (contrairement à la notion du respect dû par la force en prison, lui, il n’avait pas besoin de cela (la force) on le respectait pour ce qu’il était.) Il me faisait des plats, me donnait de l’alimentation sans que je lui demande, il était le resto du cœur de notre aile ! J’ai essayé de faire d’autres connaissances puis en cherchant, j’ai rencontré des gens de ma ville qui avaient été comme moi dans l’ancienne maison d’arrêt. Je jonglais mes fréquentations entre lui (lorsqu’il ne travaillait pas) et les autres. Puis un jour, une triste nouvelle me parvient : mon grand-père décéda d’un cancer du cerveau. Je n’ai même pas pu avoir une permission exceptionnelle pour l’enterrement. Ces permissions sont acceptées seulement pour les parents les enfants décédés. Lorsque mon voisin l’apprit et me vit triste, au bord des larmes, il m’a dit : « un Musulman ne pleure jamais lorsqu’un de ses proches décède car il sait qu’il est entré au paradis alors que pour celui qui se lamente sur un mort, c’est parce qu’il sera entré en enfer. ». Ces mots m’ont détruit et l’aumônerie ne m’intéressait plus. Tout seul, je me demande où est- ce que je pourrais aller, qu’est-ce que j’allais faire de ma vie, je n’avais subi que des problèmes. C’est par cette remise en cause et ce dégoût que j’ai demandé à mon voisin, s’il pouvait m’apprendre la prière. Il était très heureux de ma demande. Je m’en souviens encore, comme si c’était hier, nous étions seuls dans sa cellule et il m’aida phonétiquement à la prononciation de la ‘Shahadatayn’[2] : «J’atteste qu’il n’y a de Dieu qu’Allah et Muhammad est son Messager ». Puis, il me présenta à ses frères, qui se trouvaient dans une autre aile. L’heure de la prière n’était pas encore arrivée, un des frères m’aida pour l’ablution rituelle, il me lava lui-même les pieds ! Mon for intérieur me dissuadait de renoncer, de rentrer dans mon aile. L’âme est très puissante, mais j’ai voulu savoir ce que signifiaient leurs prières, de quelle façon était la procédure et surtout je n’en avais plus rien à faire de la vie ! La façon de faire la prière est nettement mieux que pour les Chrétiens, lesquels passent leurs messes assis au lieu d’accomplir certaines postures en signe de soumission. De plus, il n’y avait pas ces querelles intestines comme celles du dimanche matin pour la messe. Malheureusement, j’allais rencontrer ces querelles au sein même des Musulmans et de l’Islam à l’extérieur de cette prison.
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