Abou Bakr, le premier califeLe Jugement d'Abû Bakr
Khâlid revint à Médine et, alors qu'il se rendait chez le Calife dans son habit de champ de bataille, le turban enroulé grossièrement autour de la tête et orné d'une flèche représentant son grade de général, il rencontra `Omar qui le réprimanda, le traita de meurtrier, d'adultère, et arrachant la flèche de son turban, la brisa sur ses genoux. Khâlid ne sachant pas s'il allait être reçu par le Calife de la même façon, garda son calme et poursuivit son chemin vers Abû Bakr. Il glissa deux dinars au portier et lui demanda de l'introduire chez le Calife lorsqu'il serait seul et de bonne humeur. Une fois chez le Calife, il lui fit son récit des événements, qui fut accepté par Abû Bakr. Il le blâma seulement pour avoir épousé la veuve de sa victime sur le champ de bataille et dans des circonstances que répugnaient aux coutumes et aux sentiments des Arabes. Lorsqu'il sortit de chez le Calife, il montra à `Omar par son attitude qu'il avait été disculpé. `Omar garda le silence, mais sans croire à son innocence. Il n'oubliera ni ne pardonnera son atrocité. Lorsqu'il accédera au pouvoir, la révocation de Khâlid de son poste sera le premier ordre qu'il donnera. Fujâ'ah al-Salmî
Fujâ'ah al-Salznî, un chef des Banî Solaym (et selon Ariza-i-Khawar et Tahthib-al-Matn, un Compagnon du Prophète qui avait participé à la Bataille de Badr) se présenta devant Abû Bakr et lui offrit ses services pour soumettre les tribus avoisinantes déloyales. Il demanda pour ce faire qu'on lui fournisse les armes et les équipements nécessaires à ses partisans. Une fois équipé par le Calife, il abusa, dit-on, de la confiance qui avait été mise en lui, en organisant des expéditions de pillage contre quiconque présentait pour lui une chance de pouvoir être pillé, sans chercher à savoir s'il s'agissait de tribus loyales ou déloyales. Le Calife ayant appris ce qui se passait, envoya Târiqah B. Hâjiz pour le ramener à la raison. Fujâ'ah défia son adversaire d'engager des pourparlers, et affirma qu'il avait lui-même reçu du Calife une mission similaire à la sienne. Ils finirent par se mettre d'accord pour comparaître devant le Calife pour s'expliquer. Ainsi, mettant de c6té ses armes, Fujâ'ah partit pour Médine avec Târiqah.Mais à peine s'était-il présenté devant le Calife, qu'il fut arrêté pour être brûlé vif. Il fut conduit immédiatement à Baqî` où on alluma un grand feu et on l'y jeta. Abû Bakr, dont on dit qu'il avait un cœur tendre, et qu'il était modéré dans ses jugements et généreux avec un ennemi désarmé, regrettera par la suite cet acte de sauvagerie qu'il avait commis. C'était là l'une des trois choses qui le hantèrent le plus vers la fin de sa vie et dont il disait souvent : "J'aurais voulu ne l'avoir pas fait". La Rébellion à Hadhramawt, Conduite par Ach`ath B. Qays
Ziyâd B. Labîd, le Gouverneur de Hadhramawt, suscita la haine des Banî Kinda par son âpreté dans le recouvrement de la Zakât. Un jour il mit la main sur un chameau appartenant à un certain Yazîd B. Mu`âwiyeh al-Qorê, et refusa de le rendre en échange d'un meilleur chameau que Yazîd avait offert. Ce dernier fit alors appel à Hârith B. Sorâqah, un notable puissant de la région. Celui-ci prit parti pour Yâzid et demanda à Ziyâd de restituer le chameau en échange d'un autre. Ziyâd persista toutefois dans son refus, ce qui exaspéra Hârith et le poussa à le retirer lui-même du hangar où les chameaux étaient gardés, et à déclarer sans détours : "Tant que le Prophète vivait, nous lui avons obéi. Maintenant qu'il est mort, nous ne sommes enclins à obéir qu'à son successeur, issu de sa propre famille. Le fils d'Abû Qohâfah n'a pas le droit de nous gouverner. Nous n'avons rien à faire avec lui". Il composa un poème dans lequel il louait la famille du Prophète et critiquait Abû Bakr, et il l'envoya à Ziyâd. Ayant remarqué le mépris qu'éprouvaient les gens à son égard, Ziyâd fuit pour sauver sa vie et chercha refuge chez les Banî Zobayd, une tribu voisine. Mais ceux-ci le reçurent froidement et exprimèrent leur sympathie pour les vues de Hârith. Ils dirent que les Muhâjirîn et les Ançâr avaient privé l'héritier légal du Prophète de ses droits parce qu'ils étaient jaloux de la supériorité des Hâchimites, et qu'il était improbable que le Prophète n'est pas désigné un successeur parmi sa propre famille. Estimant qu'il n'était pas en sécurité avec de telles gens, Ziyâd fuit à nouveau pour chercher refuge chez d'autres tribus, mais partout il eut droit au même traitement. A la fin, il prit le chemin de Médine où il fit un rapport détaillé au Calife sur ce qui se passait. Abû Bakr, alarmé par ce rapport, mit à sa disposition quatre mille combattants pour subjuguer les tribus révoltées. Ziyâd retourna ainsi à Hadhramawt et essaya pendant longtemps, mais en vain, de récupérer les gens et le pays. Ach`ath Ibn Qays, le Chef des Banî Kindah, lui