L'lMAM AL-HUSAYN : PLANIFICATION POUR ENRAYER LA MORALE DE LA DEFAITEV - Moyens utilisés pour vaincre le défaitisme a) Refuser de commencer le combat Dans le but de concilier entre ces deux morales et de remplacer progressivement le défaitisme par celle qui prone le sacrifice, 1'Imam avait décidé de ne pas commencer lui-meme 1'affrontement. Cette attitude avait été celle de 1'Imam 'Ali bien que les conditions aient été sensiblement différemes. En effet, 1'Imam 'Ali(p)- était alors un chef d'Etat, qui ne devaitjamais entreprendre la lutte centre les citoyens, sauf en cas d'insurrection. Il avait, par exemple, refusé de déclencher la bataille contre 'Aysha, az-Zubayr et Talha, tant qu'ils ne s'étaient pas révolté contre le statut légitime du dirigeant de la communauté. La situation de 1'Imam al-Husayn(p)- était bien différente car il était en situation de révolte contre un pouvoir instauré. Son attitude ne semblait pas logique, mais il avait voulu, par cette attitude, faire admettre à la mentalité défaitiste, que son acte était légitime. Ainsi, lorsqu'il rencontre le bataillon de 'Ubaydullah b. Ziyad, commandé par al-Hurr, composé d'un millier d'hommes, il rejette la suggestion de Zuhayr b. al-Qayn d'entreprendre les hostilités contre ce bataillon, sous le prétexte qu'il devait etre plus facile à vaincre que ceux qui lui succéderont. Le role donné à Muslim b. 'Uqayl tend aussi à confirmer ce meme principe : 1'expédition de ce messager était limitée au cadre de cette attitude, ce qui expliquerait 1'absence de toute démarche active de sa part pendant les événements à Basra. Certains seraient amenés à supposer qu'il fut incapable d'évaluer la situation à sa juste mesure, ou qu'il devait prendre 1'initiative pour mieux controler la situation. Ces suppositions traitent Muslim comme s'il avait été désigné gouverneur. Mais aucune référence historique ne fait allusion à une pareille désignation de la part de 1'Imam. Ses messages adressés aux habitants de Kufa se limitaient à dire : "Je vous ai expédié un homme de ma famille en qui j'ai pleinement confiance, pour qu'il s'informe de votre situation, s'assure de votre fidélité et qu'il m'en fasse part. S'il me confirme ce que yous m'aviez écrit, je répondrai à votre invitation et je viendrai". Muslim b. 'Uqayl était uniquement chargé de s'informer de la situation de la base qui avait entretenu une correspondance avec 1'Imam, ce qui explique qu'il n'a pas dépassé les limites de sa mission. Arrivé à Kufa, il fut 1'hote d'al-Muhtar chez qui les Shi'ites se réunissaient publiquement, pour écouter les objectifs de 1'Imam al-Husayn^, lui assurer leur fidélité et déclarer leur disposition à agir en sa faveur. L'arrivée de 'Ubaydullah b. Ziyad bouleversa la situation et mit fin à cet enthousiasme. Muslim décide alors de changer son lieu de résidence et s'installe discétement chez Hani b. 'Arwa, le nouveau wali ayant décidé son incarcération, alors que le précédent manifestait une certaine indifférence, ce qui lui avait permis d'agir plus librement. Dés lors, les réunions furent plus discrètes jusqu'au jour ou Muslim apparut, accompagné de quatre mille hommes, devant Ie palais qu'il voulait occuper pour mieux controler la situation. Cette démarche ne faisait pas partie du plan initialement prévu entre Muslim et 1'Imam, il s'agissait plutot d'un acte de défense contre 1'offensive de ' Ubaydullah qui avait pris la décision de poursuivre et de supprimer les partisans de 1'Imam; Dans un message envoyé avec Qays b. Mushir As-Saydawi, 1'Imam démandait à ses partisans de tenir bon, en attendant son arrivée, car il n'était pas question de commencer la bataille. L'lmam devait, au départ, convaincre la masse que son action était au-dessus de tout soupçon, qu'elle était légitime, meme pour les Musulmans vaincus moralement et spirituellement. D'ailleurs, nous remarquons que 1'Imam, pendant sa marche de la Mecque à 1'Iraq, répétait sans cesse qu'il fallait poursuivre le voyage pour répondre aux appels qui lui étaient parvenus. Meme