L'ASPECT MORAL DE LA FORCE EN ISLAMAinsi, nous pouvons voir comment les directives du Prophète aux combattants. recommandaient à ceux-ci d'avoir, dans la mesure du possible, une conduite exempte de toute nature rancunière, de tout esprit de destruction et de tout état émotionnel pendant la guerre, afin qu'ils ne s'éloignent pas de leur but et de leur Message. Selon un hadith de l'Imam Ja'far al-Sadiq: «Lorsque le Messager de Dieu voulait expédier un escadron de soldats quelque part, il l'invitait et le faisait s'asseoir près de lui et disait aux combattants: conduisez-vous au nom de Dieu, par Dieu, dans le sentier de Dieu et selon la religion du Messager de Dieu. Ne soyez pas rancuniers, ne profanez pas les cadavres, n'assassinez pas lâchement, ne tuez pas un vieillard désarmé ni un enfant, ni une femme. N'arrachez un arbre que si vous y êtes obligés. Si un fidèle - qu'il soit le moins gradé ou le plus gradé des combattants musulmans - suggérait, par ses regards, la paix à un polythéiste, il devrait le traiter en voisin(9) jusqu'à ce qu'il entende la parole de Dieu. S'il acceptait de vous suivre, il serait votre frère de religion, et s'il le refusait, amenez-le, sain et sauf, là où il se sent en sûreté».(10) Selon le hadith de l'Imam Ali: «Le Messager a interdit que l'on jette le poison dans le pays des polythéistes».(11) Dans ces directives du Prophète, nous voyons la ligne islamique humaine qui préconise au combattant de rester fidèle aux valeurs morales et humanitaires aussi bien pendant la guerre que pendant la paix. Car, le lien de l'homme avec les valeurs n'est pas accidentel et imposé par les circonstances, mais c'est un lien constant et indispensable, imposé par la foi et exigé par la vie. Ainsi, si la guerre était imposée par des circonstances exceptionnelles d'une situation donnée, nous devons alléger ses fardeaux et ses pertes en vies humaines, afin que son bilan se limite au minimum inévitable; pour cela le combattant doit contenir ses émotions et ses penchants provoqués par les haines et les douleurs de la guerre qui - dans certains moments difficiles - le transformeraient en une entité explosive et destructrice incapable de raisonner et mue par ses instincts qui tendent à détruire tout ce qu'ils rencontrent de l'ennemi, même les personnes qui ne se battent pas, ou qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se battre, et même les autres choses qui n'ont rien à voir avec la guerre. Dans certains cas, nous rencontrons des attitudes où prévaut un désir d'hésiter et de tergiverser devant la guerre, dans l'espoir de l'éviter, de se débarrasser des climats de combat, et de favoriser l'esprit de paix qui pourrait s'imposer à la situation du contact du droit chemin, du haq et du bien; c'est ce qu'on trouve dans l'attitude de l'Imam Ali pendant la Bataille de Saffine, lorsqu'il tarda à donner à ses compagnons la permission de combattre. Ceux-ci se demandaient, en effet, si son attitude ne découlait pas d'un état accidentel de lâcheté dû à la peur de la mort ou au fait de ne pas pouvoir déterminer clairement (dans sa position vis-à -vis des gens de Damas) ce qui était juste et ce qui était faux, et d'être par conséquent sceptique quant à la réalité des combattants de Damas et de leur direction. Mais la réponse de l'Imam à ces interrogations, nous est rapportée par al-Charif al-Radhi dans "Nahj al-Balagha". Elle nous explique le programme islamique concernant la question de la guerre et de la paix dans la pensée et la pratique de l'Islam, et réfute par là même les allégations de ses détracteurs: «Quant à votre dire que "c'était par peur de la mort", j'y réponds: par Dieu je ne m'inquiète pas si je vais vers la mort ou si celle-ci vient vers moi. En ce qui concerne votre dire qu'il(12) était sceptique sur les gens de Damas, j'y réponds: par Dieu, je n'ai fait la guerre que parce que j'aspirai à ramener un groupe d'hommes au droit chemin que je suis moi-même et à les attirer vers ma lumière; car je préfère cela plutôt que de les combattre pour leur égarement, même s'ils étaient imprégnés de péchés».(13) Ce n'est pas par un excès de zèle qu'il fait la guerre, mais par une nécessité qu'il n'aime pas. Il la repousse comme il repousse tout ce qui lui est imposé. S'il la rencontre, il le fait sans aucun enthousiasme personnel, tout en l'engageant avec la même ardeur qu'il éprouve pour la cause qui l'y pousse; c'est dire qu'il s'intéresse à la guerre dans la mesure où la cause qu'il défend le lui exige, et il s'en détache dès qu'elle cesse de concerner cette cause. Ce n'est pas une guerre chevaleresque provoquée par le tempérament, mais une guerre de devoir que le Message impose et à laquelle incite la vie pour défendre la vie. Cette position sublime découle sans doute de celle du Prophète et qu'on évoque dans certains livres de hadith: il y est dit, en effet, que chaque fois que le Prophète dépêchait une expédition, il disait aux combattants: «Familiarisez-vous avec les gens et soyez patients avec eux. Ne les attaquez pas avant de les avoir appelés à la raison. Car je préfère que vous fassiez convertir à l'Islam tout les habitants de la terre - ceux des maisons d'argile aussi bien que ceux qui dorment sous des tentes de poil - plutôt que de les tuer et de capturer leurs fils et leurs femmes».(14) Nous rencontrons l'idée islamique de la guerre dans les nobles versets qui demandent aux Musulmans de répondre positivement à l'appel de la paix qui leur est adressé, si cet appel représente une position pratique qui s'approche de la cause du Message et résout les problèmes qui ont provoqué et déclenché la guerre; car le refus de la paix et la continuation de la guerre dans ce cas, éloigne le combat de son objectif, et en fait une action individuelle, liée moins à la pensée islamique qu'à une position personnelle, et cela lui fait perdre sa moralité qui justifiait son existence et sa législation en Islam, et la transforme en une guerre jahilite(15) et immorale. Dieu a dit: «S'ils inclinent à In paix, fais de même, confie-toi à Dieu». (Coran VIII, 61).
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