opposa une résistance acharnée. Il est à noter que ce même Ach`ath avait embrassé l'Islam et prêté allégeance au Prophète en l'an l0 A.H et qu'en outre il était fiancé avec la soeur d'Abû Bakr, Om Farwah. Ayant été mis au courant des difficultés dans lesquelles se trouvait Ziyâd, Abû Bakr ordonna à Mohâjir B. Abî Omayyah et à `lkrimah B. Abû Jahl de partir tout de suite respectivement de Çan`â' et d'Aden pour porter secours à Ziyâd. Entouré par l'ennemi, Ziyâd envoya un appel urgent à Mohâjir pour venir le délivrer. Entre-temps Mohâjir et `Ikrimah, partant respectivement de Çan`â' et d'Aden, firent leur jonction à Marab, et étaient en train de traverser le désert sablonneux de Sayhad qui les séparait de Hadhramawt. Prévenu de la situation critique de Ziyâd, Mohâjir se mit en route précipitamment à la tête d'un escadron mobile; et ayant rejoint Ziyâd, il se trouva nez à nez avec Ach` ath qui se réfugia dans le fort de Nojayr que Mohâjir investit immédiatement. `Ikrimah le rejoignit rapidement avec le corps principal de l'armée. Les deux forces constituèrent une armée suffisamment puissante dans la région avoisinante. Piquée au vif par la crainte d'être témoin de la ruine des proches, et préférant la mort au déshonneur, la garnison se mit en route et combattit chaque jour autour de la forteresse. Après une lutte désespérée dans laquelle toutes les voies d'accès à la ville furent jonchées de morts, la garnison fut refoulée. Entre-temps, Abû Bakr ayant reçu les nouvelles de la résistance obstinée des rebelles, donna l'ordre de leur infliger une punition exemplaire et de ne pas faire de quartier. La malheureuse garnison, se trouvant face à un ennemi dont le nombre ne cessait de s'accroître, et alors qu'elle ne voyait aucune perspective de secours pour elle, fut prise de désespoir. Le rusé Ach`ath, ayant constaté la situation désespérée, prit contact avec `Ikrimah et proposa perfidement de lui livrer la forteresse s'il acceptait d'épargner la vie de neuf personnes. Les soldats du Calife entrèrent ainsi dans la ville assiégée, tuèrent les combattants, et prirent les femmes comme captives. Ach`ath présenta la liste des neuf personnes à épargner : "Ton nom n'y figure pas !" dit Mohâjir à Ach`ath, qui avait oublié, dans sa précipitation, d'inscrire son propre nom sur la liste". "Dieu soit loué, Qui t'a fait condamner par ta propre bouche", lui dit Mohâjir. Aprs l'avoir enchaîné et alors qu'il (Mohâjir) était sur le point de donner l'ordre de son exécution, `Ikrimah s'interposa et le persuada, à contrecœur, de soumettre son cas à Abû Bakr. Les pleurs des femmes captives voyant le massacre de leurs fils et de leurs maris accablèrent le traître, qui passait par là , de malédictions. (Un millier de femmes furent capturées dans la forteresse. Elles criaient au visage de Ach`ath, à son passage : "Il sent le feu", c'est-à -dire, c'est un traître). Abû Bakr juge Ach`ath
"Une fois Ach`ath conduit à Médine, Abû Bakr le traita de pauvre pusillanime qui n'avait ni la force de diriger, ni même le courage de défendre son peuple et le menaça de mort. Mais finalement, tenant compte des accords conclus avec `Ikrimah, et touché par ses serments que désormais il défendrait courageusement sa Religion, Abû Bakr non seulement lui pardonna, mais l'autorisa à se marier avec sa sœur (Om Farwah). Ach`ath resta pendant un certain temps désœuvré à Médine. On entendit un jour Abû Bakr dire que l'une des trois choses qu'il regrettait d'avoir faites pendant son Califat, c'était d'avoir épargné la vie de ce rebelle". "Om Farwah donna à Ach`ath une fille et trois fils. La fille (Jo`dah) empoisonnera al-Hassan fils de Ali, qui mourra des suites de cet empoisonnement. Deux de ses fils, Mohammad et Is-Hâq figureront contre al-Hussayn Ibn Ali et ses compagnons à Karbala'. Mohammad sera tué par la suite lors de la bataille opposant l'armée de Moç`ab à celle d'al-Mukhtâr qui voulait venger l'assassinat d'al-Hussayn". Expéditions vers des Pays Etrangers
Les apostats ayant été soumis et récupérés, et les révoltes écrasées, on put songer à la conquête de pays étrangers et des expéditions furent ainsi organisées contre la Syrie et l'Irak. Les Romains furent défaits à la bataille de Yarmûk, au terme de laquelle une grande partie de la Syrie fut mise sous domination musulmane, pendant les années 12-13 A.H. A la même période une grande progression fut réalisée vers les frontières de la Perse. La Nomination de Yazîd
Vers la fin de l'année 12 A.H. (printemps de 634 A.J.C.), Yazîd, fils du tristement célèbre chef des Omayyades, Abû Sufiyân, fut envoyé en Syrie, à la t6te d'un bataillon constitué après une grande levée à la Mecque, dans laquelle furent enr6lés beaucoup d'Omayyades et de célèbres notables de Quraych. Son frère Mu`âwiyeh, le rejoignit peu après avec son père Abû Sufiyân et sa sœur Howayriyyah ainsi que d'autres membres de la famille.
|