L’initiation d’Adam aux noms de la part de Dieu« Rappelez Dieu de la manière qu’Il vous a apprise, et que vous ne saviez pas … » (sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 239) Ce qu’il faut entendre par les Noms : Par les noms, il ne faut pas comprendre une série de mots, car il s’agit de réalités connaissables, visibles ou mystérieuses, du monde de l’être. Il faut donc comprendre par les noms les réalités que ces noms désignent. S’il ne s’agissait que de noms et de mots sans signification, il n’y aurait eu aucune raison d’en faire un motif de gloire pour Adam. En acquérant les sciences, l’homme a eu la possibilité de tirer profit des ressources matérielles et psychologiques de ce monde. De même, l’homme a appris à donner des noms aux choses, ce qui en soi constitue une grande bénédiction, car si cette possibilité de nommer les choses n’existait pas, il n’y aurait pas eu possibilité de transférer le savoir d’une génération à une autre, de transmettre le savoir du passé au savoir du futur. Bien entendu, l’inculcation des noms ne doit pas être comprise dans le sens où dans une classe, quelqu’un les aurait enseignés à Adam. Le vrai sens est plutôt que l’homme (Adam) a reçu la disposition innée à apprendre ces réalités, parce que c’est ainsi que le requiert sa complexion naturelle. Par conséquent, ces noms ou ces significations que Dieu a enseignés à Adam sont des entités vivantes, douées de conscience qui existent derrière le voile de l’invisible. Elles sont désignées par le pronom "eux’’ (hum) qui s’emploie généralement en arabe pour des êtres doués de raison. La façon dont Adam a eu accès à leurs noms n’est pas pareille à la façon dont nous prenons connaissance des différentes choses. La perception de leur existence lui a été conférée par la science que Dieu a imprimée en lui, quand Il le créa et surtout de par la volonté divine qui a « enseigné à Adam tous les noms », sans nous en préciser le mode opératoire, comme si la réalité de leur être lui était donnée à connaître par un dévoilement spirituel. Quant aux significations des objets visés par les noms, c'est-à -dire les choses ou êtres nommés, elles consistent en réalités externes (et non mentales) ou en entités spécifiques qui sont occultées derrière le voile de l’invisible du ciel et de la terre. La possibilité de les connaître existait pour un être de terre et d’argile comme Adam, alors que leur connaissance était impossible pour les anges. En outre, la possession de cette science faisait partie des attributions de la fonction de représentant de Dieu sur terre. Les anges n’ont pas la capacité ni la possibilité d’acquérir cette science. Dieu ne leur a pas donné cette science, parce que cela leur aurait conféré le même statut qu’à Adam, sans aucune distinction. Ils auraient eu aussi la qualité requise pour être des représentants de Dieu sur terre. Mais Dieu ne la leur a pas donnée, et Il l’a confiée exclusivement à Adam ; ce qui fait que cette dignité spéciale de lieu-tenant de Dieu est revenue exclusivement à Adam. Si les anges en avaient aussi bénéficié, ils auraient eux-aussi eu droit à la fonction de lieu-tenant de Dieu sur terre. Cela fait donc longtemps que dure la supériorité d’Adam sur les anges qui, même après Adam et la chaîne des prophètes, n’ont toujours pas pu comprendre en quoi elle consistait. Que signifie recevoir la science des noms ? Les dénominations que Dieu a apprises à Adam (as) sont des entités et des réalités externes douées de vie et de science. « Il apprit à Adam tous les noms, qu’ensuite Il énonça aux anges … » (sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 31). Ce fragment de verset proclame que les noms mentionnés ou ce que ces noms désignent, correspondent à des êtres vivants possédant l’intelligence et qui sont occultés derrière le voile de l’Invisible. C’est la raison pour laquelle la science que nous avons de ces dénominations est différente de la science que nous avons des êtres créés. Parce que si elle relevait de la même catégorie de science que nous avons, cela aurait eu forcément pour conséquence que les anges aussi seraient doués de cette science des noms, à l’instar d’Adam et seraient devenus ses égaux par cela-même. Ainsi, dans ce cas, bien que ce fût Adam qui les leur enseignât, Adam lui-même reçut sa science par enseignement divin. Par conséquent, Adam perdrait son statut de plus noble des créatures, ce par quoi il possède une supériorité sur les anges et ne jouirait plus d’une autre vénération particulière, cesserait de faire l’objet d’un amour spécial de la part de Dieu, et alors, quelle supériorité et quel honneur les anges auraient acquis sur Adam ! De même, si la science mentionnée était de la même sorte que celle que nous avons, les anges ne se seraient pas contentés du seul fait qu’Adam aurait eu la connaissance des dénominations et n’auraient pas accepté que leur argumentation soit rejetée, parce qu’enfin, en quoi cette connaissance serait-elle déterminante pour justifier le rejet de l’argument des