L’initiation d’Adam aux noms de la part de Dieu



Il ressort de ce discours et d’autres paroles de l’Emir des croyants que l’homme parfait sait le contenu des réserves de toutes choses. La connaissance des réserves de l’Invisible qui fut accordée à Adam (as) a été héritée par d’autres hommes parfaits. Car cette station n’est pas le lieu de la multiplicité, en ce sens que le degré de l’homme parfait ne revient qu’à une personne réelle. Et quiconque parvient à cette station reçoit automatiquement la connaissance. Dans la sourate bénie Al-An‘âm (Les bestiaux), nous lisons :

« Il tient les clefs du mystère ; Il est seul à les connaître ; Il sait ce qui habite la terre ferme et la mer. Pas de feuille qui tombe sans qu’Il ne le sache ; ni de grains dans les ténèbres du sol, ni rien de sec ni d’humide qui ne s’inscrive au Livre explicite. Â» (6 : 59).

Toutes les choses de ce monde proviennent des réserves qui sont dans le monde invisible et les clefs de ces réserves, ou encore les réserves elles-mêmes sont auprès de Dieu, et personne ne les connaît, à moins que ce soit un être à qui Dieu en accorde la connaissance.

L’invisible échappe à la perception par l’intelligence et les cinq sens. Tout ce qui échappe au domaine des sens relève de l’invisible et ne peut être perçu par les personnes qui ne sont attachées qu’au monde phénoménal. Cet invisible est la réserve du monde du témoignage (shahâdat), les réserves du monde sensible se trouvent dans le monde invisible. Et toutes les réserves sont « auprès Â» de Dieu. Avant de parvenir au stade du monde du témoignage, les « choses Â» sont dans le monde invisible. Tous les savoirs, toutes les réalités sont « auprès Â» de Dieu. Ainsi, lorsqu’un homme atteint la perfection du savoir et se trouve « auprès Â» de Dieu, il obtient à son tour la science des réserves de l’invisible.

L’énonciation des noms aux anges

Dieu, exalté soit-Il, a appris par la science présentielle tous les noms à Adam, le père de l’humanité.

« Il apprit à Adam tous les noms, qu’ensuite Il énonça aux anges … Â»

Le mot « noms Â» (al-asmâ’, en arabe) apparaît ici sous la forme plurielle et il est en outre précédé de l’article al-qui indique un déterminant défini ; son sens de pluriel est corroboré par l’adjectif indéfini « tous Â» (koll) qui ne laisse pas de place à l’exception : Il lui apprit « tous Â» les noms. Cela veut donc bien dire que tous les signes, les symboles, les connaissances, les réalités ont été enseignés, sans intermédiaire, par Dieu à Adam (as). Ce qui fait qu’Adam est détenteur d’un savoir ladonnî, c'est-à-dire procédant directement de la Présence de Dieu. La particule « ensuite Â» (thumma, qui signifie aussi "puis") indique ici un ordre ontologique et non une postériorité temporelle. C'est-à-dire qu’Adam a d’abord reçu une initiation présentielle et il a pu comprendre ces réalités et connaissances et dans l’étape suivante, il a informé les anges de ces connaissances et réalités. Pour que le secret de la fonction de lieutenance de Dieu exercée par l’homme soit éclairci aux anges, Dieu met au défi les anges de lui dire ce que sont ces réalités.

