Abou Bakr, le premier calife



Abû Bakr prétend vouloir renoncer au Califat

Après la mort de Fatima, lorsqu'Abû Bakr vint voir Ali, celui-ci lui reprocha son manque de franchise et de bonne foi en ayant conduit les affaires de l'élection sans l'en avoir mis au courant. Abû Bakr, niant l'existence de toute intrigue, dit que la situation avait exigé qu'il fit rapidement ce qu'il avait fait, et que s'il avait tardé à le faire, le gouvernement lui aurait été arraché par les Ançâr. Toutefois, pour pacifier `All, il exprima son désir de se décharger du Califat en sa faveur. La date et le lieu de la déclaration publique de ce Renoncement furent fixés. Ils devraient avoir lieu au Masjid lors des prières de midi. Au moment de l'exécution, Abû Bakr monta sur la chaire, et demanda à l'assemblée la permission de se retirer et de transférer sa charge à une personne plus méritante. Et pour conclure, il dit: "Retirez de moi votre allégeance, car je ne suis pas le meilleur tant que Ali est parmi vous". Les gens n'étaient évidemment pas préparés à accepter une telle proposition, faite si brusquement. Ali n'était disposé à provoquer aucun trouble. Aussi se retira-t-il chez lui. Il est cependant certain qu'il n'avait pas prêté serment d'allégeance à Abû Bakr, au moins, comme certains l'affirment, jusqu'à la mort de Fatima.

L'Admonestation faite par al-Hassan

Selon une tradition, al-Hassan, le fils de Ali, était allé voir un jour Abû Bakr qui se trouvait alors assis sur la chaire du Messager de Dieu, et il lui dit : "Descends de ce siège de mon père". Abû Bakr lui répondit : "'Il dis vraiment la vérité car c'est bien le siège de ton père", et il le fit asseoir dans son giron et versa des larmes. Ali dit à ce propos à Abû Bakr : "Par Allâh, il (al-Hassan) n'a pas fait cela sur mon ordre". Abû Bakr répondit : "Ce que tu dis est vrai, par Allah, je ne t'ai pas soupçonné"

Quelques Récits du Califat d'Abû Bakr

N'étant ni l'héritier légal du Prophète, ni même considérer comme un membre de son clan (les Hâchimites), Abû Bakr n'était pas reconnu universellement comme le successeur légitime du Prophète. Par conséquent, beaucoup de tribus de la Péninsule Arabe cessèrent de régler la zakât payable au gouvernement. Les légats du Prophète, les collecteurs de zakat furent expulsés; De toutes parts, des nouvelles parvinrent, qui faisaient état de désaffection à l'égard du Califat. Il faudrait ajouter à ce motif d'inquiétude, l'attitude dangereuse des imposteurs Musaylamah et Tulayhah qui menaçaient la sécurité même de l'Islam au centre, au nord et à l'est de la Péninsule.

Faisant appel donc, à toutes les forces disponibles, Abû Bakr, les divisa en onze colonnes indépendantes, commandées chacune par un dirigeant distingué. Les commandements reçurent l'ordre de réclamer les provinces auxquelles ils avaient été assignés. On leur donna comme instructions de sommer, une fois arrivés à leur destination respective, les apostats de se repentir et de proclamer leur soumission au Califat. S'ils acceptaient ces conditions, ils devraient être pardonnés et réadmis en Islam. Et s'ils les refusaient, ils seraient attaqués, leurs combattants taillés en pièces, et leurs femmes et enfants pris comme prisonniers. On devrait faire les Athân (ou l'Appel à la prière) pour tester la foi des gens de ces provinces. Si ces gens écoutaient cet Appel et y répondaient, ils ne devraient pas être molestés; sinon, ils seraient traités en apostats, et attaqués en tant que tels. Avec ces instructions, Khâlid B. al-WAlid fut envoyé vers Tulayhah, alors que `Ikrimah et Charhabh furent désignés pour punir Musaylamah, Khâlid B. Sa`îd affecté à la frontière syrienne, Muhâjir au Yémen, `Alâ' à Bahrein, Hothayfah B. Mohsen et Arfajah à Mahra.

Tulayhah, l'Imposteur

Député par le Calife, Khalid marcha vers Tulayhah, l'imposteur. Sa colonne, de loin la plus importante des onze était composée d'un grand nombre de Compagnons du Prophète la fleur des Muhâjirîn. Par la suite, les Banî Tay, persuadés par Ali, se joignirent à Khâlid avec mille cavaliers. Ainsi renforcé, le contingent de Khâlid continua sa marche en avant. La rencontre entre les deux armées eut lieu à Bozakhah, où après une longue bataille, Tulayhah prit la fuite avec sa femme et se dirigea vers la Syrie. Khâlid resta près des Banî `Âmir pendant un mois. Les Banû Hawâzin rentrèrent, offrirent leur soumission et payèrent la zakât.