anges ? Que par exemple, Dieu enseigne à un homme la linguistique, puis qu’Il l’amène auprès de ses honorables anges, qu’Il se glorifie d’avoir créé un tel être, qu’Il lui confère la supériorité sur les anges et ce malgré le fait que les anges aient fait preuve de tant de soumission et d’obéissance, au point qu’ils « n’anticipent pas sur Lui par le dire, ils n’agissent que sur Son ordre » (sourate Al-Anbiyâ (Les prophètes) ; 21 : 27), puis que Dieu dise à Ses serviteurs purs que cet homme est Mon lieu-tenant, qu’Il est digne que Je l’honore, et ce n’est pas votre cas ! Puis Il ajoute : si vous n’acceptez pas cela, et si vous pensez avoir raison de dire que vous méritez plus que lui la fonction de lieu-tenant de Dieu sur terre ou si vous réclamez pour vous-mêmes cette station, alors informez-Moi des langues et des mots que les hommes fixeront plus tard entre eux, afin que par ce moyen ils puissent exprimer leurs intentions. Outre le fait que de toute façon, la qualité suprême de la langue ne consisterait-elle pas en rien d’autre que, par son moyen, tout auditeur conscient puisse accéder à l’intention du locuteur ? Or les anges, sans avoir besoin de l’organe de la langue et de la parole, et sans aucune médiation, connaissent les secrets du cœur de chacun. Les anges possèdent donc une perfection qui est au-dessus de la perfection de la parole. Pour faire court, ce que l’on apprend est que ce qu’Adam a appris de Dieu, cette science que Dieu lui a enseignée est une science différente de celle que les anges ont apprise d’Adam. La science qui a été donnée à Adam consistait dans la réalité même de la science des noms ou des dénominations, chose qu’il était possible à Adam d’appréhender et qui ne l’était pas pour les anges. Et si Adam a mérité et a rempli les conditions pour la lieutenance de Dieu sur terre, c’est précisément à cause de cette science, et non pour en avoir informé les anges. Autrement, après en avoir informé les anges, ces derniers, comme lui en auraient été informés, il n’y avait plus lieu qu’ils puissent s’exclamer : nous n’avons pas de science : « Ils dirent : "A Ta transcendance ne plaise. Nous n’en savons que ce que Tu nous en as appris…’’ » (sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 32), pour dévoiler les essences de ces êtres, et pas seulement leurs noms, que chaque peuple fixe et détermine pour chaque chose selon sa langue propre. On en conclut ainsi que les dénominations et les appellations qu’il a été donné à Adam de connaître étaient des réalités et des êtres externes, et non pas de simples idées qui seraient contenues dans l’espace mental. Ce sont des êtres qui se trouvaient derrière le voile de l’Invisible, c'est-à -dire l’invisible des cieux et de la terre. Prendre connaissance de ces entités invisibles, telles qu’elles sont en elles-mêmes, était possible d’une part pour un être terrestre, et non pour les anges célestes, et d’autre part, cette science concernait directement l’exercice de la lieu-tenance divine. Le mot « Noms » (al-asmâ) qui apparaît dans « Il apprit à Adam tous les noms » est du point de vue grammatical un pluriel déterminé par l’article défini arabe al-, et cette sorte de pluriel implique la généralité, selon l’avis unanime des grammairiens. Outre cela, le verset corrobore ce sens de généralité dans le verset par l’ajout de l’adjectif indéfini « tous » (kullahâ). Il s’ensuit que ce qui est visé par cela est l’ensemble des noms pouvant servir à désigner un objet ou un dénommé, parce que dans le verset, il n’y a aucune réserve, exception ou condition, ou quelque chose qui nous autorise à comprendre que les noms ne concernent que les noms usuels, ordinaires. D’autre part, le verbe « il (les) énonça » (‘arazahum) indique que chacun des noms se rapporte à un être doué de vie et de savoir, et tout en étant doué de vie et de savoir, cet être en question existe derrière le voile de l’invisible des cieux et de la terre. C’est à croire que l’attribution de « l’invisible » aux cieux et à la terre pouvait être, dans certain cas, une attribution partitive. Mais comme le propos du verset est de montrer l’entièreté de la puissance divine ainsi que la perfection de la maîtrise de Dieu sur toute chose (ihâta), l’impuissance des anges ainsi que leur imperfection, il est nécessaire que nous disions que la relation mentionnée est similaire à la relation dans l’expression « la maison de Zayd » et est donc une relation de propriété. En conséquence, il en résulte que les noms dont il est question sont des sujets qui étaient absents de tous les cieux et de la terre, et qui se trouvaient entièrement hors des limites de l’univers et de l’existence. Lorsque nous considérons ces aspects évoqués, c'est-à -dire la généralité des noms, que les êtres désignés par ces Noms sont des êtres doués de vie et de science, et qu’ils se trouvent dans l’invisible des cieux et de la terre, alors apparaît clairement le sens visé par les versets étudiés, à savoir que :
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