« Informez-Moi des noms de ceux-là, si vous êtes véridiques ! ”» (sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 31). Si vous répondez juste, vous êtes qualifiés pour la lieutenance de Dieu. Parce que la direction de la lieutenance de Dieu n’est pas aisée pour celui qui ne possède ni les réalités ni les connaissances que J’ai apprises à Adam. La lieutenance parfaite de Dieu ne peut être exercée que par celui qui, comme Dieu, « connaît toute chose Â», même si la science divine est essentielle, alors que la science des hommes est accidentelle. Quant à « il les énonça Â» (‘araza-hum) qui s’accompagne d’un pronom complément d’objet direct « les Â», il s’agit d’une relation conventionnelle. Il ne s’agit pas d’une relation subjective avec les réalités nommées. Adam a bien nommé et désigné les mêmes réalités et connaissances qui lui ont été enseignées par Dieu. Mais cela s’est fait de la même manière que nous désignons le soleil, la montagne, l’eau, les minéraux, les plantes, sans pour autant les connaître dans leur structure interne. Il arrive ainsi que l’on puisse voir faiblement un objet qui peut être connu plus intensément. Les anges ont donc connu un degré faible de ces noms et des réalités désignées par ces noms, et ils n’ont pas eu une connaissance achevée de ces réalités. Dieu leur a dit en substance : de la même façon que Moi, Je connais par Essence toute chose, Mon lieutenant doit connaître toutes les choses mais par accident (à savoir avec Sa Permission). Êtes-vous ainsi ? Ou bien n’avez-vous de connaissance que des choses qui affirment Ma Transcendance et pas la connaissance de tous les Noms ? Les anges répondirent : « A Ta Transcendance ne plaise. Nous n’en savons que ce que Tu nous en as appris. Il n’est que Toi de Connaissant, de Sage. Â»




1 Pour créer une chose, Dieu lui donne l’ordre : "Sois !", et pour lui enseigner les Noms, Il lui a suffi de dire à Adam : "Sache !" Et Adam sut. C’est donc dans l’essence même d’Adam que Dieu a inscrit cette capacité pour lui de les connaître. Cela n’a pas pris des années d’études.


[2] Le terme arabe tawqîf signifie l’acte d’arrêter quelqu’un ou quelque chose ou de redresser une chose, de la mettre debout. Il s’agit ici de dire que les sens des noms utilisés par les hommes pour désigner des choses possèdent une limite, au-delà de laquelle le sens « s’arrête Â» et se suspend. C’est pourquoi nous traduisons par suspensif. Les théologiens musulmans soutiennent qu’il ne convient pas d’invoquer Dieu par d’autres Noms que ceux qu’Il nous a fait connaître dans le Coran. Les hommes n’ont pas le droit de créer des noms divins de leur propre chef. Il existe des positions médianes à ce sujet.

[3] Ash’hâd (pluriel de shâhed) témoins. Allusion aux versets coraniques 11 : 18 et 40 : 51 . En 40 : 51, il est question du « Jour où se lèvent les témoins Â». Cette forme de pluriel du mot shâhed n’apparaît que dans ces deux versets dans le Coran. Il existe deux autres formes de pluriel pour ce nom : shâhidûn, et shuhûd.

[4] Référence à une célèbre tradition rapportant une prière dans laquelle le Prophète (s) s’adresse à Dieu, en évoquant les classes ou catégories de Noms divins : Â« Je Te prie… par les Noms qui T’appartiennent avec lesquels Tu T’es nommé, ou que Tu as révélés dans Ton Livre ou que Tu as enseignés à l’une de Tes créatures, ou bien que Tu as gardés secrets dans Ta science de l’invisible ... Â» Hadith attesté par les sources chiites aussi bien que sunnites. Voir Al-Usûl min al-Kâfî, volume 2, p. 561.

 

5 Ladunn, mot arabe signifiant « auprès de Â», « de chez Â» d’après un verset coranique (voir 18 : 65) expliquant l’origine mystérieuse du savoir immense de Khezr. Se dit d’un savoir reçu comme un don direct de Dieu, et sans intermédiaire, procédant de la Présence divine. S’obtient par une présence spirituelle confiante, constante et assidue à Dieu. Il se distingue de l’enseignement professoral dispensé par un ou plusieurs maîtres, étalé dans le temps et sujet à l’erreur.

6 Dans le chiisme confirmé également par des traditions sunnites, le titre d’Amir al-mu’minîn, Emir des Croyants a été donné exclusivement à l’Imâm 'Alî ibn abî Tâlib, successeur légitime du Prophète de l’islam (s).

 



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