Mâlik Ibn Nowayrah et son Sort Cruel

Ayant subjugué les tribus habitant les hauteurs et le désert du nord-ouest de Médine, Khâlid se dirigea vers le sud pour s'attaquer aux Banî Yerbi`. Mêlik B. Nowayrah, leur chef, était un homme d allure noble, de grande valeur, un excellent cavalier, connu pour sa générosité et ses vertus princières ainsi que pour ses talents poétiques. Bref un homme dont toutes les qualités faisait l'admiration des Arabes. A tous ces atouts s'ajoutait l'enviable chance - qui lui sera fatale - d'avoir pour épouse la plus belle femme de toute l'Arabie célèbre pour sa grâce royale, appelée, Om Tamim ou Om Motamim ou Layla. Les hommes de Médine s'opposèrent d'abord au projet, alléguant que Khâlid n'avait pas autorité pour attaquer les Banî Yerbi`. Mais pour une raison quelconque, Khâlid y était résolu. Ainsi il leur répondit hautainement : "Je suis le Commandant, en l'absence des ordres, c'est à moi de décider. Je marcherai sur Mâlik Ibn Nowayrah avec les hommes de la Mecque et avec tous ceux qui choisiront de me suivre. Je n'y obligerai personne". Et il se mit en marche.

Ayant appris que Khâlid s'approchait à la tête d'une armée forte de quatre mille cinq cents hommes, Mâlik se résolut à une soumission immédiate. Il était au courant de l'ordre d'Abû Bakr, selon lequel quiconque répondait volontiers à l'Appel à la prière ou n'opposait pas de résistance ne devrait pas être molesté. Mais Khâlid traita la région directement en territoire ennemi et envoya des groupes un peu partout pour tuer et faire prisonniers tous ceux qui hésitaient à se soumettre.

Parmi bien d autres, Mâlik fut emmené, avec sa femme, comme captifs. La beauté de cette dernière éblouit les yeux du rude soldat et durcit son coeur contre son mari. "Refuses-tu de payer la zakât ?" demanda Khâlid sèchement à Mâlik : `Ne puis je pas prier sans toutes ces exactions ?" lui répondit celui-ci. "La prière sans aum6ne n'est pas valable" rétorqua Khâlid. "Est-ce l'ordre de ton maiître ?" dit Mâlik hautainement. "Oui, mon maître et le tien" hurla Khâlid, furieux. Et d'ajouter : "Par Allah, tu mérites la mort". "Est-ce là aussi l'ordre de ton maître ?" répliqua Mâlik avec un sourire de mépris. "Encore ! Coupez la tête de ce rebelle", s'écria Khâlid dédaigneusement. Ses officiers intervinrent. Abû Qatadah et `Abdullah B. `Omar témoignèrent que Mâlik avait tout de suite répondu à l'Appel à la prière et qu'il était un Musulman. La femme, le visage dévoilé et les cheveux ébouriffés, se jeta aux pieds de Khâlid, implorant pitié pour son mari qui, remarquant le regard admiratif de Khâlid sur la beauté charmeuse de sa femme s'écria : "Hélas ! C'est là le secret de mon malheur ! Sa beauté est la cause de ma mort !" "Non ! C'est à cause de ton apostasie que Dieu te tue!" cria Khêlid. "Mais je ne suis pas un apostat ! Je professe la vraie foi", protesta Mâlik. Toutefois la rage feinte de Khâlid ne put être apaisée. Aussi donna-t-il le signal de la mort. A peine la profession de foi se dessina-t-elle sur les lèvres du malheureux, sa tête passa par le cimeterre de Dharar B. Azwar, un homme aussi brutal que Khâlid.

Khâlid, non content d'une telle brutalité, ordonna que les têtes des tués fussent jetées dans le feu brûlant sous les marmites. La tête de Mâlik avait une masse de cheveux avec des boucles flottantes, ce qui rendit le bn3lage du crâne très difficile. Dans la même nuit, alors que le sol était encore trempé de sang de Mâlik, sa femme fut jetée dans l'étreinte lascive de Khâlid. Elle lui fut remariée un jour ou deux plus tard, sur place, et ce malgré le délai fixé par le Prophète pour le remariage d'une veuve.

Plainte auprès du Calife contre Khâlid

Les gens de Médine qui s'étaient opposés une première fois à la marche de Khâlid vers Banî Yerbi`, et qui lui avaient fait des remontrances par la suite lors de l'exêcution de Mêlik étaient choqués par le sort cruel qui lui avait été réservé et éprouvaient du mépris pour sa conduite après ce meurtre. Abû Qatada jura qu'il ne servirait plus jamais sous sa bannière. Aussi quitta-t-il le camp et partit tout de suite à Médine en compagnie de Motammim, le frère de Mâlik, qui déposa une plainte formelle auprès du Calife. `Omar ayant entendu de Qatada et d'autres, tout sur cette affaire, défendit la cause du chef assassiné. Il demanda à Abû Bakr de faire lapider Khâlid jusqu'à la mort pour adultère ou de le faire exécuter pour l'assassinat d'un Musulman . Mais Abû Bakr n'ayant pas accepté ces propositions, `Omar lui suggéra alors que l'offenseur fût dégradé et enchaîné, faisant valoir qu'une épée trempée dans la violence et l'outrage doit être rengainée. Mais Abû Bakr fit remarquer que Khâlid avait péché plus par erreur qu'intentionnellement. Il observa également que Wahchî, qui avait tué Hamzah, l'oncle du Prophète, fut pardonné par celui-ci. Néanmoins, il somma Khâlid de justifier les charges qui pesaient sur lui.



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