L'Education de l'Âme



3- L'âme pourrait se renforcer par certains facteurs fortifiants, tels que l'écoute d'un prédicateur, la lecture du Coran, la crainte du futur et des conséquences lointaines des actes incriminés.

Ainsi, lorsque, pour l'une des raisons précitées, le croyant se trouve dans le stade de réveil, il doit saisir l'opportunité pour soumettre ses actes à un examen de conscience et se demander des comptes sur ses actes commis pendant le stade de léthargie, d'oubli et de soumission aux excitants. De même il doit s'employer à rechercher, si possible, les causes du réveil, par des moyens légaux, lorsque ces causes ne se présentent pas d'elles-mêmes.

La seconde solution: à laquelle doit recourir celui qui ne parvient pas à bénéficier de la première solution consiste à désigner une autre personne pour se charger de surveiller ses actes et de lui demander des comptes, afin que l'interrogé et l'interrogateur, le juge et la partie, l'accusateur et l'accusé ne soient pas une même personne et que la demande des comptes devienne aisée et réalisable. D'autre part, il faut savoir que la demande des comptes à soi-même n'est pas le domaine réservé des pécheurs pour que les croyants pieux s'imaginent qu'ils en sont dispensés, car en fait les degrés de la piété ou plutôt de 'irfân(10) sont infinis et la punition des «péchés mystiques» ou du manquement au devoir du mysticisme que ressentent les mystiques ('urafâ') n'est pas moins sévère à leurs yeux que la punition des péchés des pécheurs ordinaires. En effet un mystique puni de la privation des délices des munâjâts (entretiens intimes avec Allah) par exemple ou même de quelques degrés de ces délices pourrait peut-être ressentir la douleur de cette privation plus qu'un pécheur ne ressente la douleur de sa brûlure au Feu. Ainsi, la hauteur de la sublimation de la conduite dans le mysticisme étant illimitée, le mystique, quels que soient les hauts degrés de bonne conduite auxquels il parvient, ne saurait se dispenser de l'examen de conscience, tant qu'il aspire en permanence à atteindre à des degrés supérieurs dans la voie du mysticisme.

De même, la délivrance de la punition qu'il croit subir (en étant privé d'un degré supérieur de la proximité d'Allah) ou de la douleur morale lui procure une joie supérieure à celle éprouvée par le pécheur lors de sa délivrance de la douleur que lui cause sa punition corporelle. Il suffit de contempler le langage des mystiques pour sentir que les flammes de leur tourment engendré par la punition morale sont plus intenses que la brûlure physique que ressentent les pécheurs au contact du Feu.

Illustrons cette vérité par l'exemple suivant. Si l'on suppose que «l'évitement des propos vains» en général (que l'apparence du texte coranique suivant «Heureux les Croyants qui sont humbles dans leurs prières, qui évitent les propos vains»(11) présente comme trait des croyants) constitue une obligation mystique et non juridique, et que par conséquent, cette obligation (n'étant pas de nature juridique) n'ait qu'une importance secondaire, sa négligence, à supposer qu'elle ait été effectivement négligée, n'aurait rien d'alarmant!

Pourtant, on ne peut ne pas ressentir l'intense tourment que l'auteur du Do'â'(12) dit d'Abû Hamzah al-Thamâlî, éprouve en craignant de n'avoir pas rempli pleinement cette obligation. Ainsi s'adressant à Allah, il Lui fait part de cette crainte: «Ou bien, as-Tu jugé que j'ai un penchant pour la compagnie des oisifs(13), et Tu m'as laissé alors parmi eux!»

Ainsi, soucieux toujours d'atteindre à des degrés supérieurs de la perfection et de goûter ainsi au plaisir de la proximité d'Allah, les purs n'ont jamais de cesse de se remettre en cause et de surveiller scrupuleusement leur conduite.

En contemplant l'extrait suivant du même Do'â' d'Abû Hamzah al-Thamâlî, on ne peut ne pas être convaincu que la perte du plaisir des munâjât (ces entretiens intimes et émouvants avec l'Objet suprême de leur amour, Allah) est ressentie plus durement par les mystiques que la douleur de la brûlure causée par le Feu, dont souffrent les pécheurs:

«O mon Dieu! Chaque fois que je me suis dis être préparé et totalement prêt à prier devant Toi et à T'adresser mes supplications, Tu fais tomber le sommeil sur moi, lorsque je prie, et Tu me prives de mes supplications, lorsque je me mets à Te supplier!

»Qu'ai-je donc fait! Chaque fois que je me dis avoir réformé mon fond et rapproché ma position de celle des repentants, un malheur m'arrive qui fait glisser mon pied et m'empêche ainsi d'être à Ton service!



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