lorsqu'on lui rapporta la mort de Muslim, de Hani puis de Qays, il ne changea pas d'attitude,, meme au cours de sa rencontre avec al-Hurr b. Yazid ar-Riyahi, qui lui proposa de se réfugier dans une montagne en attendant qu'il puisse lui rassembler vingt mille hommes qui le soutiendraient et le dispenseraient d'aller a Kufa. Malgré toutes les indications qui montraient que les habitants de cette ville s'étaient déliés de leur promesse, 1'Imam n'arreta pas sa marche. Il ne s'agissait donc pas d'etre persuadé, ou de réagir en faveur des appels lancés par la base, mais d'affronter ce défaitisme par lequel la communauté concevait tout acte de sacrifice comme étant une témérité insensée et irréfléchie. VI - Mobilisation de toutes les émotions dans le combat L'un des moyens utilisés par 1'Imam consista à mobiliser toutes les forces et les possibilités pour le combat qui allait se dérouler : il ne se limita pas à s'exposer lui-meme à la mort, mais il exposa également sa famille, femmes et enfants et ceux qui 1'accompagnaient, au massacre et à la déportation. Il a voulu que son combat rassemble Ie plus de drames, de sacrifices et de souffrances possibles, pour empecher que le doute ne traverse la mentalité défaitiste, qui minimiserait 1'importance de 1'acte entrepris par un homme seul qui a trouvé la mort. Elle ne pourrait pas trouver d'excuse, par contre, à tons les crimes horribles qui furent commis par une armée, 1'armée umayyade, contre les membres de la famille du prophète. Il fallait que la mentalité défaitiste réalise pleinement que le massacre commis par 1'armée umayyade était illégitime, à tous les niveaux, d'après toutes les considérations. L'lmam devait donc entreprendre Ie combat avec son propre sang, celui de ses enfants et proches, avec toutes les considérations émotionnelles ou historiques. Il se para de la coiffure du prophète et il porta son épée. Il utilisa ces symboles historiques et émotionnels pour couper court à tous les discours défaitistes, à toutes les protestations, pour secouer la conscience du Musulman abattu, dont la volonté s'était ramollie. Ce fut ainsi. Il y parvint, grace à cette planification minutieuse. VII - Queues en sont les lecons ? L'une des principales leçons à tirer de cet événement est que toute action de changement de la morale de la communauté ne peut se permettre d'affronter ouvertement la moralité corrompue qui sévit car elle serait vite isolée, renfermée sur elle-meme et inefEbace. H faut donc procéder de façon à pouvoir donner conscience à la communauté, 1'acte entrepris devant alors etre sensé et légitimé. C'est ainsi que 1'Imam al-Husayn(p) a agi, et son action fut reconnue véridique et légitime, alors que celle des Umayyades fut taxée d'injuste et de tyrannique. C'est grace à cette vision lucide que les Musulmans ont pu s'ouvrir à de nouveaux horizons d'une moralité qui s'oppose au défaitisme. Cette lucidité a secoué la conscience des Musulmans et la secoue encore de nos jours. Ce n'est pas en ébranlant la conscience des Musulmans pendant une seule génération ou en dévoilant la vérité des Umayyades que Ie prix du sang de 1'Imam al-Husayn(p) sera payé. La réelle valeur de son martyre réside dans le fait qu'elle préserve son role moteur, motivante et purificatrice chez toutes les générations musulmanes, tout au long de 1'histoire. En pénétrant notre conscience comme cela fut le cas pendant treize siècles, nous apprenons à affronter toutes les tentations et toutes les menaces. Il nous faudra realiser la grandeur du sacrifice de 1'Imam et le comparer avec tous ceux, minimes, que nous sommes parfois appelés à faire, avec ce que nous offrons ou faisons en faveur de 1'Islam. L'lslam exige une part infime de sacrifice : il nous faut lui consacrer une partie de notre temps, de notre réconfort, de nos intérets personnels et de nos désirs, pour mobiliser nos efforts et capacités sur cette voie. Quel sacrifice pourrait etre comparé à celui de ce personnage magnifique qui a donné sa vie, Qu'Allah nous et vous pardonne !
|