L’initiation d’Adam aux noms de la part de DieuLe débat sur le caractère suspensif (limité du sens) des noms divins est d’une part un débat théologique et juridique qui s’est posé d’abord dans la théologie, puis qui s’est exporté au droit. Il consiste à se demander s’il est permis ou non que nous appliquions à Dieu un nom qui ne figure pas dans le Coran ni la tradition. De ce débat, il en est ressorti premièrement que le nom ne doit présenter aucune sorte d’imperfection ; et deuxièmement, on a institué une différence entre la dénomination et la qualité (al-ism wa -l- sifa). Quant au débat philosophique et gnostique sur les Noms divins, il consiste à soutenir que le nom dans ce contexte n’est pas un mot ou une notion, mais une réalité externe, signification en vertu de laquelle les noms divins sont indéniablement limités dans leurs sens (tawqîfî). Parce que tout être possède un degré limite particulier de signification qu’il ne peut outrepasser en vertu du système des « causes et des effets » qui se pose en philosophie ou du système de la « manifestation et du lieu de manifestation » (zâhir o mazhar) qui est celui des gnostiques. Ce principe s’applique à tous les êtres et si un être est la manifestation totale de (tous) les noms, il devient le Nom Suprême qui n’est plus un nom limité, (tawqîfî), c'est-à -dire qu’il ne possède plus une limite, un lieu particulier où s’arrêterait et cesserait sa signification. Il est la manifestation de Dieu, il est le lieutenant (khalifa) de Dieu, et en conséquence, il peut avoir une présence en tout lieu. La signification de l’inculcation des noms possède aussi ce sens que Dieu a appris à Adam, le père de l’humanité, toutes les réalités, et cette initiation ésotérique (ta‘lîm) s’effectue par la voie présentielle (hozûrî) et non par la voie de l’acquisition ou celle de la notion et de la description, qui procèdent par la représentation, la confirmation, ou par l’emploi du syllogisme, de l’induction et de la métaphore. Dans ce cas, l’initiation consiste à s’opérer par les « témoins[3] » (ash-hâd), c'est-à -dire à présenter, rendre présents, les sens de façon qu’ils puissent être contemplés (shuhûd). Puisque Dieu a enseigné à l’homme parfait toutes les réalités, l’homme parfait devient donc le Nom Suprême (Esm-e a‘zam), et si les noms divins sont limités dans leur signification (tawqîfî), le Nom Suprême ne l’est pas, c'est-à -dire qu’il n’a pas une limite ou une capacité particulière. Et l’homme parfait qui en est le lieu de manifestation ne sera pas « confiné » ; au contraire, son domaine de présence s’étend à tous les autres noms. Mais un être qui n’est pas la manifestation du Nom Suprême, non seulement n’embrasse pas tous les Noms, mais il n’aura pas en outre la qualité pour assumer la fonction de lieutenant de Dieu sur terre. Au moment où Dieu allait énoncer les noms aux anges et qu’Il leur a demandé : « Informez-Moi de ces noms … » (sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 31), les anges ont reconnu leur incapacité et ont répondu : « A Ta transcendance ne plaise (Subhânaka !) » (sourate Al-Baqara (La vache) ; 2 : 32), pour affirmer d’abord la transcendance divine, puis ont poursuivi : « Nous n’avons pas de science [autre que ce que Tu nous as appris]… » (idem). Les anges disent ainsi qu’ils n’ont pas de science par eux-mêmes et que ce qu’ils savent, ils le doivent à Dieu et qu’ils ignorent ce que Dieu ne leur a pas appris. La signification de ces réponses angéliques consiste en réalité dans le fait que puisque les noms divins ont des significations limitées et déterminées et que les degrés des émanations sont aussi déterminés et mesurés, les anges ne peuvent que dire : telle est notre limite, ce qui est au-dessus de cette limite ne nous est pas accessible. La différence qui existe entre les noms (des objets) de l’univers est la même différence qui existe entre « existentiation » (îjâd) et existence (wujûd). Du côté de l’existentiation et de l’émanation, il y a le Nom Allah, et du côté de l’existence et en aval de l’émanation, il y a les noms de la terre, des cieux, de l’homme, de l’ange. Sinon, il s’agit de deux réalités indissociables et c’est mentalement que nous distinguons des noms des cieux et de la terre d’une part et des noms divins d’autre part. Il n’y a que les noms de Dieu qui se manifestent et les réalités de l’univers ne sont que des formes d’apparition de ces mêmes Noms divins. Excepté les Noms gardés secrets[4] qui ne se manifestent pas et qui ne sont pas sortis de l’Invisible pour venir dans le monde des possibles. Les Noms « gardés » ne sont connus que de l’Essence sacrosainte de Dieu, nul autre ne les connaît. La limite de la science des Noms
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